La génération des Samuel… 16 ans plus tard

La génération des Samuel… 16 ans plus tard

Rentrée scolaire . Samuel a 16 ans. Il boit de l’alcool, fume du pot, s’alimente mal, a un surplus de poids et a déjà eu ses premières relations sexuelles. Ce qui ne l’empêche toutefois pas de travailler et d’être hypnotisé par son téléphone intelligent. À l’aube de la rentrée, Samuel est le portrait-robot de ces quelque 30 000 adolescents québécois qui s’apprêtent à retourner sur les bancs d’école, révèlent des données compilées par TC Media.

Il y a pratiquement un an jour pour jour, TC Media dressait le portrait d’Audrey, l’adolescente québécoise type de 16 ans. Une jeune fille qui s’accroche à l’école, qui utilise aussi frénétiquement son téléphone portable pour consulter les réseaux sociaux, consomme de la drogue, possède une voiture et a déjà eu ses premières relations sexuelles. Mais qu’en est-il des garçons?

Comme pour la plupart des élèves qui font leur entrée en cinquième secondaire, Samuel est né en 1998, année de l’historique Grand Verglas. Alors que 38 681 enfants ont vu le jour en cette année, 1430 couples ont eu l’idée de prénommer leur garçon Samuel, faisant de ce prénom, le nom le plus populaire chez les nouveau-nés de sexe masculin, devançant les Gabriel (997), les William (939), les Alexandre (929) et les Nicolas (765). Mais détrompez-vous, si les pannes d’électricité sont réputées pour favoriser les rapprochements, Samuel fait figure d’exception: les naissances accusent un léger recul entre septembre et novembre 98…

Des textos par milliers

S’il demeure le fiston à maman, Samuel a bien grandi depuis! Comme 43% des ados, Samuel possède un téléphone intelligent. Visiblement moins accro qu’Audrey à son «cell», elle qui écrit 4000 "textos" par mois, Samuel en envoie et en reçoit 2600.

«C’est la génération qui a grandi avec un appareil dans les mains, avec le cellulaire, les SMS, les téléphones intelligents et puis la tablette. De là à dire qu’ils ne se parlent plus, non. Personnellement, je pense qu’ils se parlent encore, mais utilisent une combinaison de moyens. Mais ce qu’on voit, c’est qu’ils n’utilisent plus le bon vieux téléphone fixe. Le temps consacré au téléphone est réparti sur les différents outils», explique Guillaume Ducharme, directeur des communications au CEFRIO.

En plus de ses 300 amis Facebook (dont ses parents!), Sam songe à emboiter le pas aux autres ados et à migrer vers Twitter ou Snapchat. Son but? Échapper au cyberespionnage de sa mère qui, comme 54% des parents canadiens, épie son enfant sur Facebook.

Des frites, des légumes?

Pour Samuel, la poutine du resto du coin est bien plus alléchante que la salade de légumineuses préparée par maman. Comme près de 35% des adolescents, le jeune homme mangera au moins trois fois de la malbouffe dans un resto ou un casse-croûte durant sa semaine d’école. «À cet âge-là, c’est très important de faire comme les autres. La plupart des études que j’ai vues montrent que le fait de manger des aliments qui ne sont pas super nutritifs (comme du fast food) est une façon de montrer son appartenance à un groupe. Si l’école est à proximité d’un restaurant, les jeunes vont y aller parce que ça ne coûte pas cher, c’est bon et les autres le font», explique le nutritionniste Bernard Lavallée et auteur du blogue Le nutritionniste urbain.

Pour aider Samuel, qui a de la difficulté à consommer sa portion de fruits et légumes (seulement 11,4% des garçons de cinquième secondaire consomment leurs huit portions quotidiennes recommandées par le guide alimentaire canadien), le nutritionniste urbain propose différentes initiatives «cool» comme des cours de cuisine à l’école, la création de laboratoires culinaires et de rendre les publicités des produits santé aussi «sexy» et attrayantes que pour les aliments-camelotes. Cela aiderait peut-être Samuel à contrôler son poids. Parce que comme 25% des ados, il présente un surplus de poids et est… sédentaire (26,3%).

