EAU POTABLE. L’eau potable que boivent les Drummondvillois, puisée dans la rivière Saint-François, contient des traces de contaminants pharmaceutiques, des pesticides agricoles ainsi que de la cyclophosphamide, un produit utilisé pour traiter certains cancers. Alors que la Ville assure que l’eau respecte les normes gouvernementales, elle précise que la nouvelle usine sera en mesure de mieux filtrer certains contaminants.
La présence de contaminants chimiques dans l’eau potable, c’est ce que démontre l’étude intitulée Produits pharmaceutiques et pesticides dans les eaux potables municipales du Centre-Sud du Québec commandée par Barry Husk, père du conseiller municipal John Husk et président chez BlueLeaf, une entreprise privée qui vise à mieux comprendre les impacts sur l’environnement de certaines sources de pollution afin d’aider ses clients à les réduire ou les éliminer. La recherche a été menée dans le cadre du mémoire de Juan Sebastian Sanchez Uribe, titulaire d’une maîtrise en génie civil à l’Université de Sherbrooke.
Au total, quatorze échantillons, obtenus directement par l’eau d’un robinet, ont été pris à Drummondville entre mai et novembre, pendant une période de deux ans. Parmi ceux-ci, 1,0 produit pharmaceutique et 1,75 pesticide ont été retrouvés en moyenne par échantillon d’eau potable à Drummondville. À titre de comparaison, 0,00 produit pharmaceutique et 0,63 pesticide ont été retrouvés en moyenne dans les échantillons d’eau potable prélevés à Sherbrooke.
La Ville remet les pendules à l’heure
D’après la Ville de Drummondville, il n’y a pas lieu de sonner l’alarme, car l’eau distribuée respecte les normes sur la qualité de l’eau potable établies par le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques. En 2018, 2 342 échantillons ont été prélevés à l’usine de traitement d’eau et analysés dans un laboratoire agréé.
«Même si l’étude révèle des quantités minimes de certains produits, par exemple comme le naproxène, l’eau de Drummondville respecte en tout temps les normes provinciales. Des tests sont effectués 365 jours par année. C’est que cette étude met également en lumière des substances qui ne sont même pas normées», explique Mathieu Audet, directeur par intérim du service des communications de la Ville.
«Les polluants émergents ne sont pas une situation nouvelle. Ça fait des années qu’ils sont connus. Les méthodes d’analyse des laboratoires s’améliorent de plus en plus, ce qui fait en sorte qu’on peut maintenant mesurer des quantités qui étaient avant trop petites pour être détectées, fait savoir Étienne Parent, chef d’exploitation de l’usine de traitement d’eau.
Et ces fameux contaminants émergents, on les retrouve tout autant dans l’air que l’on respire, dans la nourriture que l’on mange, dans les produits que l’on consomme que dans l’eau. Il faut prendre tout ça avec un grain de sel.»
Dans son projet de modernisation de l’usine de traitement d’eau, Drummondville a pris soin d’inclure trois nouveaux procédés de traitement qui permettront d’atténuer la présence de polluants émergents qui ne sont même pas encore normés. C’est donc dire que la nouvelle usine, qui sera construite au coût de 60 M$, sera à l’avant-plan quant aux normes provinciales.
Si davantage de produits pharmaceutiques et de pesticides ont été retrouvés à Drummondville, c’est possiblement parce que la Ville puise son eau dans la rivière Saint-François, située en aval de plusieurs municipalités, zones agricoles, industries et sites d’enfouissement, tandis que Sherbrooke s’approvisionne dans le lac Memphrémagog.
«Comme les méthodes municipales de traitement des eaux de Drummondville sont équivalentes ou supérieures à celles des autres municipalités, les concentrations plus élevées de contaminants dans l’eau traitée sont probablement liées principalement aux facteurs suivants : une plus grande présence de contaminants dans la source d’approvisionnement. Cela nécessiterait des vérifications», peut-on lire dans l’étude qui a également été publiée dans la revue scientifique Water Quality Research Journal.
Des normes provinciales à revoir?
L’entrepreneur Barry Husk a décidé de mener cette étude dans l’optique «d’élargir le nombre de produits normés» au Québec.
«Il existe des normes pour l’eau potable partout dans le monde, sauf que le nombre de produits normés au Québec est très limité. Il y a plus de 80 000 produits chimiques qui peuvent potentiellement se retrouver dans l’eau, mais seulement une trentaine sont normés», explique-t-il.
D’ailleurs, l’étude de M. Husk a détecté la présence de 15 produits chimiques (9 pharmaceutiques et 6 pesticides) et parmi ceux-ci, seulement deux types de pesticides sont normés.
«On veut simplement que les législateurs et les scientifiques collaborent à développer des programmes de surveillance et des réglementations», insiste-t-il. Barry Husk met à l’avant-plan la réglementation européenne, beaucoup plus stricte.
Questionné à savoir si le Québec en fait assez pour assurer la qualité de l’eau potable, Étienne Parent a fait valoir qu’il s’agissait d’un débat de société.
«Si on se compare à l’Europe, c’est certain que les normes là-bas sont plus sévères qu’ici, mais c’est un débat de société. Par exemple, pour l’usine de Drummondville avoir les standards européens reviendrait à 2 ou 3 M$ supplémentaire en coût d’opération par année. Ce n’est pas pour rien que l’eau est considérée comme de «l’or bleu» en Europe», souligne-t-il.
«Est-ce que les Drummondvillois veulent payer plus pour avoir une eau qui contient moins de micropolluants? Au Québec, nous avons décidé de ne pas aller en ce sens», soutient Étienne Parent.
À titre de comparaison, en 2014, le prix de l’eau en France était de 3,98 € (environ 6 $) pour 1000 litres. À Drummondville, la tarification est de 128 $ par année pour une maison unifamiliale. Avec une consommation moyenne de 400 litres d’eau par jour, cela reviendrait à 876 $ annuellement pour un ménage, selon la tarification française.
Une nouvelle usine de traitement de l’eau à Drummondville
Un des projets d’envergure à la Ville de Drummondville est sans aucun doute la construction d’une nouvelle usine de traitement de l’eau, au coût de 60 M$.
D’ailleurs, un appel d’offres a été publié par la Ville de Drummondville au début du mois de juin dernier. Elle désire recevoir des offres de services professionnels d’ingénierie pour la préparation des plan et devis et la préparation des documents d’appel d’offres nécessaires à la réalisation des travaux ainsi que la mise en service.
Alors que le début des travaux est prévu pour 2021, la nouvelle usine devrait être en fonction en 2023 dans le même secteur que celle qui traite actuellement l’eau potable, située sur la rue Poirier.