Manon Gardner a pris sa mort en main… malgré elle

Manon Gardner a pris sa mort en main… malgré elle
La conjointe Nicole Landry et Jackie B. Hamilton, amie de Manon Gardner. (Photo : Ghyslain Bergeron)

TÉMOIGNAGE. Atteinte d’une sclérose en plaques progressive qui la privait de son autonomie, Manon Gardner a décidé de prendre sa mort en main en cessant de s’alimenter et de s’hydrater.

Selon les informations qu’elle a reçues, elle n’était pas éligible à l’aide médicale à mourir. Elle faisait fausse route. Elle aurait pu partir doucement au lieu de subir les conséquences douloureuses de la privation d’eau et de nourriture.

«Elle était néanmoins très calme et sereine avec son plan, celui de mettre fin à ses jours par ses propres moyens lorsqu’elle ne serait plus autonome», explique Nicole Landry, sa conjointe des 27 dernières années. La Drummondvilloise souffrante a donc décidé de consommer son dernier repas le 25 septembre, puis de cesser de s’hydrater le 1er novembre. Elle croyait que cinq jours sans eau suffiraient, mais il en aura fallu presque dix pour que son cœur cesse de battre.

«La première fois qu’elle nous a parlé de son plan de mourir, c’était il y a deux ans. Manon vivait avec la sclérose en plaques depuis 2004. Ça prend un courage incroyable pour se préparer à sa mort et elle réussissait même à en parler avec humour», raconte Jackie B. Hamilton, une amie de Manon Gardner.

La sclérose en plaques est une maladie auto-immune qui s’attaque au système nerveux central et affecte, entre autres, la motricité. Manon Gardner dépendait des autres depuis maintenant six mois pour subvenir à tous ses besoins et elle était consciente qu’elle ne retrouverait pas une belle qualité de vie. Elle est décédée le 9 novembre dernier à l’âge de 54 ans dans le confort de son foyer. Elle était entourée de sa compagne de vie. C’était sa dernière volonté.

«Quelques jours avant sa mort, j’ai publié un article dans La Presse qui parlait de son «plan» et du fait qu’elle croyait ne pas avoir droit à l’aide médicale à mourir. Deux médecins m’ont écrit via le réseau social Twitter pour me dire que selon les données fournies dans mon texte, mon amie était éligible. Elle n’aurait pas eu à endurer toute cette souffrance et elle aurait même pu choisir la date et l’heure de son départ», raconte Mme Hamilton.

«Quand Manon nous a mentionné qu’elle n’avait pas droit à l’aide médicale à mourir, nous n’avons pas remis son affirmation en doute et elle était très sereine avec son plan. Elle rayonnait de par son calme et c’est même elle qui rassurait ses proches. C’était donc plus facile de comprendre son choix d’en finir avec sa souffrance. À la lumière des informations que nous avons aujourd’hui, nous aurions dû valider ses dires. Elle n’aurait pas eu à subir ce jeûne pendant un mois et demi», ajoute Nicole Landry.

La loi sur l’aide médicale à mourir est entrée en vigueur le 10 décembre 2015 au Québec. Cela consiste en l’administration de médicaments par un médecin à une personne à sa demande, dans le but de soulager ses souffrances en entraînant son décès. Pour y avoir droit, il faut respecter des conditions strictes et éprouver des problèmes physiques ou psychiques constants.

Un droit méconnu au Québec

Le constat de Nicole Landry et Jackie B. Hamilton est que peu de gens savent que la loi sur l’aide médicale à mourir existe ou qu’ils peuvent obtenir cette assistance. «C’est le système qui doit faire un examen de conscience quand quelqu’un n’est pas bien renseigné, comme ce fut le cas pour Manon», avait commenté David Lussier, un des médecins qui a répondu à Mme Hamilton, à la suite de la publication de sa lettre dans le quotidien montréalais.

«Notre combat, c’est de faire connaître la loi de l’aide médicale à mourir ainsi que les droits des personnes. Notre façon de rendre hommage à Manon, c’est de raconter son histoire si ça peut éviter à des gens qui n’ont plus aucune qualité de vie de partir en souffrant davantage», conclut Mme Landry.

 

Manon Gardner

Selon les statistiques disponibles, au moins 755 personnes auraient reçu l’aide médicale à mourir au Québec (AMM), en 2017. Pour la région Mauricie–Centre-du-Québec, une proportion de 0,7 % de tous les décès compilés sur le territoire a été réalisée avec l’AMM.

 

 

Partager cet article