Deux femmes de cœur, une initiative et des propriétaires reconnaissants

Deux femmes de cœur, une initiative et des propriétaires reconnaissants

DRUMMOND. Chaque année, vient le moment où des dizaines de maisons et terrains de la région se retrouvent sur la liste de vente pour taxes impayées. À la MRC de Drummond, deux employées dotées d’une grande sensibilité et pleines de bonté font tout en leur pouvoir pour que le maximum de dossiers ne se rendent pas à l’étape ultime : la vente aux enchères.

Depuis deux ans, Chantal Verville, adjointe à la direction, et Sophie Blanchette, adjointe aux services techniques, forment un duo complice et efficace. De leur propre gré, elles ont décidé qu’à chaque printemps, lorsque les dossiers atterrissent sur leur bureau, de contacter un à un les propriétaires concernés avant qu’un avis public ne soit publié.

Celles-ci usent de différents moyens afin de rejoindre les propriétaires en défaut de paiement.

«Lorsque le numéro n’est pas le bon dans les documents, nous essayons, par le moteur de recherche Canada 411, de retracer la personne. Nous pouvons aussi appeler des membres de la famille ou bien le créancier et habituellement, nous réussissons à parler à la personne concernée très rapidement», explique Mme Verville, confiant qu’elle a passé près à quelques prises d’aller porter une note sur la porte de certains propriétaires.

«On songe sérieusement à le faire», fait-elle savoir.

C’est cette dernière qui s’occupe de faire les appels téléphoniques. Elle laisse entendre aux citoyens qu’ils ont encore l’occasion de payer la somme due en personne en se rendant au bureau de la MRC et ainsi éviter d’autres intérêts et frais reliés à la publication de l’avis et, éventuellement, la vente aux enchères.

«Ces gens ont tous reçu une lettre d’avis leur expliquant la situation et indiquant la date de l’encan, mais souvent, celle-ci est mise sur une pile et ils l’oublient. On dirait que notre coup de fil les réveille et, dans une grande majorité, ils viennent dans les jours qui suivent», indique Mme Blanchette, ajoutant qu’une fois les dossiers transmis à la MRC, les citoyens ont l’obligation de payer la totalité du montant.

«Quand quelqu’un vient payer, c’est une récompense!» lance-t-elle.

Le côté humain

Mmes Verville et Blanchette confient que c’est le côté humain de l’affaire qui les touche.

«On peut comprendre ce que les gens vivent. On travaille fort nous aussi et on a tous des comptes à payer. Mon côté humain est tellement fort que si j’étais multimillionnaire, je les paierais les frais», de dire l’adjointe aux services techniques.

«Ça ne fait pas partie de notre job d’appeler les gens. La seule chose qu’on est dans l’obligation de faire à la MRC, c’est d’envoyer une lettre d’avis et indiquer la date de l’encan. On se met dans la peau des gens. De penser que des familles pourraient se retrouver sans maison, pour nous, ça n’a pas de sens et c’est inhumain. La loi est très rigide, donc c’est pour cette raison qu’on a pris l’initiative d’appeler les gens et d’essayer de les accompagner. En plus, notre supérieure nous permet de prendre le temps de le faire», partagent les deux femmes de coeur.

Celles-ci tiennent un tableau de bord sur lequel tous les numéros de dossiers y sont indiqués. Une fois réglé, les acolytes inscrivent avec fierté la lettre «R». Leur but ultime : ne pas tenir d’encan en juin.

«Ce n’est pas encore arrivé, mais le nombre de propriétés mises à l’encan diminuent», notent-elles avec un large sourire.

Preuve que leur initiative porte fruit, elles ont permis jusqu’à maintenant de récupérer 60 000 $ en taxes scolaires et municipales et du même coup, de régler une quarantaine de dossiers.

Période chargée en émotions

Le début du mois d’avril constitue une période émotionnellement intense pour les deux collègues ayant le souci des autres. À leurs dires, plusieurs personnes entrent dans leur bureau, désespérées, ne sachant pas trop comment elles parviendront à régler leur dette. «C’est une période intense de deux semaines durant laquelle nous avons un peu le moral à terre. Des gens qui pleurent, on en voit régulièrement. C’est difficile d’entendre toutes ces histoires, donc ce n’est pas rare d’avoir la larme à l’œil», affirme Mme Blanchette.

Maladie, décès, séparation, faillite, gens disparus, sont autant de situations que vivent ces gens en difficulté. «Nos rencontres se transforment en thérapie pour les citoyens. Ils déballent leur sac et nous, on les écoute et on essaie de leur donner des trucs afin qu’ils puissent payer ce qu’ils doivent. On aimerait faire plus, mais c’est impossible», expliquent-elles, en soulignant que les propriétaires sont toutefois reconnaissants.

Les deux femmes estiment que dans la plupart des cas, ce n’est pas de la mauvaise volonté. Ces citoyens sont tout simplement incapables de payer.

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