L’industrie alimentaire en pleine transformation

L’industrie alimentaire du Québec devra relever bien des défis dans un avenir rapproché si elle désire jouer un réel rôle de levier de développement économique pour l’ensemble de la Belle Province.

C’est du moins ce qui se dégage de la deuxième rencontre préparatoire au Sommet sur l’alimentation, qui se tenait vendredi dernier, au Centre Expo Cogéco, à Drummondville.

L’industrie alimentaire, qui regroupe la transformation des aliments, leur commercialisation de même que les services y étant liés, crée 500 000 emplois, soit un emploi sur huit. Au Québec, les deux tiers des ventes alimentaires, évaluées à 26 milliards de dollars, passent par les commerces de détail et près du tiers, soit 14 milliards, par les services alimentaires.

Experts et échanges

écideurs et acteurs influents du secteur bioalimentaire s’étaient donc réunis pour discuter des défis qui guettent l’industrie à l’invitation du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ), représenté par son nouveau ministre, Laurent Lessard, qui reprend ainsi le siège du ministère qu’il avait occupé de 2007 à 2011.

Les participants avaient rendez-vous en début de matinée dans la grande salle du rez-de-chaussée pour en apprendre plus sur la perception des Québécois envers l’industrie alimentaire par l’entremise d’un sondage réalisé par la firme Léger Marketing.

Après la conférence d’Alain et Mélanie Chalifoux, venus raconter l’aventure du virage innovateur de la Laiterie Chalifoux et ses produits Riviera, trois invités de marque ont exprimé leur vision de l’avenir de l’industrie alimentaire et des avenues qui s’offrent pour permettre à ses artisans de tirer leur épingle du jeu: Maurice Doyon, Jean-Guy Côté et Sylvain Charlebois.

Maurice Doyon, professeur d’économie agroalimentaire de l’Université Laval, a mis en lumière la détérioration depuis une dizaine d’années des marges de marché des supermarchés au profit des détaillants de grande surface, tels Walmart et Cotsco. «Au Québec, la marge bénéficiaire nette a atteint le niveau critique de 0,9 % en 2012», a signalé le professeur Doyon.

Dans cette situation, le risque est de réduire la diversité des produits dans les supermarchés et d’éliminer les fournisseurs de petite taille. «Les fournisseurs nous disent qu’il est plus difficile de devenir un fournisseur autorisé aujourd’hui qu’il y a 20 ans», affirme M. Doyon.

Il y a aussi le traité de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne qui risque de nuire considérablement aux fromagers québécois, en les enlevant des tablettes. Le professeur Doyon croit que les producteurs de fromages québécois devraient profiter de l’occasion pour offrir leurs produits dans les provinces canadiennes hors Québec et même viser les marchés de New York, Boston, Philadelphie et D.C, entre autres.

M. Doyon estime qu’une stratégie forte et bien orchestrée est nécessaire. Répertorier et diffuser le pourcentage d’aliments québécois dans les chaînes, par exemple, et regrouper des fournisseurs-grossistes au sein d’une même plateforme de commerce électronique.

Levier économique

Jean-Guy Côté, directeur associé de l’Institut du Québec, estime pour sa part que l’industrie agroalimentaire peut constituer un puissant levier de développement économique pour le Québec.

Celui-ci prétend que l’accord de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne représente une opportunité pour les entreprises québécoises puisqu’il s’agit du plus grand marché de la planète avec ses 500 millions d’habitants et donc de consommateurs. Surtout que ce traité élimine les frais douaniers.

M. Côté propose aux entreprises d’ici d’innover, de viser la valeur ajoutée. «Le nerf de la guerre sera de saisir les opportunités, d’exporter davantage. Ce traité constitue un important potentiel pour l’agroalimentaire», insiste celui-ci.

Transformation, la valeur ajoutée

Sylvain Charlebois, doyen de la Faculté en Management et professeur en distribution et politiques agroalimentaires à l’Université Dalhousie de Nouvelle-Écosse, partage en gros la vision de l’IdQ. M. Charlebois affirme que les producteurs québécois devraient exporter davantage de produits transformés, de plats prêts à la consommation, ce qui pourrait constituer une valeur ajoutée à l’offre québécoise à l’étranger. «Il y a une culture tout à fait unique ici et qui doit être reconnue», assure-t-il.

Soutien à l’Innovation

En après-midi, une table ronde a permis aux animateurs des ateliers d’après-diner de présenter un bref résumé des échanges entre participants.

Pour plusieurs d’entre eux, le soutien financier à l’innovation devrait être au cœur des préoccupations du MAPAQ. En bioalimentation, l’innovation est nécessaire pour aller de l’avant dans le contexte actuel, ont répété à tour de rôle les intervenants.

Il y a également les normes de réglementation qui les préoccupent, celles des produits alimentaires entrant au Québec ne respectant pas toujours les normes québécoises et canadiennes.

Le ministre Lessard s’est montré attentif à ces propos, mais ne s’est pas engagé à revoir le dossier.

Il a aussi été question du calendrier scolaire. Ces années-ci, pas moins de 45% des entreprises agricoles éprouvent des difficultés à recruter des travailleurs.

 Dans ce contexte, les acteurs du milieu agricole demandent à ce que le calendrier scolaire soit revu, de façon à libérer une main-d’œuvre étudiante disponible à la fin de l’été, en période de récolte. L’industrie touristique y voit aussi des avantages.

Partager cet article