Les petits détaillants contrariés par les frais de cartes de crédit

Les petits détaillants contrariés par les frais de cartes de crédit
Pour chaque transaction

DRUMMONDVILLE. «Le gros problème, c’est que notre marge de profit n’est vraiment pas haute. Là, je prends mes profits et je les donne à la caisse», déplore Dominique Ayotte de l’épicerie Despins, de Drummondville. Les frais chargés par MasterCard et Visa font l’objet d’un mécontentement depuis quelques années au sein des petits détaillants d’ici et d’ailleurs au Québec.

Dominique Ayotte a accepté sans réserve d’étaler ses comptes à l’auteure de ces lignes, afin de montrer la réalité des petits détaillants en ce qui a trait aux frais imposés par les compagnies de crédit.

Il n’en coûte pas moins de 3500 $ par année au propriétaire pour couvrir seulement les frais des transactions effectuées par cartes de crédit. «Le montant  est pratiquement le même ici. Seulement pour ce mois-ci, et c’est vraiment un petit mois, je dois environ 120 $ à Visa et Mastercard. Ça n’a pas d’allure», a quant à elle fait valoir Pascale Rudolph, propriétaire du dépanneur Mercure. Pour un dépanneur qui exploite un poste à essence,  ce chiffre varie autour de 40 000 $. Les frais peuvent monter jusqu’à 100 000 $ par année pour un commerce ayant un plus gros volume d’affaires. La plupart des consommateurs ignorent que les commerçants doivent payer aux compagnies de crédit ce qu’on appelle des frais d’interchange, et ce, chaque fois qu’une transaction est effectuée.

Cela fait à peine deux ans que Dominique Ayotte offre le service de paiement par carte de crédit. «Avec tous les programmes de points qui existent maintenant, je n’ai pas eu le choix. Tout le monde paye à crédit. Ce n’est pas normal que ce soit nous qui déboursons pour les points. Les compagnies s’en font plein les poches», leur reproche l’homme d’affaires.

Environ 80 % de ses clients utilisent ce mode de paiement, selon son estimation. Pour chaque transaction, les frais chargés par Mastercard et Visa oscillent entre 1,54 et 1,60 %. À cette somme s’ajoutent d’autres frais d’activation d’environ 0,08 %. «Et c’est sans compter les frais de location de la machine qui traite les cartes de crédit et le papier que je mets dedans», ajoute M. Ayotte.

Bon nombre de petits détaillants, comme le dépanneur Heriot, aussi à Drummondville, refusent toujours ce mode de paiement. «Les frais astronomiques sont l’une des raisons pourquoi on n’offre pas le paiement par carte de crédit. On peut se le permettre puisqu’on n’a pas de poste à essence et que notre clientèle est principalement composée d’étudiants» a tenu à commenter Manon, la propriétaire du dépanneur qui a préfère taire son nom de famille.

Marge de profit insuffisante

Si certaines personnes n’utilisent le crédit qu’en dernier recours ou pour payer la facture d’essence, d’autres n’ont aucun problème à utiliser Visa pour payer leur journal ou un paquet de gomme. «On ne fait que 10 % de profit sur le Journal de Montréal. Si le client paye par crédit, il ne nous reste pratiquement rien! Même chose pour Loto-Québec. Là c’est encore pire, car on ne fait que 5 % de profit sur la loterie. Les frais de crédit viennent me manger le tiers de mes profits pour certains items», explique Dominique Ayotte déconcerté.

Au client de payer les frais

Le propriétaire d’un dépanneur ne peut pas refuser à un client d’utiliser sa carte de crédit. «Alors on fait quoi? Selon moi, ça doit être le client qui paye les frais.»

 M. Ayotte l’avoue, il n’a pas d’autres choix que de gonfler le prix de certains produits en magasin pour absorber la facture.

Pour sa part, Commerce Drummond voit d’un bon œil le projet de loi porté par la députée libérale Linda Lapointe qui prévoit qu’une compagnie de crédit ne peut exiger du commerçant des frais d’acceptation supérieurs à un plafond, qui reste à déterminer. «Il y a un an, il y a eu  une baisse des frais d’interchange, mais elle ne représente que 10 % dans les faits. Selon nous, les frais sont encore trop élevés actuellement, et imposer un plafond aux compagnies émettrices de cartes de crédit est beaucoup plus réalisable que de récupérer un taux précis (au sujet des transactions)», a précisé le directeur général, Guy Drouin.

Selon l’Association des marchands dépanneurs épiciers du Québec, les frais imposés par les compagnies de crédit aux commerçants varient entre 1,5 % et 3 %. Le Canada demeure un des endroits où accepter les paiements par carte de crédit coûte le plus cher au monde. Les taux sont plafonnés à 0,5 % en Australie et à 0,3 % dans les pays de l’Union européenne.

Le ministre des Finances du Canada, Bill Morneau, a annoncé mercredi dernier que son gouvernement effectuera une autre évaluation des frais imposés par les réseaux de cartes de crédit.

Partager cet article