Drogue et alcool

Samuel s’apprête à peine à retourner en classe que ses parents s’interrogent: va-t-il décrocher son diplôme ou décrocher de l’école? La scolarité de fiston n’est pas leur unique préoccupation. Sam a un côté sombre et explosif: il consomme de la drogue, boit de l’alcool et conduit parfois avec les facultés affaiblies.

Samuel s’est trouvé un emploi, comme 50,6% des garçons de 5e secondaire. S’ils sont heureux de cette nouvelle, ses parents espèrent que Sam ne soit pas tenté par l’appât du gain et qu’il ne décroche pas avant la fin du secondaire à l’instar de 20,1% des garçons.

Pour le moment, son boulot d’emballeur à l’épicerie du coin lui permet d’avoir une certaine autonomie financière, mais aussi de se procurer de l’alcool (86%) et de la drogue. Près de 47% des ados mâles de son âge ont consommé des stupéfiants au cours de la dernière année. «C’est moins qu’avant. Au début des années 2000, on parlait d’environ 60%», explique Jean-Sébastien Fallu, professeur à l’école de psychoéducation de l’Université de Montréal.

Sans surprise, c’est le cannabis qui est la drogue la plus prisée par les jeunes.

La consommation d’alcool et de stupéfiants, souvent associée à la commission des crimes, pourrait être un facteur expliquant pourquoi plus de la moitié des garçons de cinquième secondaire affirment avoir commis au moins un délit au cours de la dernière année. Une donnée qui n’a rien d’inquiétant selon Jean-Sébastien Fallu. «C’est assez typique dans l’exploration des ados qui vont se développer, un peu comme la consommation de stupéfiants peut faire partie d’un développement normal. Il y a une minorité de jeunes pour lesquels ça va se détériorer. Beaucoup de jeunes qui allaient bien durant l’enfance, vont commettre des délits [à l’adolescence] et vont bien aller à l’âge adulte», poursuit-il.

Fou du volant

Son job a aussi permis à Sam de se payer des cours de conduite et une bagnole d’occasion (6% des garçons de 16 ans ont une voiture).

Alors que 0,36% des détenteurs de permis de conduire sont des garçons de 16 ans, ils représentent 0,11% des accidentés de la route.

Près de 10% des adolescents canadiens admettent avoir pris le volant dans l’heure suivant la consommation de cannabis et/ou d’alcool. Et plus de 20% ont pris place dans un véhicule avec un conducteur qui avait consommé. Des données qui ne surprennent pas Jean-Marie De Koninck, président de la Table québécoise de la sécurité routière. «Le cerveau se développe tranquillement. Les lobes frontaux, où se situent la prise de décision et le jugement, sont l’une des parties à se former en dernier. Ils se développent vers l’âge de 22-23 ans et ça peut aller jusqu’à 25 ans», explique-t-il. «Quand on est fatigué, les lobes frontaux tendent à se fermer, on a donc moins de jugement. L’autre façon de fermer les lobes, c’est de consommer de l’alcool. Quand on a consommé de l’alcool, on fait des folies au volant qu’on ne ferait pas sobre. Imaginez un jeune à 2 heures du matin, il est fatigué, il a consommé de l’alcool et ses lobes frontaux ne sont pas complètement développés.»

Le fondateur de l’Opération nez rouge rapporte que l’alcool a un effet beaucoup plus marqué chez les jeunes. «Un jeune [qui a un taux d’alcoolémie de] 0,10 est deux fois plus à risque d’être impliqué dans un accident qu’un adulte à 0,10. À 0,20, c’est quatre fois. L’adulte qui a consommé à quand même une certaine forme de jugement, le jeune lui, va dire qu’il est capable, il a une hyperconfiance.»

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