Depuis plusieurs années, la piètre qualité de l’eau de la rivière Saint-Germain alimente l’actualité. Un rigoureux travail de terrain permet désormais de pointer avec assurance l’un des grands pollueurs, du moins en matière de coliformes fécaux. Il s’agit du réseau d’égout unitaire au cœur de la ville.
Cette preuve a été recueillie par le Groupe d’aide pour la recherche et l’aménagement de la faune (GARAF). Supervisés par Geneviève Pilote, technicienne de laboratoire à la Commission scolaire des Chênes, les travaux d’analyse et d’échantillonnage de la qualité de l’eau longeant la rivière Saint-Germain a permis, au cours de l’été dernier, d’évaluer plusieurs paramètres, dont le taux de coliformes fécaux présents par 100 millilitres. La jeune Andréanne Tremblay a été chargée de cette mission estivale, en collaboration avec l’Usine de traitement des eaux usées.
À l’entrée de la ville, soit vis-à-vis du 5e rang, ce nombre tournait en moyenne autour de 700/100 ml. À l’autre extrémité du territoire, le portrait se détériore aux environs de l’école Marie-Rivier et du chemin du Golf, où il avoisine les 5000/100 ml. Mais le pire résultat est enregistré à la hauteur du pont de la rue Saint-Georges, où il s’élève à 6000/100ml. Selon l’indice de la qualité biologique et physico-chimique de l’eau, la note exécrable est décernée lorsque le taux de coliforme fécaux atteint 3500/100 ml. C’est donc dire qu’il n’existe plus de mot pour décrire le niveau de dégradation de la rivière Saint-Germain en la matière.
Eaux sanitaires et pluviales dans le même tuyau
«Cette tendance est toujours la même en période estivale», note Pablo Desfossés, enseignant et coordonnateur du GARAF. Voilà pourquoi il a cru bon en avertir le chef d’exploitation de l’usine de traitement des eaux usées de Drummondville, Patrick Beaudry. «Notre mandat est d’analyser les données et de jaser des résultats obtenus», poursuit-il.
À son tour, M. Beaudry a sitôt refait ses propres tests, qui ont révélé que la présence alarmante de coliformes fécaux à la hauteur de la rue Saint-Georges était causée par les débordements du vaste réseau d’égout unitaire de ce secteur, autorisés par le ministère du Développement durable et des Parcs (MDDEP) en dehors de la période sèche.
Comme les eaux de pluie et les eaux sanitaires sont dirigées vers le même tuyau, le système d’égout combiné cause les surverses. Ce phénomène survient lorsque le volume d’eau dans les tuyaux est trop élevé pour être acheminé à la station d’épuration. Par mesure de sécurité, des vannes d’évacuation rejettent alors le surplus d’eau directement dans la rivière Saint-Germain sans aucun traitement préalable. La Ville de Drummondville enregistre entre 400 et 500 débordements annuellement en temps de pluie ou de fonte des neiges. «On ne s’en cache pas. Oui, ça déborde! Maintenant, on se demande quoi faire avec ça», communique M. Beaudry. Pour les deux hommes, il importe de rendre ces informations publiques afin de sensibiliser la population. «Finalement, grâce au travail des jeunes, on risque d’arriver à une solution. On n’est pas des experts, mais je suis content de voir que la Ville ait pris notre travail en considération et l’ait poussé encore plus loin», s’encourage M. Desfossés.
Un travail de longue haleine
Étape par étape, d’importants travaux sont effectués par la Ville dans les secteurs plus anciens afin de séparer les tuyaux du réseau combiné. Cet été, ceux exécutés sur les 15e, 16e et 17e avenue ont coûté 8 millions $. Selon Francis Adam, directeur au service de l’ingénierie de la Ville, les travaux sont financés par le remboursement fédéral des taxes d’accise. Si l’enveloppe est reconduite en janvier, de nouvelles phases de travaux pourront être complétées. Il s’agit toutefois d’un travail de très longue haleine, car le réseau combiné s’étend du quartier Saint-Pierre au secteur du golf, jusqu’au bord de l’eau de la rue Fradet.
Pour pallier à ce problème, d’autres solutions sont mises de l’avant. Le conseiller municipal John Husk fait valoir que trop de gouttières de maison sont branchées au drain de fondation, qui se jette directement dans le réseau pluvial. En cas de fortes pluies, cela augmente inutilement le volume d’eau, surtout dans le cas d’un réseau combiné, avec les risques que l’on connaît. "L’eau qui descend du toit doit couler sur le terrain et être absorbée par la nappe phréatique", relate-t-il. Le comité de développement durable qu’il dirige à la Ville évaluera si un programme de débranchement de gouttières pourrait être implanté.
Au début des années 2000, la Ville s’est attaquée aux raccordements inversés aménagés dans les domiciles. Conséquences : les eaux usées se retrouvaient dans le conduit pluvial et les eaux pluviales dans le conduit sanitaire. "On a alors corrigé 170 raccordements inversés", indique le chef d’exploitation de l’usine de traitement des eaux usées. Parfois, il s’agissait d’erreurs de plombiers. Souvent, la faute était attribuable aux citoyens qui avaient mal branché leur toilette du sous-sol, par exemple. Des moyens inusités ont été déployés pour dresser cet inventaire, si bien que l’expertise de Drummondville est demandée par la Ville de Trois-Rivières qui débute la démarche. "C’est un travail de moine", commente M. Beaudry.