Il a commencé à jouer au hockey à l’époque où Maurice Richard terrorisait les gardiens de but de la Ligue Nationale et, aujourd’hui encore, sept décennies plus tard, Jean-Luc Bessette s’amuse toujours comme un gamin sur une glace avec ses chums dont certains ont parfois la moitié de son âge.
Celui qui a fêté ses 75 ans, le 3 janvier dernier, n’entend pas accrocher ses patins de sitôt, même s’il a quelque peu ralenti son rythme depuis quelques temps.
Tout étant relatif, il faut savoir qu’il y a deux ans à peine, ce phénomène de la nature a disputé plus de 110 parties en saison régulière, en séries et lors de quelques tournois.
Cette année, il se contente de jouer régulièrement dans trois circuits dont l’un porte son nom, tout en étant remplaçant dans deux ou trois autres ligues, et ce, sans compter quelques joutes amicales à son agenda et sa participation au Tournoi des Vétérans dont il est encore l’un des organisateurs dans les catégories des 40 et des 50 ans.
S’il n’est pas blessé, ce qui ne lui est pas arrivé souvent en plus de 60 ans de compétition, sa saison comprendra assurément entre 80 et 90 joutes, ce qui ne le rassasiera pas tout à fait, lorsque l’on connaît toute la passion qui l’anime encore pour notre sport national.
«Chose certaine, j’ai bien l’intention de continuer à chausser les patins tant et aussi longtemps que mes jambes vont tenir le coup», affirme le vigoureux septuagénaire, qui fait du vélo durant la période morte pour conserver la force de ses muscles.
«Moi, je jouerais encore six "games" par semaine», nous confie du même souffle celui qui se garde quand même une petite gêne…concernant le 7e jour, comme quoi il ne faut pas ambitionner sur le pain béni.
Et n’allez surtout pas croire que c’est sa douce moitié, Marielle ou Marie, comme on l’appelle plus fréquemment, qui ralentit ses ambitions car elle est probablement l’une des femmes sur cette terre qui a assisté au plus grand nombre de matchs de hockey dans sa vie, soit depuis qu’elle a découvert ce sport en rencontrant son homme, il y a de ça bien des lunes.
Une partie de 13 buts
Sans prétendre qu’il aurait pu faire une carrière dans le hockey d’aujourd’hui avec toutes les facilités qui sont mises à la disposition des jeunes talents, Jean-Luc Bessette reconnaît qu’il disposait de certaines habiletés et surtout qu’il ne ménageait pas les heures d’entraînement pour s’améliorer.
«J’étais toujours sur la glace. Quand ce n’était pas sur la patinoire familiale à côté de la maison, rue Saint-Pierre, c’était à la patinoire du parc Mathieu où nous étions souvent plus d’une vingtaine à courir après la rondelle», raconte-t-il en évoquant les noms des Michel «Jos» Lemaire, Jacques et Claude Desautels, Gilles Cloutier, Marcel Tourigny et Gilles Cormier parmi ses premiers compagnons d’arme.
Les Bessette n’étaient pas les seuls à revendiquer leur patinoire familiale, se souvient Jean-Luc en ayant en tête celles des Boivin, rue Lowring, des Jutras, rue Dorion, et des Thibodeau, dans le Golf, si bien que le phénomène a résulté en ses premières compétitions inter-patinoires.
Un peu plus tard, vers les 13-14 ans, ces rencontres ont pris des allures un peu plus organisées alors qu’elles s’inscrivaient à l’intérieur d’une ligue inter-parcs à la grandeur de la ville sous les férules de l’OTJ.
Jean-Luc s’est vite fait remarquer par ses prestations de compteur dans l’uniforme de Vitre Smith et des Bijoutiers Kitner, pour ne mentionner que ces équipes, alors qu’il était l’un des plus jeunes du groupe.
Très vite d’ailleurs, Jean-Luc Bessette s’est forgé parallèlement des talents d’organisateur et il se souvient encore de ses premières négociations avec le «redoutable» gérant Marshall Grenick pour la location de l’aréna de la rue Des Écoles, mieux connu sous le vocable de la Vieille Grange.
«Sous ses airs bourrus, Marshall avait pourtant un grand cœur et savait être accommodant pour les jeunes que nous étions. J’ai tellement passé d’heures dans ce vieil aréna et, par la suite, à celui de la rue Cockburn, le Centre Civique, qu’un jour M. Grenick a dit à la blague à mon épouse qu’il était à la veille d’y aménager une chambre juste pour moi», se plaît à raconter en riant ce «rat d’aréna», si l’on peut transposer l’expression.
