L’enfant mort ne tombe jamais dans l’oubli

L’enfant mort ne tombe jamais dans l’oubli
Endeuillée de son bébé

SOCIÉTÉ. Il n’y a rien dans la vie qui est pire que de perdre un enfant. Maintes fois entendue, cette phrase semble tenir du cliché…jusqu’au jour où l’on perd réellement un enfant.

À la Maison de la famille de Drummondville, samedi matin, une quinzaine de parents s’étaient réunis pour une cérémonie tout à fait spéciale. Des grands-parents aussi. Chacun d’eux ont perdu un petit être, celui que l’on désigne comme poupon. Souvent leur mort a été subite, venue sans explications, sans raisons valables. Ou sournoisement sans que papa ou maman ait pu voir la binette de sa progéniture, née avant l’heure.

Ils sont donc venus sur l’invitation de Catherine Michaud et de Chantal Malenfant qui leur offraient l’occasion de se recueillir ensemble et de raconter la disparition inattendue de Noam, Brendan, Nathan et des sœurs jumelles. Pour ne nommer que ceux-là. Car ils ne sont pas les seuls à quitter la vie aussitôt qu’à y être arrivés.

Pour ne pas l’oublier

Malgré les progrès de la médecine moderne, la mort subite du nourrisson existe encore, tout comme celle survenant en cours de grossesse. Selon l’Institut de la statistique du Québec, près de 500 bébés par année décèdent en cours de grossesse, à la naissance ou à l’intérieur d’un mois. Dans la région du Centre-du-Québec, une cinquantaine de morts infantiles sont ainsi survenues de 2008 à 2012.

Bien que le temps ait passé, les parents ayant subi cette épreuve s’en remettent difficilement. Ils n’oublient jamais. Or, peu de gens comprennent leur drame. «Quand tu perds un bébé, tu dois justifier pourquoi ton deuil est difficile et c’est cela qui est dur», tente d’expliquer Catherine Michaud, qui a elle-même perdu ses jumelles en cours de grossesse il y a six ans. «Cette cérémonie aujourd’hui, c’est pour nommer leur enfant et lui donner la vie qu’il mérite», insiste-t-elle.

Les parents endeuillés se sentent seuls. Mme Michaud déplore d’ailleurs l’absence de ressources pouvant leur offrir du soutien. Voilà ce qui l’a poussé à organiser un café-rencontre à la Maison de la famille l’an dernier. Le 2e mercredi de chaque mois, à 19h, les parents qui ont perdu un enfant sont invités à se rencontrer, à échanger autour d’un café, rue Saint-Damase.

Une prière pour mon ange

Samedi matin, ils avaient les larmes aux yeux en se remémorant leur triste histoire. Leur cœur de parent les a toutefois poussé à se rendre à la cérémonie hommage afin de déposer un petit message sur une jolie étoile accrochée à un arbre, en guise de symbole. Ils ont partagé tout en allumant une bougie, lumière d’espérance. Il fallait être de marbre pour ne pas avoir la larme à l’œil.

Stéfanny Raymond et son conjoint ont perdu leur petit garçon Brendan à peine trois mois et demi après sa naissance. Le matin du 15 mai dernier, à l’heure où il avait l’habitude de se réveiller, ils ne l’ont pas entendu. Il gisait inerte dans son lit, sans vie.

Ils ne savent pas pourquoi, ne comprennent pas cette soudaine injustice. Brendan était en parfaite santé. De fait, l’autopsie n’a rien révélé d’anormal. La mort subite du nourrisson est inattendue et inexplicable.

C’était son quatrième enfant. Malgré cela, Stéfanny en souffre. «C’est une partie de toi-même que tu perds. Je vis encore beaucoup de négation. Je me dis que je vais me réveiller demain et il va être encore là», confie la jeune maman.

Juste avant, sa fille de trois ans a eu une grave pneumonie qui l’a forcée à passer les trois premiers mois de 2016 à l’hôpital Sainte-Justine. Du coup, elle se sent coupable. A-t-elle fait ce qu’il fallait pour lui? Pour ne jamais oublier Brendan, elle s’est fait confectionner une bague remplie de ses cendres. Ses trois enfants et son conjoint portent une chaine contenant aussi les cendres de Brendan.  

Si les histoires de deuil peuvent paraitre banales, les émotions ressenties en phase périnatales ne le sont pas. La souffrance ne se quantifie pas à la durée de vie d’une personne, pas plus qu’à sa place dans la fratrie. Tous les parents endeuillés le disent et le redisent. «Un enfant est unique, il ne se remplace pas.»

Les pères aussi pleurent

En 2016, la paternité est vivement souhaitée et bien vécue par bon nombre de jeunes pères. Lorsque Mathieu Desjardins a vu sa conjointe Sandy perdre leur quatrième enfant en cours de grossesse, il l’a vécu difficilement. Après trois filles, un garçon s’en venait. Mais eu lieu d’accueillir la vie, ils ont dû faire face à la mort. «Ce n’est pas vrai que les hommes sont moins touchés. Perdre un bébé, c’est dur», raconte-t-il.

Grand-papa Jules, qui a perdu son petit-fils à sa naissance, est venu témoigner en compagnie de sa femme Dolorès de leur difficile perte. Le retraité avait du mal à retenir ses larmes et il avait des sanglots dans la voix en racontant le pénible accouchement de sa fille.

Les organisatrices Michaud et Malenfant aimeraient que les choses changent pour les parents, qu’on leur offre des services d’accompagnement. Les parents n’ont même pas de congé pour vivre leur deuil comme il se doit. Il faut en plus remplir des formulaires détaillant le décès, déplorent-elle.

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