Les débuts de Drummondville: les concessionnaires

Les débuts de Drummondville: les concessionnaires

(Jean-Pierre Boisvert) — Il existe très peu d’information sur l’histoire de Drummondville, mais il y a heureusement des gens curieux, comme Maurice Vallée, qui mettent de leur temps pour fouiller dans les archives, traduire d’innombrables notes et ainsi lever le voile sur des singularités historiques et marquantes sur notre territoire.

À l’aube du 200e anniversaire de fondation de la Ville de Drummondville, Maurice Vallée, un Montréalais originaire de Saint-Germain-de-Grantham, retraité de l’ONF (Office national du Film) et historien de l’art de profession, est à peaufiner un document de quelque 200 pages qui prendra la forme d’un livre au tout début de 2014.

Le sujet auquel il s’est attaqué est extraordinaire et peu documenté en français: les concessionnaires. En 1815, le gouvernement britannique, inquiet de voir revenir des milliers soldats qui devaient être licenciés après la guerre de 1812 contre les Américains, a voulu offrir à 250 d’entre eux la possibilité de demeurer définitivement dans notre région en leur donnant des terres à développer, ce qu’on appelle des concessions.

Frederick George Heriot fut alors mandaté pour négocier avec les propriétaires fonciers de l’époque, William Lindsay (Canton de Wickham) et John Richardson (Canton de Grantham), qui ont accepté de céder les six premiers rangs pour qu’ils soient divisés en concessions.

Ces soldats-concessionnaires, qui avaient servi au sein des Voltigeurs et du Régiment des Meurons, avaient trois ans devant eux pour défricher quatre âcres, incluant la construction d’une maison. La plupart des soldats ont ainsi obtenu 100 âcres chacun, mais certains officiers ont eu droit à 500 âcres.

C’est là que commence la vie difficile, nous raconte Maurice Vallée. «Un concessionnaire arrivait sur une terre en bois debout où tout était à faire. On lui fournissait une hache, des rations pour un mois et c’était tout. Il n’avait que quelques mois pour se construire une petite cabane avant l’hiver. Mais, exceptionnellement, les années 1815 et 1816 ont été très froides, en raison de l’explosion d’un volcan en Indonésie. Ses cendres ont atteint la stratosphère et le climat de la planète en a été bouleversé. De la neige est même tombée en juin et en août.

«Tout cela a contribué à rendre l’agriculture impossible, au point où les colons et leurs familles, affamés, ont même mangé leurs semences. Heriot a fait pression pour que les rations continuent, non pas sur le gouvernement britannique, mais sur le commandement militaire à Québec, qui supervisait les affaires ici».

Note importante, selon M. Vallée, la région qui allait englober Drummondville et les environs, portait le nom de «Colonie de la Rivière Saint-François», ce que représente aujourd’hui la MRC de Drummond. «Cette dénomination était unique au Bas-Canada. Il y avait aussi une colonie dans la région de Perth, en Ontario (Colonie de la Rivière Tay) et une autre au Manitoba (Colonie de Selkirk). C’est Heriot qui a fondé la Colonie de la Rivière Saint-François, c’est pour ça que je dis que c’est un peu réducteur de limiter son rôle à celui de fondateur de Drummondville», exprime M. Vallée.

Plusieurs descendants des concessionnaires sont encore ici, dont les Demanche, les Ployard, les Niderer, les Henner, les Millar, les Connoly et les Watkins pour ne citer que ceux-là.

Autre anecdote qui, celle-là, en surprendra plus d’un: Heriot avait un fils adoptif. Maurice Vallée raconte: «John Gerbrand Beek Lindsay, fils de William, s’installe à Drummondville vers 1827 chez Frederick George Heriot pour y faire des études de théologie sous la direction du révérend George McLeod Ross. Pendant cette période, Heriot consulte son jeune pensionnaire dans tous les aspects de sa gestion de la colonie de la Rivière Saint-François. Il n’hésite pas à présenter J.G.B. Lindsay comme étant son fils adoptif».

Les ouvrages que Maurice Vallée a déjà publiés s’intitulent: Le Régiment suisse de Meuron au Bas-Canada, Société d’histoire de Drummondville, 2005; Saint-Germain-de-Grantham, 1815-2006, Municipalité de Saint-Germain-de-Grantham, 2006; Les Volontaires loyaux du colonel Frederick George Heriot, Montréal, 2010; La famille Louis Vallée du canton de Grantham, Montréal, 2011; La famille Patrick Dore du canton de Grantham, Montréal, 2012.

Celui qui paraîtra dans quelques mois portera le titre de «La colonie de la Rivière Saint-François : les concessionnaires» et sera de type dictionnaire. Par la suite, il publiera un deuxième tome qui portera cette fois sur l’histoire de la colonie et le drame qui s’y est joué. «Il n’y a aucun éditeur, dit-il, pour ce genre de recherche. C’est trop pointu, semble-t-il. Je le publierai donc à compte d’auteur. Il sera disponible à la Société d’histoire de Drummond et à la Société généalogique canadienne-française (Montréal). Ces sociétés, de par leur présence sur les réseaux sociaux, expositions et salons, assureront une diffusion plus large et à long terme. De cette façon, je suis à peu près certain de rejoindre le public des historiens, généalogistes et chercheurs».

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