Auteur : Jean-Pierre Bélanger, historien
Au début du 20e siècle, la prédominance du textile, une industrie réputée pour ses bas salaires, a longtemps placé Drummondville dans une situation de précarité. Une compagnie comme la Southern Canada Power, qui multiplie les aménagements hydro-électriques dans la région de 1913 à 1928, et qui dispose d’un véritable monopole sur l’approvisionnement en énergie de Yamaska à Sherbrooke, a grandement contribué à ce type d’économie basée sur la présence d’un seul secteur d’activité. Prenant l’initiative de la venue de nouvelles entreprises, elle rejette les usines à forte consommation énergétique, comme les pâtes et papiers, la métallurgie ou l’électrochimie, pour favoriser les industries légères comme le cuir et le textile. À Drummondville, la construction par la compagnie de ses nouveaux barrages des chutes Lord et Hemming de 1915 à 1924, est le catalyseur du développement industriel. Sous son impulsion, vont successivement s’installer à Drummondville : la Butterfly Hosiery en 1919 (bas de soie), la Jenckes Canadian Tire Fabrics Company en 1920 (devenue la Drummondville Cotton en 1928), la Dominion Silk Dyeing & Finishing en 1923 (imprimerie de la soie), la Louis Roessel en 1924, et la Canadian Celanese en 1926.
C’est à partir des années 1930 que Drummondville amorce sa diversification industrielle. C’est cette polyvalence qui a protégé la ville de la grande dépression de l’époque. La Dennison Manufacturing et la Holtite Rubber lancent le mouvement en 1930, suivies de la Eagle Pencil en 1931, de la Corona Velvet en 1933, de la Eastern Paper Box en 1935, de Flax Industries en 1941 et de la Sylvania Electric en 1949. Il faut dire que la Southern Canada Power a augmenté sa capacité de production de 50 000 chevaux-vapeur en 1931. La Celanese et la Holtite Rubber ont agrandi leurs installations de 1937 à 1942. Il est plus que temps car, sans être à proprement parler une « ville de compagnie », la prédominance du textile a longtemps placé Drummondville dans une situation de vulnérabilité. En 1942, le journal L’Homme libre continue de sonner l’alarme : « Que Canadian Celanese et Drummondville Cotton ferment leurs portes aujourd’hui, et demain, Drummondville est réduite à une population de village. Que l’un des anneaux de cette chaîne cesse de remplir son rôle et c’est toute la production qui arrête soudainement. Notre stabilité économique est-elle aussi sûre qu’on semble le croire à Drummondville ? »
Fort heureusement de nos jours, l’économie locale s’est suffisamment diversifiée pour éviter un tel spectre de chômage et de crise économique.
Sources :
Yolande Allard. Synthèse du développement économique de Drummondville 1815-1990. Drummondville, rapport déposé à la SHD, 1994.
Jean-Pierre Bélanger. Une bonne entente en dents de scie. Une histoire interculturelle de Drummondville 1815-1950. Drummondville, SHD, 1998. «Crise industrielle à Drummondville?» L’Homme libre, 28 mai 1942.