Des Guatémaltèques traités comme des esclaves

Des Guatémaltèques traités comme des esclaves
(Photo : Deposit)

JUSTICE. Comme l’a dévoilé un article de La Presse ce lundi, quatre jeunes Guatémaltèques, embauchés comme travailleurs agricoles migrants, ont littéralement été traités comme des esclaves sur une ferme de Drummondville, durant plusieurs mois de 2012.

L’Express a obtenu copie de ce jugement rendu par le Tribunal administratif du travail en date du 8 avril 2016, qui rend compte d’une histoire incroyable, voire insoutenable, accréditée par la juge administrative Andrée St-Georges après avoir entendu les deux parties ainsi que des enquêteurs de la GRC et un officier du Consulat général du Guatemala.

Le 19 octobre 2012, Erik Estuardo Orantes Silva (Erik), Anibal Eduardo Silva Najera (Anibal), Luis Barrera Esquivel (Luis) et Juan Arnulfo Silva Orellana (Juan), venus au Canada pour envoyer ensuite de l’argent à leurs familles, déposent chacun une plainte pour ce que le tribunal retiendra comme étant du harcèlement psychologique.

Ce qui ressort essentiellement de leur aventure, tel que corroboré par Victor de Moura, un enquêteur de la GRC, c’est que les plaignants n’avaient ni chauffage ni eau chaude dans leur logement, une boîte de camion montée sur des blocs de béton et à l’intérieur de laquelle de l’eau s’infiltrait; ils n’ont pas été payés pour leur première semaine de travail parce que l’employeur les avait nourris; ils ont travaillé de 7 h à tard le soir, une fois jusqu’à 22 heures consécutives, et se sont fait réveiller la nuit pour terminer une tâche; si un produit n’était pas vendu, ils n’étaient pas payés; on leur a refusé d’être conduits pour aller s’acheter de la nourriture, étant alors obligés d’y aller à pied; les heures qu’ils ont travaillées ne concordaient pas avec celles qui ont été rémunérées; ils ont craint d’être mis à la rue; leurs passeports ont été confisqués sous prétexte de réserver des billets d’avion et ils ne connaissaient pas leurs droits.

La situation dure comme ça de juillet à octobre 2012 sur la ferme de fines herbes (menthe et coriandre), propriété d’Abderrahman Abounouar (Jamal) située à Drummondville. On ne précise pas où exactement.

Puisque Jamal est souvent appelé à travailler à l’extérieur du pays, c’est essentiellement sa fille, Imane, qui dirige la ferme. Le contrat de travail, signé sur un formulaire du ministère de l’Immigration et Communautés culturelles, est d’une durée de 12 mois. Il prévoit une semaine de 40 heures à 9,65 $ de l’heure moins 45 $ pour le logement. Les Guatémaltèques ont droit à une journée de congé hebdomadaire.

Mais, dans les faits, Erik, Anibal, Luis et Juan, âgés dans la vingtaine, ont une vie d’esclaves.

Le document de la Cour retient que «le fait d’offrir à des travailleurs migrants un logement inadéquat, de ne pas les équiper pour qu’ils puissent facilement se ravitailler, de les rabrouer et de les humilier de diverses manières quand ils font leur travail, alors qu’ils n’y sont pas préparés adéquatement, de les obliger à fumiger sans protection, de les réveiller pour aller travailler quand ils manquent de sommeil, de ne pas les payer selon le contrat convenu et en deçà des heures travaillées en leur laissant entendre que c’est déjà bien rémunéré en comparaison de ce qu’ils pourraient gagner dans leur pays, tous ces comportements pris dans leur ensemble sont sans nul doute hostiles, de nature à porter atteinte à leur dignité ou à leur intégrité psychologique ou physique et ayant entraîné pour eux un milieu de travail néfaste».

Si les plaignants ont choisi de rester au Canada malgré ces conditions, c’est qu’ils ont préféré respecter les termes de leur contrat jusqu’au bout, ce qui est plutôt à leur honneur, a écrit la juge.

En conséquence, le tribunal a ordonné qu’une somme de 6000 $ soit versée à chacun d’eux à titre de dommages punitifs et moraux. Quant à la réclamation salariale, elle est du ressort exclusif de la Cour du Québec où, du reste, un recours est pendant actuellement et doit être entendu sous peu.

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