TRIBUNE LIBRE. Quoi de plus répandu sur terre que ce réflexe, vieux comme le monde, de la méfiance à l’endroit d’individus ou de groupes qui arborent des différences. Dénicher une société où le racisme et la discrimination n’existent pas représente tout un défi. Au mieux, certains groupes cohabitent paisiblement pendant une certaine période jusqu’à ce que des tensions surviennent. Une crise économique, un changement politique, une montée de l’intégrisme religieux ou encore des exactions perpétrées par un membre de l’autre groupe suffisent parfois à raviver le malaise refoulé, de mettre fin au civisme apparent et à monter des groupes les uns contre les autres. L’histoire regorge d’exemples à cet effet. Mais pourquoi? Est-ce immuable, inévitable?
Le plus souvent, nous observons autour de nous des comportements de discrimination. Montrer une préférence ou une attitude de rejet sur la base de la couleur de la peau, du sexe, de l’identité de genre, de l’âge, de la religion, de l’accent ou de l’habillement en fait partie. Comme ne pas considérer un CV en raison d’un nom à consonance étrangère, ou refuser d’être soigné par un infirmier de couleur. Or, le racisme n’explique pas toujours de tels comportements. Car cette idéologie s’appuie sur la croyance qu’il existe des races humaines inégales entre elles, avec des différences déterminées biologiquement et héréditaires. La vision d’une hiérarchie entre les groupes humains a mené historiquement aux horreurs associées, entre autres, au nazisme, à l’apartheid en Afrique du Sud ou encore aux droits civiques aux États-Unis. Tout a été mis en œuvre pour séparer les groupes, de l’interdiction de fréquenter les mêmes salles de toilettes jusqu’à celle des mariages interethniques ou interreligieux.
En réalité, les pratiques discriminatoires courantes dans la population résultent plutôt de clichés ou d’idées préconçues généralisées à des groupes, ethnies, cultures ou sociétés. De là, la tendance à pointer du doigt l’ignorance et à promouvoir une éducation destinée à enrayer les perceptions non fondées et pas toujours très profondément enracinées. Dans la mesure où les attitudes résultent de croyances qui génèrent leur lot d’émotions négatives responsables de comportements inappropriés, il est souhaitable d’aller plus loin. Pour se défaire de la peur, de la méfiance, et même du dégoût, des états qui conduisent à l’évitement, à l’agressivité ou au rejet, rien de mieux que les contacts plus directs et plus intimes. Ainsi, les enfants exposés à la diversité dès leur plus jeune âge sont plus aptes à développer une familiarité exempte de préjugés. La proximité et l’habitude contribuent à dissiper les malaises qui émanent de la méconnaissance et de la perte de ses repères.
Envisagé sous l’angle de l’évolution humaine, le problème prend toutefois une autre dimension. En effet, les humains se sentent plus en sécurité avec ceux qui leur ressemblent physiquement, socialement et spirituellement. Il en résulte un sentiment de solidarité et une identité forte qui répond à un besoin d’appartenance. Un atout qui aurait servi à garantir la survie au cours de notre passé lointain. Ce phénomène s’observerait vers l’âge de huit à neuf mois lorsque de jeunes enfants manifestent soudainement une sorte de peur ou de xénophobie face à des inconnus. Ils expérimentent cette séparation du monde en un nous familier et sécuritaire, et un eux inconnu et potentiellement menaçant. À ce stade de leur développement, ils sont en mesure de faire la différence. Plus tard, et pour différentes raisons, un bon nombre d’adultes conservent ce réflexe. De ce point de vue, la peur de l’autre comporte possiblement une part d’inné qui, pour la surmonter, exige des efforts de sensibilisation considérables et constants.
Une façon de réfléchir sur les répercussions que provoque cette séparation du monde entre un Nous et un Eux consiste à en examiner les avantages pour les groupes dominants, et les ravages pour les groupes discriminés ou racisés.
Pierre Langis (Immigration.Integration@outlook.com)
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