De survivante du cancer à docteure en biochimie

Jean-Claude Bonneau
De survivante du cancer à docteure en biochimie
Andréane Cartier. (Photo : Gracieuseté)

VIVRE. Quand on est en pleine santé, il est facile de dire qu’en général, la vie est belle. Mais quand ces paroles proviennent de la bouche d’une jeune femme qui, en bas âge, a vaincu deux cancers, ces mots prennent une toute autre dimension.

Il y a près de 29 ans, plus précisément en septembre 1990, la jeune Andréane Cartier vivait une période sombre alors que les médecins de l’Hôpital Sainte-Justine lui avaient diagnostiqué une tumeur de Wilms au rein droit.

«À l’époque, j’avais sept ans. Les médecins ont remarqué que le cancer s’était propagé à d’autres parties du corps, aux ganglions et aux poumons. Ils ont dû procéder à l’ablation du rein et de ganglions adjacents. S’en est suivie une période de traitements en chimio et en radio, environ huit mois. Puis une seconde opération, cette fois aux poumons pour des métastases. Et une autre période de traitements de six mois.

Pendant plusieurs années, j’allais régulièrement à Sainte-Justine pour mes traitements et ce n’est qu’après une période de rémission de cinq ans qu’on m’a informée que j’étais vraiment guérie. C’était incroyable. Je pouvais enfin enlever l’étiquette ¨cancéreuse¨ et vivre comme une enfant normale. La vie prenait un autre sens», souligne Andréane Cartier.

Aujourd’hui à la mi-trentaine, cette grande survivante mord pleinement dans la vie. Par son travail qui se déroule dans un laboratoire du Boston Children’s Hospital, elle s’est également donné comme mission de faire avancer la science.

En effet, après dix ans d’études à l’Université de Sherbrooke où elle a obtenu un bac en biochimie, où elle a amorcé une maîtrise en biologie cellulaire (deux ans) avant de conclure avec un doctorat en biochimie (cinq ans), Andréane Cartier fait maintenant partie d’une équipe de scientifiques qui réalisent des recherches très spécifiques, dont une partie se concentre sur le cancer.

Un sentiment de «redonner»

Tout au long de ses traitements et de sa convalescence, la Drummondvilloise a tellement reçu de bonté, de chaleur, de compassion de ses médecins traitants et du personnel infirmier qu’elle a rapidement développé un intérêt pour le secteur médical.

«Jeune, je voulais devenir infirmière ou médecin. À l’école, j’avais énormément d’intérêt pour les sciences, la biologie, les maths. J’ai rapidement voulu savoir comment fonctionnait le corps humain. Tout m’intéressait au niveau de la santé des gens et je me disais constamment qu’un jour, j’allais être en mesure de faire du bien à mon tour.

L’élément déclencheur s’est fait en parlant avec un ami qui étudiait en biochimie à l’Université de Sherbrooke. Dès ce moment, j’ai voulu m’inscrire en biochimie, une science qui vise l’étude des processus chimiques et biologiques à la base de la vie. Les connaissances fondamentales des bases moléculaires de la vie révélées par les biochimistes génèrent des découvertes importantes qui mènent à des progrès de la médecine moderne. Les biochimistes ne sont pas là pour soigner des patients mais plutôt pour trouver de nouvelles façons de soigner les gens. Nos actions, nos recherches peuvent un jour faire la différence, peuvent changer les choses. En me dirigeant dans ce secteur d’activités, c’était pour moi une façon de dire merci», précise la docteure en biochimie.

Une carrière intéressante

Photo gracieuseté

Depuis qu’elle a quitté l’Université de Sherbrooke où elle a gradué en décembre 2013, Andréane Cartier mène une carrière professionnelle très enrichissante.

«Après Sherbrooke, je me suis retrouvée à New York, plus précisément au Weill Cornell Medical College. J’ai joint l’équipe du chercheur Timothy Hla, Ph. D., qui est une personnalité reconnue dans le domaine des lipides bioactifs, dont les rôles vont du développement embryonnaire vasculaire, à la régulation de la pression sanguine jusqu’à la progression tumorale.

