Sans loi ni syndicat

Sans loi ni syndicat
Élaine Brouillard a conservé les documents juridiques liés à son conflit. (Photo TC Media – Ghyslain Bergeron).

DRUMMONDVILLE. Élaine Brouillard croit avoir été victime de harcèlement. Toutefois, elle n’en aura jamais la certitude. En 2002, elle a quitté le milieu de garde où elle travaillait en raison d’un conflit avec la directrice. C’était deux ans avant l’adoption des dispositions de la loi. Sans ressource, elle a sombré dans une profonde dépression.

Elle travaillait depuis sept ans au sein de cette garderie lorsqu’une nouvelle gestionnaire a été embauchée. "Dès la première journée, j’ai senti qu’elle ne m’aimait pas", se souvient Mme Brouillard.

La relation était tendue. Diverses tentatives avaient été déployées pour la mettre de côté. "Lorsque je me défendais, elle devenait fine pendant six mois. Après, ça recommençait", relate-t-elle.

Des adjointes ont été chargées de noter ses faits et gestes. Des rencontres ponctuelles avaient lieu où Mme Brouillard faisait l’objet de reproches. "Toutes sortes de détails qui ne touchaient pas la sécurité ou l’hygiène des enfants", souligne-t-elle. Elle avait l’impression qu’on s’acharnait sur son cas. Les parents, eux, semblaient satisfaits.

Des reproches continus

L’éducatrice s’était vu interdire l’accès à la cuisine le matin, avant de débuter sa journée de travail, alors qu’elle prenait un café aux côtés de la cuisinière. "On m’a dit que je la dérangeais", lance-t-elle. De plus, la directrice a brusquement mis fin à une séance de relaxation avec les enfants, prétextant qu’ils se trouvaient dans la noirceur. "Les stores étaient fermés avec de la musique douce", précise Mme Brouillard, indiquant qu’une collègue qui faisait la même activité a pu continuer.

"Si un enfant était plus lent à débloquer au niveau du langage, par exemple, c’était de ma faute", illustre-t-elle.

Mme Brouillard n’était pas seule dans cette situation. Estimant aussi être victime de harcèlement, une homologue avait entrepris des démarches à la Commission des normes du travail, qui a statué que la plainte était irrecevable. Les dispositions de la loi en la matière n’existaient pas encore.

Pourtant, l’état de Mme Brouillard ne s’améliorait pas. "J’ai perdu mon estime et ma confiance", déplore-t-elle. Convaincue de subir une campagne de dénigrement et de harcèlement, cette éducatrice a entrepris des procédures légales à ses frais, en vain. La réplique à ses mises en demeure ne tardait point. La direction niait en bloc les allégations. N’ayant plus les ressources financières et personnelles de continuer, Mme Brouillard a abandonné. Elle est partie en congé de maladie et n’est jamais revenue.

Peu de temps après, les employées de cette garderie se sont syndiquées. Les années suivantes ont continué d’être houleuses. De 2009 à 2013, 28 griefs de harcèlement, 15 démissions et sept départs pour congé de maladie ont été enregistrés au sein de ce milieu de garde. Le climat malsain aurait cessé depuis le départ de la directrice en question.

Mme Brouillard tente aujourd’hui de tourner la page, même si cet épisode lui laisse un goût amer. "C’est une bonne affaire qu’il y ait une loi contre le harcèlement", insiste-t-elle. Cette femme souhaiterait qu’à l’instar des délinquants sexuels, des traces soient gardées pour identifier les travailleurs déclarés harcelants.

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