Saputo continuera d’acheter du lait de chèvre québécois, selon certaines conditions

Saputo continuera d’acheter du lait de chèvre québécois, selon certaines conditions
L’assemblée générale extraordinaire des Producteurs de lait de chèvre du Québec avait lieu ce matin à Drummondville. (Photo : (Photo Lise Tremblay))

AGROALIMENTAIRE. Les producteurs de lait de chèvre du Québec, qui sont réunis à Drummondville aujourd’hui en assemblée générale extraordinaire, ont appris que l’entreprise Saputo continuera d’acheter leur lait si ceux-ci en améliorent la qualité.

Alors qu’une vingtaine de producteurs étaient attendus ce matin dans la salle La Favorite du motel Blanchet, ce sont plutôt 75 personnes qui se sont déplacées pour prendre part à cette assemblée des plus importantes pour l’industrie caprine québécoise.

On se souviendra qu’il y a quelques jours, une productrice de Notre-Dame-du-Bon-Conseil, Maude Caron, avait fait part de ses craintes à un journaliste de L’Express après que les deux grands acheteurs de lait de chèvre au Québec aient pris des décisions crève-cœur. De fait, le 16 août dernier, Saputo a informé les producteurs caprins qu’elle ne s’approvisionnerait plus auprès d’eux à compter du 1er janvier 2019 et, le 21 septembre dernier, Agropur a annoncé qu’elle fermera définitivement son usine de transformation située à Saint-Damase en avril 2019.

Ce sont donc des producteurs inquiets de leur avenir qui se sont donné rendez-vous à Drummondville ce matin.

«La faillite me guette…», a confié, les traits tirés, un producteur de l’Île-d’Orléans à l’auteure de ses lignes quelques secondes avant le début de l’assemblée.

(Photo Lise Tremblay)

Le président des Producteurs de lait de chèvre du Québec, Christian Dubé, avait cependant une «bonne et une mauvaise nouvelle» à communiquer à ses membres.

«Avec l’intervention de Marcel Groleau, président de l’Union des producteurs agricoles (UPA), nous avons réussi à rouvrir le dialogue avec Saputo et hier soir, nous en sommes arrivés à une entente de principe. Saputo continuera d’acheter votre lait si des efforts sont faits pour améliorer sa qualité. La balle est donc dans votre camp», a-t-il indiqué.

Pour ce qui est de la «mauvaise nouvelle», M. Dubé a confirmé qu’Agropur allait fermer son usine d’ici quelques mois.

«C’est une décision qui nous a pris par surprise. On ne l’avait pas vu venir celle-là…, a-t-il exprimé la voix étranglée par l’émotion. On nous dit l’usine doit être modernisée et qu’il y aurait des conflits avec les employés (…) mais quand je parle aux employés, j’entends un autre discours.»

À nouveau avec le président de l’UPA, M. Dubé tentera prochainement de rencontrer la direction d’Agropur pour discuter de la situation.

«On va les rencontrer, car il y a sûrement moyen pour ces gens-là d’assurer la transformation du lait de chèvre ailleurs, a-t-il fait savoir. Personnellement, si je perds ce contrat, je ne sais pas où je vais envoyer mon lait… Actuellement, 50 % de ma production va chez Chalifoux (Sorel) et 50 % chez Agropur.»

«On va être capable de sauver notre industrie»

Malgré l’incertitude, le président des Producteurs de lait de chèvre du Québec demeure optimiste et estime qu’il est tout à fait possible de sauver l’industrie.

«On est capable de trouver des stratégies pour satisfaire les critères de Saputo. C’est vrai que certains d’entre nous risquent d’être en difficulté, mais tous ensemble, on va aller loin. Nous devons trouver des solutions pour améliorer la qualité de notre lait, l’approvisionnement et le transport. Nous sommes rendus à un point tournant du syndicat, mais nous avons des opportunités devant nous», a indiqué Christian Dubé.

Selon la productrice Maude Caron, qui assistait à l’assemblée ce matin, les problèmes de qualité réfèrent à la présence de bactéries dans le lait.

«Selon les tests réalisés en usine, le nombre de bactéries est trop élevé dans notre lait. Ça crée des problèmes de transformation parce qu’il y a création de bactéries dans les fromages. Il est temps qu’on s’attaque à ce problème. La seule chose, nous aurions dû travailler sur le problème l’an passé parce qu’il s’agissait déjà d’un problème criant. Là, on est acculé au pied du mur. Ça me déçoit un peu du syndicat, mais je pense que là, on est bien pris en main», a-t-elle indiqué.

Au moins, selon cette productrice bonconseilloise, le problème de bactéries se résoudra assez facilement.

«Ce sera assez facile à régler, car ça part d’un problème de refroidissement du lait, surtout en été, et d’un problème de qualité de lavage de nos systèmes de traite et des citernes.»

Par ailleurs, autres mauvaises nouvelles, les producteurs devront acquérir une assurance responsabilité de deux millions de dollars pour garantir la qualité de leur lait et baisser le prix de leur or blanc de 5 %. En ce moment, un hectolitre de lait de chèvre se vend 107 $.

«C’est certain que des producteurs vont la trouver plus difficile à digérer celle-là, a ajouté Mme Caron. Personnellement, j’ai déjà fait des efforts pour abaisser mes coûts de production le plus possible, donc ça devrait aller, même si j’aurais préféré qu’on ne touche pas au prix. Quand même, je préfère que mon lait parte au complet à l’usine que de rester pris avec à la ferme».

Au Québec, le marché des produits à base du lait de chèvre est en croissance. À preuve, selon Mme Caron, les épiceries proposent toutes maintenant une belle gamme de produits. «Une entreprise de Sorel, la Laiterie Chalifoux, a même sorti dernièrement un cheddar de lait de chèvre qui est vendu au Costco maintenant. L’intérêt est donc là», a-t-elle dit.

Enfin, le président de l’UPA, Marcel Groleau a indiqué aux producteurs présents que le MAPAQ allait les appuyer au cours des prochains mois pour assurer le développement de chacune des fermes québécoises.

«La situation actuelle n’est pas facile, mais le marché est en croissance. Il faut absolument stabiliser la situation pour qu’ensuite, nous puissions penser développement. On est capable de le faire», a-t-il conclu.

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