Face de Carême ou… visage bienveillant?

Mercredi des cendres, le 18 février, plus de 1,2 milliard de catholiques dans le monde entrent en Carême. Ici, à Drummondville, les églises offriront de vivre le rituel des cendres auquel participeront près de mille personnes. Mais d’autres encore plus nombreuses, dans le secret de leur cœur, vont se demander : «Qu’est-ce que je fais durant le carême?». Une question qui voudra surtout dire, «De quoi vais-je me priver?». Ça, c’est l’apparence extérieure du carême. C’est beaucoup ce qui a marqué notre culture, nos traditions : en carême on ne mange pas de bonbons ni de de viande, «on fait jeûne et maigre…». Certains en profitent pour arrêter de fumer ou bien faire régime.

En fait, le mouvement de fond du carême c’est devenir plus libre, plus léger, moins encombré par ce qui est superflu : le temps du carême invite à retourner à ce qui est essentiel. Et là, on est vraiment au cœur de l’esprit du Carême : retrouver ce qui est fondamental dans nos vies, la santé, l’équilibre, l’harmonie avec soi, avec les autres et avec Dieu, pour ceux qui y croient et qui ont la chance d’avoir fait cette rencontre qui change la vie.

Les trois pratiques du carême que sont la prière, le jeûne et l’aumône n’ont qu’un but : nous ouvrir le cœur. Nous amener à tourner vers Dieu qui porte un regard bienveillant sur chaque personne et qui nous invite à porter le même regard.

La prière ou appelez cela méditation, ressourcement ou de tout autre mot, c’est le temps de l’intériorité. Stéphane Archambault, du groupe Mes Aïeux, disait à peu près ceci dans le documentaire L’Heureux Naufrage : «Il faut prendre soin de votre vide intérieur… pour le remplir.». La prière, l’intériorisation et le silence ne pourraient-ils pas commencer à remplir ce vide?

La prière c’est avant tout un temps de silence et d’arrêt et non la récitation de mots appris par cœur. Pour retrouver son souffle et découvrir au fond de soi une présence qui nous inspire : la présence bienveillante de Dieu. C’est aussi un temps pour parler à Dieu «comme un ami parle à son ami».

La force de la prière c’est adopter le regard bienveillant de Dieu qui voit la vie possible même quand il y a la mort, qui donne le courage de vivre au cœur de la maladie et de la détresse. On est loin de la pensée magique.

Le jeûne c’est une pratique opposée au repli sur soi et à l’indifférence. Le jeûne ce n’est pas une pratique d’austérité. Actuellement, c’est un mot à la mode qui fait bien des victimes. Le jeûne du carême ce n’est pas une pratique d’austérité qui brise les liens sociaux. Au contraire, c’est ce que la Bible dénonce : «Oui, mais le jour où vous jeûnez, vous savez bien faire vos affaires, et vous traitez durement ceux qui peinent pour vous. Votre jeûne se passe en disputes et querelles, en coups de poing sauvages. Ce n’est pas en jeûnant comme vous le faites aujourd’hui que vous ferez entendre là-haut votre voix. Le jeûne qui me plaît, n’est-ce pas ceci : faire tomber les chaînes injustes, délier les attaches du joug, rendre la liberté aux opprimés, briser tous les jougs ? N’est-ce pas partager ton pain avec celui qui a faim, accueillir chez toi les pauvres sans-abris, couvrir celui que tu verras sans vêtement, ne pas te dérober à ton semblable?» (Livre d’Isaïe 58).

C’est pourquoi le jeûne et l’aumône s’interpellent mutuellement : on partage ce dont on se prive. C’est l’habitude au temps du carême de répondre aux appels de Développement et Paix, l’organisme des évêques canadiens qui promeut la solidarité internationale. Le développement, le vrai, est source de paix. Le développement n’est pas la poursuite là-bas des intérêts économiques d’ici. Le développement qui permet aux personnes du Tiers Monde de se prendre en main et de se donner de meilleures conditions de vie, ce développement apporte la paix. Car la justice est amont de la paix.

Le partage avec les moins favorisés d’ici est aussi une voie à emprunter. On connaît bien les paniers de Noël, un geste de partage sans équivoque. Cet élan de générosité peut se continuer le reste de l’année. Nos groupes communautaires ont des besoins. Centraide redouble d’efforts pour tenter d’atteindre son objectif. Partager de notre pain quotidien pour leur permettre d’aider les moins favorisés d’entre nous, c’est une expérience qui enrichit. Et pourquoi ne pas tenter de donner quelques heures de bénévolat?

Comment vivre un carême qui soit plein de vie? Certainement pas en ayant une face de carême en tout cas, mais peut-être en adoptant un regard bienveillant et en étant bienveillant comme Lui… Bon Carême!

Odette Laroche Belval, agente de pastorale de la paroisse Bon-Pasteur, Yves Grondin, agent de pastorale de la paroisse Saint-Francois-d’Assise, et Jean-Luc Blanchette, curé paroisse Le Jourdain, au nom de l’Église catholique de Drummondville.

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