Les pharmaciens à l’urgence, une pratique d’avenir

Les pharmaciens à l’urgence, une pratique d’avenir

SANTÉ. Il y a à peine six ans, personne de l’équipe soignante de l’urgence de Drummondville n’aurait pu croire que la présence continue de pharmaciens serait si essentielle. Pourtant, dans ce département où les médicaments sont tout aussi omniprésents, la qualité des soins s’est grandement améliorée.

Alain Bureau, chef du département de pharmacie au CIUSSS de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec, était alors chef à l’urgence de l’Hôpital Sainte-Croix lorsqu’il s’est questionné la première fois sur le sujet.

«On avait entre les mains des données qui prouvaient que l’urgence était un secteur vulnérable. L’objectif était carrément d’améliorer la qualité des soins aux patients. On avait remarqué que lorsqu’on faisait la comparaison de ce qui était prescrit à un patient au moment de son arrivée à l’hôpital et ce qu’il prenait réellement, il y avait une bonne différence, ce n’était pas rare qu’on échappait à des médicaments ou qu’on n’avait pas la même dose. On voulait donc juguler ça, car l’urgence est souvent la porte d’entrée de l’hôpital», se rappelle-t-il.

Ils sont maintenant trois pharmaciens à se relayer la semaine. Martin Rajotte a été le premier dédié à l’urgence de l’Hôpital Sainte-Croix, il y a cinq ans.

«Quand je suis arrivé en poste, c’était clair pour mes collègues et moi qu’il fallait créer une proximité si nous voulions travailler de concert avec les médecins et les infirmières. On a donc aménagé des petits locaux dans l’urgence et programmé les téléphones de façon à ce qu’ils soient reliés à nos pagettes. On le voit aujourd’hui que ça fonctionne, car les médecins n’hésitent pas à nous appeler lorsqu’ils ont une question ou besoin d’un conseil, car ils savent qu’ils peuvent avoir une réponse assez rapidement», explique celui qui partage maintenant son temps entre la pratique et la gestion.

Il est à même de constater que ses collègues médecins et infirmières apprécient beaucoup l’apport des pharmaciens.

«On est beaucoup utilisés depuis! lance-t-il en rigolant. Notre expertise leur a permis (et ça continue) de faire découvrir de nouveaux médicaments et de nouvelles pratiques, entre autres. Nous sommes donc à un niveau supérieur en termes de spécialité. Un des médecins m’a récemment dit qu’au cours des cinq dernières années, on (pharmaciens) était parmi les éléments qui ont apporté la plus grosse amélioration sur la qualité des soins aux patients.»

Des «optimisateurs» de la thérapie

Certains les appellent le «filet de sécurité», d’autres une «encyclopédie sur deux pattes», les pharmaciens à l’urgence optimisent la thérapie médicale. Mais quel est concrètement le rôle du pharmacien au sein de l’urgence? «On est un clinicien qui vient en support au médecin ou aux infirmières. On s’assure que le patient reçoit le traitement optimal», indique M. Rajotte.

À l’urgence de Drummondville, entre 10 % et 20 % des patients sont admis pour des causes d’origine médicamenteuse (effet secondaire à un médicament, dose trop élevée, interaction entre les médicaments, etc). C’est notamment à ce moment que le pharmacien entre en scène à titre de consultant. Informer, conseiller et orienter l’équipe soignante, voilà ce qu’il fait. Par exemple, on peut lui demander son point de vue sur des options de traitement ou bien sur la façon de prendre en charge l’effet indésirable d’un médicament.

«Plus l’information est adéquate, meilleure sera la prescription et le départ viendra donc plus rapidement», soutient M. Bureau.

Ces docteurs en pharmacie doivent aussi réviser les dossiers pharmaceutiques des patients hospitalisés.

«En discutant avec le patient, son médecin et la pharmacie, cela nous assure que tout est conforme selon son état», précise-t-il.

La participation de ce professionnel peut de surcroît contribuer à éviter des hospitalisations ou des retours à l’urgence, comme le souligne M. Rajotte.

«Parfois, il y a des options de traitement qui ne nécessitent pas d’hospitalisation. Par exemple, on pourrait opter pour un antibiotique qui peut être administré qu’une seule fois par jour. La personne peut donc retourner à son domicile et revenir à l’hôpital au moment opportun. Cette façon de faire permet de désengorger les lits.»

Leur présence est d’autant plus appréciable avec le vieillissement de la population et le phénomène de la polypharmacie (le fait de prendre plusieurs médicaments quotidiennement).

«Plus la population vieillit, plus les problématiques sont complexes. Aussi, la médecine étant ce qu’elle est, les avancés font en sorte que les traitements deviennent de plus en plus complexes. C’est donc important qu’il y ait des pharmaciens sur place qui puissent développer des expertises», fait valoir M. Rajotte.

Soulignons en terminant que seulement une urgence sur deux au Québec compte des pharmaciens dans son équipe, et ce, bien qu’il s’agisse d’une recommandation du Guide de gestion de l’urgence du ministère de la Santé depuis dix ans.

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