Née dans un corps d’homme

Née dans un corps d’homme
Femme depuis quelques mois

VIVRE. On ne naît pas femme, on le devient», disait Simone de Beauvoir. Ce proverbe semble fait sur mesure pour Vicky Gauvin, elle qui se sent femme depuis toujours mais qui est née dans un corps d’homme. Cela  fait sept mois qu’elle peut enfin dire qu’elle en a les traits. Et elle est plus épanouie que jamais.

«Avant, je ne parlais pas. Aujourd’hui, impossible de m’arrêter !», rigole Vicky Gauvin, en spécifiant que les personnes qui l’ont connue il y a quelques années ne la reconnaîtrait pas. Et pas simplement à cause de son physique.

Si elle met aujourd’hui des robes avec fierté, cela n’a pas toujours été le cas. Déjà vers l’âge de onze ou douze ans, elle savait que quelque chose en elle était différent des autres garçons. «Je ne savais pas en quoi. Je faisais du vélo de montagne, je portais du camouflage, j’aimais ça jouer dans la boue. Et je portais les robes de ma sœur en cachette», raconte-t-elle.

Vicky Gauvin aura porté les vêtements de ses proches féminins pendant trente ans, sans le dire à qui que ce soit. «Je le faisais instinctivement, mais je ne voulais que personne le sache. C’était mon secret, et je l’ai gardé jusqu’à 41 ans», décrit-elle avec un petit sourire triste, avouant avoir été mal dans sa peau pendant des années.

Le déclic s’est fait lors de son retour d’un voyage en Floride avec son ex-conjointe. «C’est moi qui ai conduit pendant tout le trajet du retour, soit une vingtaine d’heures sans arrêt. Ma tête s’est mise à réfléchir intensément, à tourner. Je me suis dit qu’en arrivant à la maison, je déballais mon sac. J’ai fait tous les temps, mais j’ai tout dit.»

S’est ensuivie l’urgence. «Ça a été drastique. Quand je l’ai annoncé à mon ex-conjointe, le lendemain je me rasais les jambes. Il fallait que je fasse quelque chose : ça faisait trente ans que je gardais le secret, mais il fallait que ça change», se remémore Vicky Gauvin. Qui aurait cru que mettre un soutien-gorge pour la première fois pouvait être si réjouissant?

Si la nouvelle a été accueillie avec une certaine surprise par son entourage, elle a fait son chemin, tranquillement.

Un long processus

Toutefois, on ne change pas de sexe sur un coup de tête : pour avoir accès à des hormones, il faut préalablement avoir eu une lettre de référence rédigée par un sexologue spécialisé en transsexualité, puis un rendez-vous avec le médecin de famille. Ce dernier référera ensuite la personne à un endocrinologue qui pourra prescrire les hormones. Dans le cas de Mme Gauvin, elle prendra des œstrogènes pour le reste de ses jours. «La première fois que tu prends ta pilule d’hormones, on se sent tellement bien, c’est capoté!», se laisse-t-elle emporter. Pour sa part, cela fait depuis novembre dernier qu’elle a sa prescription.

Pour avoir accès à la grande opération (dans ce cas-ci, la vaginoplastie), Vicky Gauvin devra fournir quatre lettres de références de quatre professionnels de la santé différents et prendre des hormones jusqu’au premier anniversaire de l’obtention de sa prescription. «Ça prend environ six mois d’attente, à partir du moment où tous les documents sont envoyés à la Régie de l’assurance-maladie du Québec, avant de pouvoir se faire opérer. C’est raisonnable, mais plus ça va et plus la liste risque d’être longue», estime-t-elle, faisant référence à l’expertise de Montréal au sujet des opérations de changement de sexe.

Changer de sexe, ensemble

Cela fait quelques mois que Vicky Gauvin est en couple avec son conjoint, et c’est une relation plutôt hors du commun : si elle fait la transition vers le sexe féminin, son amoureux fait exactement l’inverse. «Ce qui est drôle, c’est que lui sa barbe commence à pousser et il tripe vraiment. Moi, je fais de l’épilation au laser pour la faire disparaître, rit-elle, en précisant qu’il a commencé sa transition à peine quelques mois avant elle. C’est beau, c’est simple et on se comprend très bien.»

Et il semble que Drummondville soit un lieu particulièrement accueillant pour les transsexuels. «Je me fais plus regarder quand je vais dans les grandes villes, ce n’est rien de méchant mais je me sens moins bien. À Drummondville, absolument rien. Pas de regard ou de mot négatif, c’est vraiment plus ouvert», témoigne Vicky Gauvin, d’un air encore un peu étonné.

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