La Cour d’appel confirme que le barrage n’y a été pour rien dans la formation de l’embâcle

La Cour d’appel confirme que le barrage n’y a été pour rien dans la formation de l’embâcle

Les membranes ou vannes gonflables feraient en sorte d'élever d'un mètre le niveau d'eau du bief

SAINTE-BRIGITTE-DES-SAULTS La Cour d’appel vient de donner une nouvelle fois raison au propriétaire ontarien exploitant une mini-centrale hydroélectrique sur la rivière Nicolet Sud-Ouest, à Sainte-Brigitte-des-Saults, en faisant sien le jugement rendu en août 2013 par la juge Lise Matteau.

Siégeant en Cour supérieure dans le district de Drummond, la juge avait alors rejeté l’action en dommages-intérêts intentée par trois riverains de la Nicolet Sud-Ouest, en l’occurrence Jacques-Laurent Lampron, Pierrette Proulx Lampron et François Proulx, qui tenaient la compagnie Énergie Algonquin Sainte-Brigitte inc. et ses compagnies-sœurs Algonquin Power Systems inc., Société d’électricité Algonquin et Algonquin Power Fund (Canada), responsables des dommages subis à leurs propriétés lors des inondations du 13 avril 2001 et du 5 octobre 2005.

Les trois appelants réclamaient également de la Cour une injonction pour rétablir le niveau de l’ancien barrage, un facteur, selon eux, ayant joué un rôle déterminant dans le déroulement de ces inondations.

N’ayant pas réussi à rallier la Cour supérieure à leur prétention, les trois citoyens de Sainte-Brigitte-des-Saults, représentés par Me Paul Biron, ont inscrit en appel le jugement leur étant défavorable en évoquant que la juge Matteau avait mal apprécié les faits portés à son attention.

Les juges Nicole Duval Hesler, Yves-Marie Morrissette et Marie St-Pierre, après avoir réexaminé les 284 paragraphes de l’exposé de l’affaire et l’analyse des prétentions des parties, ont donné raison à la juge de première instance, reconnaissant même une description et une étude soignées du jugement.

Deux études

Selon les plaignants dans cette affaire, le fait que le nouveau barrage érigé sur celui existant auparavant à Sainte-Brigitte-des-Saults est plus haut que le précédent, a pour conséquence de créer une retenue d’eau additionnelle dans une partie de la rivière.

Cette situation, toujours selon eux, a occasionné de nombreuses inondations, notamment lors des débâcles du printemps, dont celle d’avril 2001 et lors des crues d’octobre 2005, occasionnant ainsi des dommages aux propriétés riveraines dont les leurs.

Deux études ont été soumises de part et d’autre à l’attention de la juge Matteau pour l’aider à se faire une opinion.

C’est celle produite par Algonquin pour les fins du procès et réalisée par les experts Holder et Boisvenue qui a manifestement convaincu la juge qu’il n’y avait pas de lien causal entre les conditions d’exploitation du barrage et les inondations d’avril 2001 et d’octobre 2005.

En contrepartie, les trois appelants ont produit un rapport datant de 1992 préparé à la demande d’un ancien propriétaire en vue de l’obtention d’un certificat d’autorisation du ministère de l’Environnement pour la réalisation de travaux de réfection et de remise en état dudit barrage.

Grosso modo, on découvre dans ce rapport rédigé par ADS Groupe-Conseil le fonctionnement détaillé des membranes gonflables, selon la technologie «rubber dam», et la description des avantages pour l’établissement du débit de la rivière au bénéfice des propriétaires riverains lorsque bien utilisée, selon la situation requise.

Précisons que les membranes gonflables du barrage de Sainte-Brigitte-des-Saults, lorsqu’elles sont activées, permettent d’élever d’un mètre le niveau d’eau du bief, en amont.

Ainsi, les trois appelants reprochent, entre autres, à Algonquin d’avoir omis de gonfler les vannes, ou d’avoir tardé à le faire, tant en décembre 2000 et qu’en avril 2001.

Rappelant qu’en décembre 2000, un embâcle s’était formé au pied des Rapides Rouges, les trois riverains reprochent d’abord à l’exploitant du barrage de ne pas l’avoir brisé à cette époque en gonflant les vannes.

De la même manière, ils le tiennent responsable de ne pas avoir posé ce geste plus tard, lorsque qu’un autre embâcle s’est étendu en amont des rapides, ce qui a provoqué le 13 avril 2001 une inondation leur ayant causé d’importants dommages.

Ils en donnent pour preuve que lorsque le lendemain, l’opérateur du barrage a activé les vannes et fait monter le niveau d’eau en amont de celui-ci, l’embâcle s’est rapidement brisé et le courant a repris normalement dans le lit de la rivière.

Selon la juge Matteau, même si cette illustration est la pierre angulaire de la thèse des appelants, elle ne soulève en réalité que des états de fait, tout comme ce qu’on lui a démontré en lien avec l’inondation de 2005.

L’emplacement

La Cour d’appel donne raison à la juge lorsqu’elle en arrive à la conclusion que bien que l’on puisse constater que le gonflement des vannes le 14 avril a fait céder l’embâcle en amont des Rapides Rouges, la présence du barrage loin en aval de ces mêmes rapides n’était pour rien dans la formation naturelle de cet embâcle.

En ce qui a trait aux événements d’octobre 2005, alors qu’il y a eu de fortes crues, la Cour d’appel se montre d’accord avec la preuve présentée devant la juge Matteau voulant que les vannes du barrage étaient dégonflées en «tout temps pertinent».

«D’autre part, c’est l’emplacement particulier des propriétés des appelants, situées en zone inondable et en amont des Rapides Rouges, qui les a exposées à ce risque et qui est le facteur causal déterminant pour expliquer l’inondation», conviennent les trois juges de la Cour d’appel qui sont d’avis que la juge de première instance n’a pas commis d’erreur.

En conséquence, les juges Nicole Duval Hesler, Yves-Marie Morissette et Marie St-Pierre ont rejeté l’appel des trois Brigittois, et ce, avec dépens.

L’un d’eux, Jacques-Laurent Lampron, de passage à nos bureaux, a indiqué l’intention du trio de porter maintenant le dossier à l’attention de la Cour suprême car il y voit toujours de très bonnes raisons de le faire.

Celui-ci fait notamment référence aux doléances formulées par son avocat quant à l’aspect du jugement rectifié du 11 septembre 2013 concernant l’impact ou non des vannes gonflées dans la partie de la rivière dont il est ici question.

Une décision sera vraisemblablement prise d’ici peu après consultation avec son avocat, mais tout semble indiquer qu’il ira jusqu’au bout.

«Je ne le fais pas pour une question d’argent, mais pour que la rivière Nicolet Sud-Ouest retrouve tous ses droits», nous a-t-il formulé.

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