Un peu de grogne, sans plus

Par Gerard Martin
Un peu de grogne, sans plus

Mairesse de Saint-Lucien

Si l’on fait exception de la panoplie d’experts et de personnes-ressources en provenance des divers ministères, de la MRC et de la Municipalité concernée, sans oublier les professionnels venus en appui aux promoteurs du projet, une trentaine de citoyens et de citoyennes de Saint-Lucien, tout au plus, se sont rendus à leur église paroissiale, lundi soir, pour exprimer leurs avis dans le cadre d’une soirée de consultation publique relative au projet d’implantation d’une porcherie au 4475, route 255.

Il faut dire toutefois que l’essentiel du projet mené par la ferme Porcalef, propriété d’Alain Lefebvre et de son fils, Jean-Paul, tous deux déjà impliqués dans l’élevage porcin à Saint-Lucien, a fait l’objet, à toutes fins utiles, d’une reconnaissance par les instances concernées.

Comme l’a indiqué d’entrée de jeu la mairesse Suzanne Pinard Lebeau, ce projet a déjà été jugé conforme par l’inspecteur en regard des divers règlements auxquels la municipalité est assujettie dont ceux sur le plan d’urbanisme, sur le zonage, sur le lotissement et sur la construction, le règlement administratif, sans oublier celui de Contrôle intérimaire de la MRC de Drummond.

Une commission

Néanmoins, avec le support de deux autres élues, Ghislaine Béliveau-Lampron et Sylvie Lampron en l’occurrence, Mme Pinard Lebeau a présidé une commission chargée d’accueillir les questions et commentaires en lien avec l’émission finale du permis de construction de ce complexe porcin.

De fait, comme l’a expliqué la mairesse, si le projet a franchi la très grande majorité des étapes d’approbation en mai dernier, il n’en demeure pas moins que la commission, en vertu de l’article 165.4.13 de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, peut se montrer plus exigeante dans la préparation du rapport qu’elle aura à soumettre au conseil municipal.

En ce sens, la première magistrate de Saint-Lucien et présidente de la dite commission a fait savoir aux personnes présentes que le but de l’exercice est en quelque sorte de déterminer s’il a lieu ou non d’inclure une ou plusieurs conditions susceptibles d’assurer une insertion harmonieuse de la porcherie avec le milieu environnant en tenant compte à la fois des commentaires et des limites de la Loi.

À cet égard, Mme Pinard Lebeau a indiqué que l’article 165.4.13 permet au conseil d’assujettir la délivrance du permis à l’une ou l’autre, ou à plusieurs, des cinq conditions qui peuvent s’exercer dans un contexte particulier.

Ces conditions touchent la couverture en tout temps de la fosse afin de diminuer les odeurs, l’épandage de ce lisier dans des délais prescrits, l’extension des distances séparatrices, l’aménagement d’un écran brise-odeurs et/ou l’ajout d’équipements destinés à favoriser l’économie de l’eau.

Déjà plus respectueux

Avant les deux périodes de questions et de commentaires accordées aux citoyens de Saint-Lucien, les promoteurs du projet et leurs professionnels au dossier, en l’occurrence la firme Consumaj, ainsi que les représentants des autorités concernées dont ceux du ministère du Développement durable, de l’Environnement, de la Faune et des Parcs, de l’Agence de la santé et des services sociaux, du ministère de l’Agriculture, des pêche et de l’Alimentation, de la MRC de Drummond et de la Municipalité de Saint-Lucien ont fait la présentation du projet et des normes qui doivent régir l’implantation d’une telle installation.

Grosso modo, le projet concerne la construction de deux bâtiments de 41 pieds et 6 pouces par 320 pieds sur un terrain en partie boisé du 7e rang de Saint-Lucien, et ce, pour y recevoir un maximum de 2999 porcs à l’engraissement.

Pour les Lefebvre, il s’agira de la seconde installation de ce type à Saint-Lucien, eux qui exploitent déjà dans le 4e rang une porcherie de 2600 têtes où ils se consacrent dorénavant comme finisseurs pour le compte de F. Ménard.

Il est à souligner que les deux complexes porcins seront situés à plus d’un kilomètre l’un de l’autre, une exigence particulière de la MRC de Drummond.

