Boissons énergisantes : le phénomène ne s’atténue pas

Boissons énergisantes : le phénomène ne s’atténue pas
Le problème c'est qu'au même titre que l'alcool et la cigarette

ALIMENTATION. D’ici à ce qu’un jour les boissons énergisantes soient interdites à la vente libre aux moins de 18 ans, comme le recommande plusieurs organismes liés à la santé dont l’Association médicale canadienne, les adolescents et aussi leurs parents doivent savoir que ce qui se trouve dans les Red Bull, Rock Star, Guru, Monster et compagnie, ce n’est pas de la liqueur et que ça peut être dangereux pour la santé.

En cette période de rentrées scolaires, il n’est certes pas inutile de rappeler les effets secondaires qui découlent de la consommation de ces boissons contenant des stimulants: l’humeur, la fonction cardiaque, la capacité de concentration et la qualité du sommeil sont affectés. Des effets diamétralement opposés aux vertus tant vantées dans le marketing des fabricants, aujourd’hui tous riches.

La vigilance est de mise, de faire valoir Lise Delisle, nutritionniste au CLSC. «Le phénomène est très sérieux et prend de l’ampleur. Ces produits sont bien en vue dans les épiceries et les dépanneurs. Les publicités sont puissantes. Mélangés avec de l’alcool, ce qui arrive souvent, ils peuvent provoquer une importante intoxication. Pour les jeunes dont le cerveau est en développement, ce n’est pas une bonne idée. En fait, il faut stopper ça», affirme-t-elle carrément.

Le problème c’est qu’au même titre que l’alcool et la cigarette, la caféine contenue dans ces boissons entraîne une dépendance. «Deux ou trois jours de consommation et ça s’enclenche. Après, on ne se débarrasse pas de ça comme ça. L’arrêt de consommation comporte maux de tête, irritabilité, nervosité, anxiété et somnolence. Est-ce qu’on donnerait du café à un enfant de 13 ans?», demande Mme Delisle sans répondre à la question tellement la réponse lui semble évidente.

La nutritionniste n’a pas été sans remarquer que la publicité, naturellement, cible les jeunes. «D’abord les garçons, qui se voient proposer de l’énergie, de la force et de la vitalité et maintenant les filles qui se font dire que le produit contient des propriétés amaigrissantes. Certains de ces fabricants ont aujourd’hui les moyens de se faire voir, ils ont toutes sortes de stratégies pour attirer l’attention». Pensons, par exemple, à Red Bull en F-1, à son équipe de soccer à New York et autres Wake dans rue et Crashed Ice.

À ce propos, il a été porté à l’attention de L’Express qu’un représentant d’une de ces marques bien connue a exigé, moyennant rétribution, du propriétaire d’un dépanneur de la région de Drummondville qu’il place six cannettes de large (six facing) dans son réfrigérateur, sur une tablette à la hauteur des yeux évidemment. C’est ce qu’on appelle l’achat de tablettage.

Récemment, la Ville de Drummondville a décidé d’interdire toute vente, promotion, ou publicité de boissons énergisantes dans ses établissements. La Commission scolaire des Chênes a adopté une politique de saines habitudes de vie, qui interdit la consommation de ces boissons énergisantes ou dites stimulantes sur les terrains de ses écoles.

Serge Grégoire, directeur de l’école Jeanne-Mance, dit avoir remarqué que «depuis que nous avons mis en place notre code de vie il y a trois ans, la mode de se promener avec sa ca-canne le matin s’est estompée. La consommation est interdite, alors on confisque la boisson si un élève est pris en train d’en consommer. Nous en sommes à la sensibilisation. Nous avons eu des conférences sur les effets néfastes de ces produits. Les jeunes le savent, mais on ne peut les empêcher d’en acheter et d’en boire ailleurs, comme au dépanneur».

Effectivement, au dépanneur situé tout près, sur la rue Heriot, la propriétaire indique que la vente de boissons énergisantes n’est pas en baisse. «Malheureusement, je dois dire que la vente de ces produits ne diminue pas. Bien sûr que, s’il y avait une loi interdisant la vente aux mineurs, je l’appliquerais, comme je le fais sévèrement pour les cigarettes. Mais je me demande qui viendrait vérifier ? Qui assurerait un contrôle ? Ils ne le font pas pour l’alcool… Ce qui est inquiétant, c’est à mon avis la quantité que peut prendre un ado. Les formats ont grossi, il y a en maintenant de 750 ml, c’est trois fois le volume d’une bouteille de 250 ml», a-t-elle fait observer, après avoir montré les 61 marques et formats différents qui se trouvent sur les tablettes réfrigérées.

Elle dit avoir apprécié récemment l’allocution d’un entraîneur d’une équipe de hockey, alors que l’équipe venait d’être formée définitivement pour la saison, qui avait averti que les boissons énergisantes étaient strictement défendues. «C’est bien que les entraîneurs fassent cette mise en garde, car on sait que le sport fait appel à l’énergie».

Santé Canada a modifié en janvier 2013 sa réglementation sur les boissons énergisantes, les faisant passer de la catégorie «produits naturels» (donc à l’abri des réglementations) à celle des aliments. Le tableau de la valeur nutritive est dorénavant obligatoire sur les cannettes.

Saviez-vous que…

Selon Santé Canada, un récent essai contrôlé restreint a révélé qu’une heure après la consommation d’une boisson contenant un stimulant caféinique renfermant de la caféine (80 mg), de la taurine (1 000 mg) et du glucurolactone (600 mg), des modifications cardiovasculaires objectives étaient observées, notamment une hausse de la pression artérielle, une augmentation de l’agrégation plaquettaire et une déficience de la fonction endothéliale. Des effets indésirables de médicaments (EIM) liés à des boissons contenant des stimulants caféiniques ont été déclarés à Santé Canada. Au total, 61 EIM relatifs à des boissons « énergisantes » ont été signalés: 32 graves et 29 non graves. Quinze des EIM non graves concernaient l’appareil cardiovasculaire, et sept des 32 touchaient des adolescents.

Les dentistes, selon ce que nous confie une intervenante du milieu, font des affaires d’or depuis l’arrivée de ces produits, le sucre contenu dans ces boissons étant dévastateur pour l’émail des dents.

Partager cet article