Marie-France Benoit, militante pour toujours

Marie-France Benoit, militante pour toujours
Marie-France Benoit

FÉMINISME. La lutte pour l’égalité entre les femmes et les hommes n’est pas terminée, croit Marie-France Benoit, qui s’investit depuis une vingtaine d’années pour que la gente féminine prenne sa place à part entière dans la société québécoise, que l’on dit ouverte.

Du plus loin qu’elle se souvienne, l’injustice l’a toujours touchée. Et bien avant que la citoyenne de Saint-Bonaventure œuvre dans le milieu syndical, il y a eu la musique. Un jour qu’elle enseignait le piano à une fillette d’un milieu aisé, elle réalisa qu’on la forçait en dépit de son manque d’intérêt. D’autres enfants qui s’y intéressaient ne pouvaient avoir accès en raison de leur pauvreté familiale.

Marie-France Benoit se souvient encore de cet incident qui lui a fait réaliser l’écart des classes de l’époque. La défense des démunis s’est vite installée au cœur de sa vie. Avec son conjoint, le juriste Richard Langelier, elle a ouvert La clinique juridique populaire, à Saint-Hyacinthe, une ressource offrant une aide aux démunis.

Les grandes causes allaient bientôt trouver leur place dans la vie de la jeune baby-boomers, à commencer par la défense syndicale, où elle a œuvré de 1978 à 1998. À la CSN, Mme Benoit s’occupait désormais de l’action politique entourant la santé et les services sociaux des travailleurs.

De 1998 à 2016, la condition des femmes allait se retrouver au cœur de son mandat, sous tous ses aspects. Il y avait la discrimination salariale, le harcèlement psychologique. Ces dernières années, la conciliation travail-études-famille est devenue un nouveau cheval de bataille pour les syndicats. «Quand tu t’occupes des femmes, tu t’occupes de tout, avec le regard de la place des femmes», explique la militante, qui n’hésite pas à se qualifier de féministe.

Elle en est convaincue, le syndicalisme a été une force majeure dans la défense des droits des travailleuses québécoises. «Une voix, une force politique et des moyens financiers pour créer des outils, des formations et leur donner de l’information», assure Marie-France Benoit.

Lutte à la pauvreté

Il ne fait aucun doute pour elle qu’il faut mettre fin à la pauvreté si l’on veut voir les femmes s’affranchir complètement. Malgré leur émancipation des dernières décennies, la dépendance financière les entraîne parfois vers la prostitution ou la violence conjugale. Des phénomènes encore bien présents en 2017.

La grande féministe Marie-France Benoit peut en témoigner. Sa lutte pour l’avancement des femmes l’a amenée à la grande Marche des femmes. Elle était même de la toute première, celle de 1995 : La Marche du pain et des roses, où quelques centaines de Québécoises ont entamé une longue marche.

En compagnie d’une centaine d’autres femmes, elles ont marché quelque 200 kilomètres, en Montérégie, à dénoncer la pauvreté qui touche les femmes. Même en 1995. Elles étaient reçues par les communautés qu’elles traversaient et dormaient dans des gymnases.

Elle se souvient d’ailleurs d’une certaine France Castel. «Le soir, elle nous faisait un petit spectacle. Elle avait une énergie folle» se souvient-elle. Mais, surtout, elle se rappelle des femmes sur leur passage. «C’était émouvant de les voir nous remercier. C’est un souvenir extraordinaire», dit-elle.

Et cette lutte pour les femmes s’est poursuivie de plus belle au fil des ans. Après la première, qui a donné une certaine reconnaissance au renouveau féministe, d’autres s’ajouteraient à l’agenda annuel du 8 mars.

C’est ainsi qu’avec d’autres militantes, elles en sont venues à l’idée d’organiser une plus grande marche encore. Lors de la première Marche internationale des femmes, en l’an 2000, des milliers de femmes d’ici et d’ailleurs ont pris part à ce grand mouvement qui a pris naissance au Québec.

Mme Benoit estime que l’immense énergie collective qui s’en est dégagée a eu des résultats et au-delà de la Belle Province. «Au Burkina Faso, cette marche a fait en sorte que des femmes aient accès à l’eau. Ces femmes se sont mobilisées pour avoir des choses. Cette marche réunit des femmes ordinaires et a été un catalyseur d’énergie et de mobilisation. C’est une force du mouvement», prétend la militante de Saint-Bonaventure.

Pourtant, la mobilisation n’a pas été simple, l’évolution des femmes n’étant au même diapason selon le pays où elles vivent, en Europe, en Afrique ou en Amérique du Nord «Ce n’est pas évident d’inscrire certains mots; certains pays ont menacé de quitter le mouvement», souligne-t-elle.

Militante pour toujours

Aujourd’hui encore, Marie-France Benoit poursuit sa lutte pour la défense des droits des femmes. À la retraite depuis quelques temps, elle est toujours membre du comité de concertation des luttes contre l’exploitation sexuelle, un groupe qui milite pour défendre les droits des survivantes au travail du sexe. «Je m’oppose à ce qu’on parle de «travailleuse du sexe». Je ne crois pas que ce soit un choix de carrière», indique-t-elle.

«En 2000, on demandait des cours d’éducation sexuelle. Dix-sept ans plus tard, le problème de l’image corporelle est encore là. Beaucoup de jeunes filles sont manipulées et utilisées.»

Le thème de la Marche des femmes de 2017 sera L’égalité sans limites. «On a fait d’énormes progrès, mais on vit encore dans une société patriarcale», martèle Mme Benoit, qui ne peut s’empêcher de voir la violence conjugale se répéter de génération en génération.

Certains hommes ont besoin d’un pouvoir. Les femmes qui n’ont leur autonomie financière sont à leur merci. Voilà pourquoi, la lutte à la pauvreté des femmes doit se poursuivre, estime Mme Benoit.

«Comme femme, il faut toujours se dire qu’il faut être autonome financièrement. C’est une clé que beaucoup de jeunes filles n’ont pas aujourd’hui, car elles pensent que tout est acquis», observe Marie-France Benoit.

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