Ce nouveau projet, qui nécessitera des investissements de plus de 1 million $ par les Lefebvre puisqu’ils seront propriétaires des installations, comprendra également une fosse à fumier de 108 pieds de diamètre et d’une profondeur de 16 pieds.

Selon le projet original, il n’est pas prévu que la fosse soit couverte.

Toutefois, toujours selon le plan original, les promoteurs ont consenti à reculer de quelques centaines de mètres du chemin l’emplacement du complexe porcin pour qu’il s’intègre à l’intérieur d’un boisé.

À cet égard, Mme Pinard Lebeau a précisé que c’est pour satisfaire à une demande du conseil municipal face à un mécontentement du milieu s’étant manifesté par le biais d’une pétition que la ferme Porcalef a accepté, avec tous les coûts que cela implique, de s’installer à une distance huit fois supérieure à celle exigée.

La mairesse de Saint-Lucien a même ouvert une parenthèse pour préciser que selon les études, le fait que les porcheries seront aménagées dans le boisé contribuera à lui seul de réduire les odeurs de 56%.

D’ailleurs, en faisant l’énumération de la grille de localisation, les divers intervenants ont fait constater que sur chacun des aspects, le projet du 7e rang, en ce qui a trait aux normes de distance, était supérieur d’un minimum de 2,2 fois (pour la distance du périmètre d’urbanisation) allant jusqu’à 25,6 fois (proximité des puits) de ce qui est exigé.

Une autre spécialiste a confirmé également que les Lefebvre ont fait la démonstration qu’ils ont suffisamment de superficie de terre pour disposer également sans contrainte des nouveaux fumiers.

Commentaires écrits

Bien sûr, tous ces beaux chiffres et tous les efforts faits par les promoteurs n’ont pas suffi à rassurer tout le monde dans la salle, comme il a été possible de l’entendre autant à la période des questions qu’à celle des commentaires.

Toutefois, les échanges sont demeurés cordiaux et respectueux en tout temps, y compris avec une jeune femme demeurant à proximité du futur complexe porcin.

Outre la question des odeurs face à laquelle elle dit demeurer toujours aussi craintive, celle-ci a mis en perspective une possible dévaluation de sa propriété, voire la difficulté de trouver preneur le jour où elle voudra s’en départir.

Un autre citoyen a exprimé des doutes quant aux divers engagements des promoteurs, celui rappelant qu’il avait déjà reçu la promesse de l’installation d’une haie brise-vent à l’actuelle porcherie, un projet qui ne s’est jamais concrétisé selon lui.

Ce même citoyen a également voulu vérifier s’il y avait des possibilités que d’autres porcheries puissent éventuellement s’installer sur le site, plus à l’avant, comme le voulait le projet original.

Celui-ci s’est fait dire que cela était impossible.

D’autres interventions ont porté sur la situation plus générale de la production porcine et des coûts qu’elle engendre à l’ensemble des Québécois en raison des subventions et des programmes de stabilisation.

D’autres interventions ont été plus personnelles à l’endroit des Lefebvre pour questionner d’où venait ce besoin de doubler leurs installations, alors que les choses semblent déjà bien aller pour eux.

Les questions du phosphore, de la protection des affluents et des épandages ont aussi été abordées.

La bonne nouvelle pour les gens de Saint-Lucien n’ayant pu participer à cette assemblée de consultation, tout comme d’ailleurs ceux et celles qui s’y sont présentés, la commission accueille par écrit, et ce, jusqu’au 23 juillet, les commentaires qu’ils veulent formuler.

Selon ce qu’a indiqué Mme Pinard Lebeau, la Commission prendra compte de l’ensemble des commentaires oraux et écrits et verra par la suite à produire un rapport.

C’est à partir de ce rapport que le conseil municipal de Saint-Lucien, lors de son assemblée du mois d’août, verra si le permis de construction pour le projet de la porcherie sera autorisé tel que présenté ou en y ajoutant une ou des conditions prévues à l’article 165.4.13 de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme.

De toute évidence, on est bien loin ici des débats vécus ailleurs pour la réalisation de ce type de projet agricole, même s’il y a encore de la grogne.

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