Les organismes communautaires naviguent dans un brouillard depuis le 1er avril

Les organismes communautaires naviguent dans un brouillard depuis le 1er avril
Rachel Bissonnette est la directrice générale de la Fondation de la Tablée populaire. (Photo : Photo Jean-Claude Bonneau)

DRUMMONDVILLE. Les organismes communautaires de la région restent dans le brouillard depuis la mise en place du Programme objectif emploi le 1er avril dernier. Ils ont pris compte des règles du programme sur papier, mais sur le terrain, le tout reste très nébuleux pour eux.

Les réactions mitigées fusent de toute part face à cette nouvelle réalité qu’impose le Ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale. Des intervenants des organismes communautaires régionaux précisent qu’il y a certains avantages, mais beaucoup d’inconvénients dans le dossier. L’Express a pu discuter avec la Fondation de la Tablée populaire et le Regroupement des droits sociaux de Drummondville pour bien comprendre la réalité du milieu communautaire.

Aux yeux de la directrice générale de la Fondation de la Tablée populaire de Drummondville, Rachel Bissonnette, la décision du gouvernement Couillard de vouloir aider les prestataires d’un chèque d’aide sociale à réintégrer le marché du travail et les bancs d’école est une bonne chose, mais selon elle, il reste encore beaucoup de questionnements sur le déroulement de ce programme près de deux semaines après sa mise en vigueur. «Je trouve louable de faire en sorte d’aider ces gens à retourner vers les études et le marché du travail, mais il faut vérifier si ces gens-là sont prêts à réintégrer le marché de l’emploi. La priorité n’est pas de travailler, mais bien d’avoir un toit, de la nourriture et les essentiels pour vivre», précise Rachel Bissonnette. Pour la directrice générale de l’organisme, il serait mieux d’accompagner ces prestataires de l’aide sociale, de revenir à la base et s’inspirer de la pyramide de Maslow. Cette pyramide démontre les besoins humains en cinq niveaux selon la théorie du psychologue Abraham Maslow.

La directrice générale du Regroupement de la défense des droits sociaux de Drummondville, Joan Salvail, croit qu’il y a un flou concernant l’identité des personnes qui feront les rencontres d’évaluation avec les clients. Elles se demandent surtout si ces rencontres se feront en personne, car présentement les prestataires de l’aide sociale passent par téléphone ou par internet pour s’inscrire. «Ça prend des spécialistes pour obtenir des diagnostics clairs, il sera important de rencontrer les gens en personne pour faire l’évaluation complète», affirme Joan Salvail. L’intervenante explique que pour certaines personnes ce sera un bon incitatif avec les bonifications, mais pour d’autres, il sera très difficile de suivre les démarches très serrées. Elle estime que les personnes qui ne respecteront pas les critères du programme seront lancées dans le néant jusqu’à leur nouvelle évaluation qui aura lieu l’année suivante. Ils ne seront techniquement pas encadrés par le gouvernement pour les aider à rejoindre le programme lors de l’année qui suivra cette évaluation.

Les deux organismes s’entendent pour dire que les pénalités imposées lors de la non-participation au programme sont sévères, puisqu’une personne recevant l’aide de dernier recours vit sous le seuil de la pauvreté et une coupe allant jusqu’à 224$ entaille significativement le chèque. Les pénalités sont le calque de celles utilisées lors de fraudes de l’aide sociale. Les questions qui demeurent, selon Mme Bissonnette et Mme Salvail sont: qui exécutera l’évaluation des demandeurs qui font une première demande d’aide sociale, quels seront les critères appliqués par les évaluateurs et que fera-t-on des personnes qui ne respecteront pas ces critères et qui ne pourront pas participer à ce programme?

Le porte-parole et responsable de l’analyse politique au Collectif pour un Québec sans pauvreté, Serge Petitclerc, encense les propos de Mme Salvail et Mme Bissonnette. Il affirme être content que le gouvernement offre des mesures aux primo demandeurs (dans jargon administratif signifie premier demandeur) d’aide sociale, mais décrit lui aussi l’utilisation de pénalités comme menace dans le cadre du Programme objectif emploi.

Les plus récentes statistiques indiquent qu’il y avait en janvier 2018 5 608 adultes prestataires du Programme d’aide sociale au Centre-du-Québec. Le ministère du Travail, de l’Emploi et des Services sociaux précise que chaque année, environ 15 000 personnes au Québec déposent pour une première demande au Programme d’aide sociale. Près du trois quarts des ces primo demandeurs  sont des jeunes âgées de moins de 35 ans. Le ministère indique aussi qu’il est encore trop tôt pour faire une évaluation du Programme objectif emploi, puisqu’il n’est entré en vigueur que le 1er avril dernier.

Qu’est-ce que le Programme objectif emploi

Le programme constitue un soutien du revenu, mais surtout un accompagnement pour les personnes qui demandent d’avoir accès aux prestations de l’aide financière de dernier recours afin qu’elles puissent atteindre une certaine autonomie financière. Les citoyens qui font une première demande d’aide sociale devront participer à ce programme s’ils remplissent les conditions requises à prendre part à des processus de réinsertion à l’emploi ou un retour sur les bans d’écoles. Si ces gens respectent ces mesures d’une durée maximale de 12 mois, ils recevront une somme supplémentaire sur leur chèque de prestation d’aide sociale. Cependant, s’ils ne se conforment pas aux critères choisis par le gouvernement, il y aura des pénalités monétaires. C’est sur cette facette du programme que les intervenants des organismes communautaires de la région ne sont pas en accord avec la décision du ministre de l’Emploi et de la Solidarité sociale, François Blais dans le dossier d’objectif emploi.

 

Partager cet article