Accord commercial : les producteurs agricoles disent avoir servi de monnaie d’échange

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Par Jean-Pierre Boisvert
Accord commercial : les producteurs agricoles disent avoir servi de monnaie d’échange
Mario Lyonnais (MRC de Bécancour), Sylvain Labrecque (MRC de l’Érable), René Gélinas, président des producteurs de volailles, Alain Brassard, président des producteurs de lait, Daniel Habel, Marcel Groleau et Alain Vézina, VP régional, étaient à la conférence de presse. (Photo : Jean-Pierre Boisvert)

AGRICULTURE. Les producteurs agricoles ne le prennent pas d’avoir servi de monnaie d’échange dans les accords commerciaux récemment signés par le Canada avec les États-Unis et le Mexique.

C’est l’essentiel du message qu’ils ont transmis aujourd’hui dans le cadre d’une assemblée générale annuelle de la région du Centre-du-Québec, qui s’est tenue à Drummondville.

Marcel Groleau, président de l’Union des producteurs agricoles (UPA), a été éloquent dans un point de presse ce midi. «Quand on combine les concessions faites dans cette entente à celles de l’accord avec l’Union européenne et le partenariat transpacifique, les concessions du Canada totalisent maintenant près de 9 % dans le secteur laitier seulement. Cela représente un mois de travail en moins pour les producteurs. J’aimerais savoir ce que les Canadiens auraient dit si l’industrie automobile de l’Ontario se voyait priver d’un mois de revenus. On dirait que ça n’a pas d’allure. Alors voilà, pour l’agriculture, qui compte environ 116 000 emplois au Québec, soit à peu près le même nombre d’emplois que le milieu de l’automobile en Ontario, ça n’a pas d’allure», a-t-il cité en exemple.

En présence de représentants de toutes les MRC de la région et des représentants régionaux de toutes les productions sous gestion de l’offre, Marcel Groleau et le président de la Fédération de l’UPA du Centre-du-Québec, Daniel Habel, ont mis en relief les lourdes conséquences découlant de l’accord conclu le 30 septembre dernier, entraînant selon eux une instabilité économique, augmentant le stress et la détresse psychologique chez les familles agricoles et contribuant à dévitaliser les milieux ruraux.

Des productions déstabilisées

De faire valoir M. Habel : «Les productions sous gestion de l’offre sont très présentes chez nous et jouent un rôle déterminant dans l’occupation dynamique de notre territoire. Quand on déstabilise des productions aussi importantes, c’est tout le secteur agricole et para-agricole qui s’effrite. C’est un véritable effet domino et il faut que ça cesse».

Plus concrètement, les producteurs demandent au gouvernement fédéral l’application stricte de règles de réciprocité aux frontières canadiennes. Ils veulent la mise en place d’une politique rigoureuse d’identification de l’origine des produits (et des ingrédients) et d’une politique d’achat des produits canadiens. Ils demandent de retirer de l’AÉUMC (Accord États-Unis-Mexique-Canada) tout droit de regard des Américains sur les ententes privées conclues entre les producteurs et les transformateurs canadiens. Ils exigent une compensation de la totalité de leurs pertes financières. Enfin, ils demandent un soutien adéquat pour le développement des communautés rurales, qui sont des victimes collatérales de ces concessions commerciales.

«C’est très sournois ce qui risque de se passer. Il y a un relâchement dans les processus d’identification et de traçabilité. Dans les viandes entre autres, le consommateur ne peut pas savoir d’où ça vient. On ne connaîtra pas les ingrédients qui entrent dans la composition de nos produits alimentaires. Même chose pour les pesticides. Il y a un problème avec la réciprocité. Les certifications ne sont pas les mêmes d’un pays à l’autre et c’est souvent moins sévères à l’étranger», s’est dit d’avis M. Habel.

«Quand on aura le même jeu de cartes que les Américains, on va être en avance sur eux, mais ce n’est pas le cas actuellement», a témoigné pour sa part Mario Lyonnais, de la MRC de Bécancour.

Le gouvernement fédéral a déjà parlé d’une compensation sans préciser un montant. «Une compensation juste et équitable sera assurément de plusieurs milliards de dollars», estime Marcel Groleau, qui a été un proche de la ministre Freeland lors des négociations avec les États-Unis.

«Ce qui est vraiment choquant, c’est de voir Ottawa radier un prêt de deux milliards de dollars avec Chrysler. Ça me met le feu…»

M. Groleau a révélé qu’il a rencontré brièvement le nouveau ministre de l’Agriculture, André Lamontagne, et qu’il s’attend à un prochain meeting plus exhaustif, dans le but que le gouvernement de la CAQ appuie les agriculteurs québécois.

En cette année électorale où le milieu agricole fera monter la pression sur Justin Trudeau, des activités se dérouleront d’ici les élections de l’automne prochain, à commencer par une marche de solidarité qui aura lieu le 18 novembre prochain à Montréal.

 

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