Puis, en 2016, mon patron (Dr Hla) a été recruté au département de biologie vasculaire du Boston Children’s Hospital, qui se veut un centre hospitalier universitaire associé à la Harvard Medical School. Il m’a offert de l’accompagner dans cette démarche et c’est ainsi que je me suis retrouvée à Boston. Du même coup, je me suis rapprochée du Québec. Il m’était impossible de décliner cette offre, sachant que le Boston Children’s est associé à la prestigieuse université Harvard, ce qui veut dire que nous avons accès à des équipements et des services à la fine pointe de toutes les technologies, que nous sommes entourés de chercheurs de renom pour collaborer et que de nombreuses compagnies de biotechnologie nous donnent l’opportunité d’appliquer nos découvertes à des études concrètes pour de futurs traitements. Boston représentait certes un défi intéressant», renchérit celle dont l’avenir est très prometteur et qui se dit privilégiée par la vie.

Parlant d’avenir

Quand il est question de son avenir, Andréane Cartier aime mieux ne pas s’avancer trop pour l’instant.

«Ce qui m’intéresse en premier lieu, c’est de comprendre davantage les cancers, de trouver des façons de les guérir, de les éliminer à la base ou de rendre les traitements plus efficaces et moins difficiles pour les patients. Personnellement, j’ai été très malade lors de mes traitements et, si un jour il était possible de trouver des solutions pour rendre les traitements plus personnalisés, efficaces et tolérables, ce serait une très grande avancée. Je travaille plus en fonction de s’attaquer aux causes du cancer. Un jour, mes recherches permettront peut-être de créer de nouveaux traitements qui pourraient sauver des vies.

Quant à mon avenir, je ne sais trop. Je renouvellerai prochainement mon visa de travail pour les trois prochaines années afin de pouvoir compléter les travaux que j’ai entamés au laboratoire et pour lesquels j’ai obtenu une bourse postdoctorale de deux ans. Après on verra. J’ai un bon patron qui croit en moi et qui me donne beaucoup de latitude. Si je demeure aux États-Unis, je pourrais poursuivre en institution académique ou me retrouver en industrie. L’idée de revenir au pays me plaît également. J’irai où le travail m’amènera. La décision sera aussi basée sur un élément de passion. J’adore le travail en laboratoire et je suis reconnue pour mon efficacité et mon dynamisme. La possibilité que je sois un jour en charge de ma propre équipe de recherche est peu probable, mais ça, c’est peut-être un peu tôt dans ma carrière pour le dire, particulièrement en raison de la famille».

Et la famille

Justement, parlant de famille, Andréane Cartier devient très souriante quand elle parle de son conjoint Michel Lévesque, qui est natif de Rimouski, et de son fils Ludovick qui est âgé de sept ans.

«Michel et moi, nous nous sommes connus à l’université et nous travaillons ensemble. C’est agréable. Quant à notre fils, il est super. Il grandit en santé. Il est vraiment un beau cadeau de la vie que nous apprécions tous les jours, d’autant plus que mes médecins, à l’époque de tous mes traitements, avaient laissé entendre qu’il y avait es possibilités de stérilité. Il est certain qu’à l’occasion, je me pose des questions. Par exemple, il y a deux ans, j’ai demandé que Ludo passe une échographie qui s’est avérée négative. J’ai aussi parlé avec un médecin et chercheur du Connecticut qui est un spécialiste des tumeurs de Wilms et qui m’a grandement rassurée. Maintenant, j’essaie toujours de voir la vie d’une façon très positive. Je suis d’ailleurs du genre à voir le verre plutôt à moitié plein qu’à moitié vide», précise celle qui fait confiance à la vie.

Photo gracieuseté

Lors de l’entretien téléphonique en direct de Boston qu’elle nous a accordé, entretien qui a duré tout près d’une heure, à plusieurs reprises il a été possible de dire à Andréane Cartier qu’elle avait démontré énormément de courage tout au long de sa vie et particulièrement dans la période de 7 à 18 ans.

«Courageuse, ce n’est pas moi. Ce sont toutes les personnes qui m’ont entourée à l’époque : mes parents qui ont été super présents, ma mère par son très grand positivisme et toute ma famille proche. Moi, je n’ai fait que suivre leur courant», conclut cette jeune femme pour qui la santé est devenue un bien très précieux.

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