Regards sur la dette et l’endettement de la Ville

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Par Jean-Pierre Boisvert
Regards sur la dette et l’endettement de la Ville
Francis Adam, Benoit Carignan et Alexandre Cusson ont accepté de répondre aux questions des deux journalistes de L’Express. (Photo : Gracieuseté)

(N.D.L.R.) Pour la première fois dans le cadre d’une recherche journalistique, L’Express, curieux d’aller plus en profondeur dans le domaine complexe des finances, de l’endettement et de la dette réelle de la Ville de Drummondville, a rencontré les trois principaux acteurs de l’administration municipale, le trésorier Benoit Carignan, le directeur général Francis Adam et le maire Alexandre Cusson. Questionnements de Lise Tremblay et Jean-Pierre Boisvert.

DRUMMONDVILLE. Quelle est la dette de la Ville de Drummondville? Il n’y a pas une seule réponse à cette question, ou alors elle est mal posée.

Au cours des démarches que nous avons effectuées pour obtenir le chiffre traduisant la réalité le plus fidèlement possible, nous nous sommes rendus compte que la réponse comporte plusieurs nuances.

Au ministère des affaires municipales (MAMROT), ce qui est convenu de nommer l’endettement total net à long terme (ETNLT), selon le relevé de 2016 (le dernier disponible), s’élève à 123 611 945 $.

Ce chiffre est confirmé par MM. Carignan, Adam et Cusson qui tiennent cependant à ajouter une précision importante. «Cette somme de 123 611 945 $ comprend une part de 27 millions $ qui sera compensée par des revenus futurs», expliquent-ils, laissant comprendre que les citoyens n’auront pas à la payer. On cite l’exemple du campus de l’UQTR.

«La Ville s’est endettée pour construire le pavillon universitaire parce qu’elle voulait servir de levier dans un dossier structurant alors que le gouvernement du Québec n’était pas prêt à investir dans le béton, ce qui fut une excellente décision de la Ville. D’autant plus que le privé y a injecté 8M$. Il faut savoir que cet emprunt ne coûte rien aux contribuables puisque nous avons signé un bail (de 6 ans) avec l’Université qui nous assure de payer l’hypothèque et même de pouvoir se doter d’une réserve pour l’entretien futur. C’est un peu comme quelqu’un qui achète un triplex et qui le paye avec le loyer de ses locataires. Au bout du compte, il sera enrichi avec l’argent des autres», de comparer le maire Cusson.

Autrement dit, si la question était plutôt de savoir de combien les Drummondvillois sont endettés en tant que contribuables, la réponse serait de 96,6 millions de dollars. Ce montant était de 94,9 M$ en 2013, «une hausse de 1,7 %», fait observer le maire qui est entré en fonction en 2013. «On ne peut pas dire qu’on a perdu le contrôle des finances ici».

Dette à l’ensemble des contribuables

Une autre façon de poser la même question est la suivante : quelle est la dette de la Ville si on exclut les dettes de secteurs? Une dette de secteur est celle qui est seulement à la charge des résidents d’un nouveau secteur de la ville où il a fallu aménager rues et aqueducs, entre autres.

Le total de ces dettes de secteur représente une somme de 17 millions $, ce qui fait dire aux administrateurs municipaux que la dette pour l’ensemble des Drummondvillois est de 78,6 millions $. Elle était de 77,8 millions $ en 2013.

Décortiquer les chiffres d’une administration municipale n’est pas une mince tâche. Si on demandait à 10 analystes financiers de le faire, on aurait peut-être 10 réponses différentes, comme nous l’a suggéré un conseiller du Service de l’information financière et du financement municipal au MAMROT à qui on a pu parler lors d’un breffage technique.

Dette à long terme

Une autre nuance et celle-là est de taille : il s’agit de la «dette à long terme», qui comprend tout ce qui est emprunté, peu importe la façon dont son remboursement sera pourvu. On parle ici de 146 120 414 $.

Benoit Carignan donne cette définition : «Ce chiffre inclut toutes les dettes qui doivent être inscrites dans les livres de la Ville, y compris celles des gouvernements supérieurs ou celles d’un tiers. Pour reprendre l’exemple du campus de l’UQTR, il faut savoir que le bail qui est de six ans n’assure pas le paiement de toute l’hypothèque qui s’échelonne sur 25 ans. On sait tous que l’Université de Trois-Rivières ne quittera pas Drummondville au terme de ce bail de six ans. Elle va renouveler le bail ou peut-être même racheter le bâtiment. En d’autres termes, la Ville doit inscrire dans ses livres une dette équivalente aux 19/25e du prêt total. C’est le genre de détails qui apparaît dans la dette à long terme. Tout comme, poursuit-il, la subvention gouvernementale qui est accordée à un projet comme la modernisation de la Maison des arts. Le gouvernement confirme une subvention de 8 millions $ mais ne la dépose pas d’un seul coup dans les coffres de la Ville. Il l’échelonne sur 10 ans. C’est comme s’il disait à la Ville de Drummondville : emprunte ce montant à ma place et je te rembourserai à chaque année le capital et les intérêts. Pour le gouvernement, ce prêt ne figure pas dans ses livres».

C’est avec cette somme de 146M$ que la Ville fait des comparaisons avec la dette à long terme de certaines autres villes, dont Shawinigan (208M$), Saint-Jérôme (205M$), Trois-Rivières (338M$) et Granby (74M$).

«C’est sûr, met en contexte M. Carignan, que plus il y a de citoyens, plus la dette est importante dans une ville. À Drummondville, la dette réelle, qui est de 96,6 millions $, peut paraître grosse aux yeux de certains citoyens, mais elle ne représente pas plus de 25 % sur des actifs évalués à 400 millions $ (bâtiments, machinerie etc). Si on demandait à ces mêmes gens s’ils considèrent qu’une hypothèque de 50 000 $ est satisfaisante sur une maison de 200 000 $, ils répondraient sans doute oui. C’est pourtant le même ratio avec la dette de Drummondville».

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