Jean-Luc Bessette n’a pas eu la chance de gagner sa vie en pratiquant son sport favori, tout au plus il a eu droit à quelques essais avec les défunts Dragons et Rockets de Drummondville.
Il se console en pensant qu’il a appartenu à de très bonnes formations dans les ligues régionales et interrégionales dont certaines, selon lui, auraient été bien en mesure de faire belle figure contre des équipes des ligues senior d’aujourd’hui.
Jean-Luc a joué avec et contre les Raymond Fortin, Léo Lemaire, Yves Tessier, Jean-Guy Blanchard, Bertrand Plourde, Claude Faucher, Réal Beaulac et plusieurs autres joueurs de bon calibre à l’époque de la Ligue Nicolétaine.
Il a aussi traîné son sac de hockey à Richmond, à Acton Vale, à Saint-Hyacinthe, à Drummondville, bien sûr, bref partout où il y avait de la bonne compétition, même aux États-Unis.
Il a été, entre autres, l’instigateur de la Ligue Indépendante qui a été longtemps considérée, avec la Ligue de la Cité, comme l’un des circuits regroupant les meilleurs joueurs de la région.
Cinquante ans plus tard, la Ligue Indépendante existe toujours et Jean-Luc y est encore une figure assidue à titre de responsable.
Parmi ses exploits, dans une ligue interrégionale regroupant des clubs de Drummondville, Saint-Hyacinthe, Acton Vale et Waterloo, il se souvient d’avoir connu une partie de 13 buts et de deux aides. Cette performance réussie au dernier match d’une saison fructueuse qui lui a permis de récolter le championnat des marqueurs du circuit.
«Il faut dire que nous nous étions présentés à Waterloo avec trois grosses ligues d’attaque et que le mot d’ordre était de me passer la rondelle. J’ai pratiquement passé la partie sur la glace», raconte modestement celui qui est davantage reconnu pour son endurance et son sens du jeu que par sa vitesse.
Un attaquant capable donc de préparer et de compléter les jeux, M. Bessette affirme qu’il a eu la chance de jouer avec d’excellents compagnons de trio.
Parmi ceux dont les noms lui viennent tout de suite en tête, il mentionne les Michel Sawyer, Robert Bergeron, Pierre Bouchard, Denis Laliberté, Rolland Arpin et Serge Parenteau, tout en admettant qu’il y en a eu bien d’autres compte tenu de sa longue carrière.
Même s’il prend les choses plus aisément aujourd’hui, le Drummondvillois rappelle avec une certaine satisfaction qu’il a besogné dans des ligues avec contact physique jusqu’à l’âge de 44 ans.
«Je ne suis pas Gordie Howe, mais j’ai fait ma part», reconnaît-il en faisant valoir qu’il n’était pas nécessairement facile de se mesurer avec lui dans les coins et qu’il n’était pas un mauvais joueur, loin de là, lui qui a fait du lancer du revers sa spécialité.
M. Bessette n’a pas hésité non plus à transmettre ses connaissances comme instructeur à des plus jeunes, parfois à la tête de deux ou trois équipes par année.
Il a «coaché» dans le deux lettres dont durant quelques années le Bantam AA (Bergeron Sports) qui a gagné le tournoi national à Paul-Sauvé.
Son plus célèbre élève aura été l’unique Marcel Dionne, mais il a eu également sous sa tutelle d’autres joueurs fort talentueux dont les frères Alan et Corey Haworth, pour ne nommer que ceux-là.
D’ailleurs, pour ces raisons et bien d’autres liées à sa longévité et à son engagement, certains de ses actuels coéquipiers dont Bob Rajotte n’hésitent pas à le qualifier de Monsieur Hockey, lui qui porte officiellement déjà le titre de Grand du sport à Drummondville.
Même s’il revendique trois-quarts de siècle au compteur, Jean-Luc n’est toutefois pas le joueur actif le plus âgé du coin, celui-ci étant devancé, entre autres, par les Gérald Léveillé et Yvon Martineau.
Néanmoins, il a droit, de quelques mois, au respect du «jeune» Onil Pellerin.
Quant à Donat Baril, il fait partie des vétérans de son groupe d’âge qui viennent d’accrocher après un beau et long parcours.
La passion de Jean-Luc Bessette pourra-t-elle se poursuivre jusqu’à 80 ans et plus ? «Pourquoi pas !, disent ses coéquipiers car s’il y a quelqu’un qui a le potentiel et la volonté pour le faire, c’est certainement lui.»