ÉDUCATION. 225. C’est le nombre d’élèves touchés par la réduction de services scolaires en francisation au Centre de formation générale aux adultes (CFGA) Sainte-Thérèse à Drummondville.
Lundi soir, la cafétéria du CFGA Sainte-Thérèse était bondée. Une rencontre d’information s’y tenait pour les élèves en francisation qui subissent une interruption de services. Ces hommes et ces femmes, qui sont généralement des travailleurs temporaires, ne suivront plus de formation en soirée.
«Je ne m’attendais pas que tous les élèves soient ici ce soir», a dit le directeur Yves Hébert, accompagné par une enseignante qui traduisait son discours en espagnol.
«On s’est vu il y a trois semaines où je vous annonçais une très mauvaise nouvelle, soit que les cours se termineraient. Je veux vous féliciter parce que vous étiez tous en période d’examen et vous les avez réussis haut la main. Je veux vous féliciter de votre concentration et votre réussite scolaire.»
Il faut dire que la rentrée scolaire a débuté en force à l’établissement de la rue des Écoles.
Au mois de mai, le ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration a demandé au Centre d’accueillir plus de 200 élèves afin de répondre à la demande grandissante en francisation.
«On a répondu au Ministère qu’on allait les prendre. En cinq semaines, on a rencontré et évalué ces gens. On les a accueillis pour les cours de soir. On a commencé la formation au mois d’août», indique Yves Hébert.
Au début de l’année scolaire, il y avait 14 groupes de jour et 13 groupes de soir, ce qui représente une hausse de clientèle «sans précédent».
Récemment, le CFGA Sainte-Thérèse a été coupé dans son élan. Le gouvernement du Québec a exigé aux centres de services scolaires de ne pas outrepasser le financement consacré à la francisation tel qu’il était en pleine pandémie, en 2020-2021, explique Yves Hébert.
Ces nouvelles balises budgétaires ont ébranlé le milieu de l’éducation drummondvillois. «En 2020-2021, il y avait moins d’étudiants. Il n’y avait pas l’arrivée massive des travailleurs temporaires et des demandeurs d’asile sur le territoire.»
«L’année passée, on a fait 208 ETP (équivalent temps plein) en francisation. Sans tambour ni trompette, le ministère de l’Éducation nous informe qu’on passe de 208 ETP à 75 ETP», souligne le directeur.
En conséquence, le Centre de services scolaire des Chênes a été dans l’obligation de fermer des classes de francisation à compter du 1er novembre. «On avait deux objectifs avec la direction générale, soit d’accompagner les enseignants et essayer de maintenir les contrats et être là pour les élèves.»
L’organisation scolaire a respecté la majorité des contrats pour les enseignants permanents et contractuels. Treize de ceux qui étaient à taux horaire ont perdu leur emploi.
Déception générale
La nouvelle a été difficile à encaisser pour les élèves. Lundi soir, la déception se lisait sur les visages.
Originaire de la Colombie, Diana Marroquin fréquente le CFGA Sainte-Thérèse depuis plus de deux ans. Depuis qu’elle a un emploi, elle assiste aux cours de francisation en soirée.
La femme de 46 ans rêve de réaliser un DEP en soins infirmiers. «Je voudrais faire un travail différent en contribuant au milieu de la santé. Si je n’ai pas un bon niveau de français pour parler et pour écrire, je ne pourrai jamais accéder à la formation que je veux», mentionne celle qui est freinée dans ses aspirations professionnelles.
Cette dernière est peinée de quitter le CFGA Sainte-Thérèse. Elle a tissé des liens forts avec les membres du personnel, dont la conseillère en formation scolaire Karel Pinard.
Pour sa part, Jefferson Aponte est arrivé à Drummondville en janvier. L’ingénieur de formation, engagé chez Soprema, voulait apprendre le français pour mieux s’intégrer.
«Le centre de formation nous a apporté une éducation importante. J’ai appris beaucoup de choses pendant tout le temps que j’ai été ici. Je remercie les enseignants pour tous ces beaux moments», exprime l’homme qui vient du Venezuela.
Celui qui souhaite poursuivre son cheminement en francisation se dit inquiet pour l’avenir. «J’espère que le gouvernement trouvera des solutions.»
À la recherche d’alternative
Le directeur général du CFGA Sainte-Thérèse, Yves Hébert, ne voulait pas laisser la clientèle pour compte. Une liste d’élèves sera transmise au ministère de l’Immigration afin de faciliter les inscriptions. «Si le Cégep Drummond a de la place au mois de janvier, il va prendre la relève», indique-t-il.
Sous la recommandation d’un élève, le CFGA Sainte-Thérèse proposera des cours d’oralité à compter du 18 novembre, dans le cadre du programme d’éducation populaire.
Seul bémol, les participants débourseront un coût. «J’ai écrit à certains employeurs pour voir s’ils étaient intéressés à les aider à payer», fait savoir le directeur.
Dans tous les cas, le CFGA Sainte-Thérèse poursuit ses efforts. «Présentement, il nous en reste 140 élèves de jour. On n’a pas rentré de nouveaux élèves avec le nouveau bloc qui commençait aujourd’hui (lundi). On va se rendre jusqu’au 24 janvier et on va voir s’il y a des choses qui changent», conclut le directeur.
Bernard Drainville réagit
De passage à Drummondville, le ministre de l’Éducation Bernard Drainville a soutenu que les budgets en francisation sont les mêmes que l’an passé, soit 104 M$.
«Ce qu’il faut comprendre, c’est que le nombre d’élèves qu’on doit franciser a explosé, beaucoup à cause de l’immigration temporaire. Un moment donné, on a beau augmenter les budgets et le nombre d’élèves qu’on francise, on atteint la limite. Malheureusement, c’est ce qui est arrivé», soutient-il.
«Ça fait un an que le premier ministre (François Legeaut) dit à monsieur Trudeau d’arrêter de faire entrer des nouveaux immigrants temporaires. Un moment donné, on ne sera plus capable de les intégrer, de les franciser. Malheureusement, c’est ce qui est arrivé.»