Un nouvel outil numérique de dépistage universel en écriture

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Par William Hamelin
Un nouvel outil numérique de dépistage universel en écriture
En 2023-2024, 51 écoles à travers la province et deux établissements au Yukon et en Ontario utilisaient ÉvadiGraphe, selon la PDG d’Évadi. (Photo : William Hamelin)

ÉDUCATION. L’entreprise drummondvilloise spécialisée en conception d’outils numériques pour l’évaluation diagnostique des apprentissages, Évadi, lance à pleine échelle son nouvel outil de dépistage universel en écriture, ÉvadiGraphe.

Le logiciel propose d’évaluer les compétences en écriture des élèves grâce à une dictée diagnostique découpée en sections de phrase. Les élèves peuvent augmenter ou diminuer la vitesse de lecture selon leur désir et faire répéter des sections autant que nécessaire.

Une fois la dictée terminée, le logiciel analyse les résultats. Le professeur ainsi que l’élève obtiennent instantanément un rapport détaillé des règles de français que l’élève doit travailler.

L’orthopédagogue à la retraite et présidente-directrice générale (PDG) d’Évadi, Michèle Potvin, explique que l’outil comprend deux dictées diagnostiques par niveau, allant de la troisième année du primaire aux étudiants universitaires qui doivent passer le Test de certification en français écrit pour l’enseignement. L’utilisation de la dictée pour le dépistage universel sert à mieux discerner les erreurs d’accords qu’un élève peut faire parfois sans s’en rendre compte, selon elle.

À la fin de la dictée, les élèves ont accès à des graphiques leur montrant leurs règles à travailler. (Photo : William Hamelin)

«L’avantage avec les dictées c’est qu’on peut contrôler ce qu’on veut évaluer, contrairement à une production écrite où l’élève peut rester dans une zone de confort en prenant des mots et des tournures de phrase qu’il connait, et cacher ses erreurs en se servant d’outils comme un dictionnaire ou un Bescherelle. Il est plus facile d’effectuer une rétroaction très détaillée, car on sait exactement ce que l’élève doit écrire, étant donné que c’est une dictée», met en lumière Mme Potvin.

Populaire dès le début

Michèle Potvin raconte que son programmeur et elle travaillent sur cet outil depuis 2016. Elle cherchait un moyen d’économiser du temps de correction et d’analyse d’abord pour sa pratique privée d’orthopédagogue. Puis, elle a voulu en faire profiter aux autres enseignants et orthopédagogues qui doivent aussi passer à travers le dépistage en lecture.

«Le dépistage est important en lecture et en écriture. Cependant, on le fait davantage en lecture dans les écoles et c’est tellement long à corriger et à analyser que, souvent, il n’y a plus de temps pour l’écriture», souligne-t-elle.

À la suite d’une étude d’évaluation en 2018, pour vérifier la validité des résultats d’ÉvadiGraphe, avec 690 élèves dans 10 écoles à travers la province, l’outil a été utilisé en version bêta. Mme Potvin raconte que le logiciel a tellement conquis les professeurs et les orthopédagogues qu’ils n’ont pas voulu attendre la version finale. Depuis 2019, ils ont pu continuer à s’en servir tout en donnant des suggestions pour l’améliorer à Évadi.

«Avant, il y avait un délai de trois à cinq jours avant d’avoir les résultats. Les professeurs me disaient : «Ce n’est pas grave! On fera autre chose pendant ce temps-là. Au moins, on n’a pas à faire l’analyse.»», se souvient la PDG d’Évadi.

Tableau de bord de l’enseignant (à gauche) et environnement de dictée de l’élève (à droite). (Photo : William Hamelin)

La PDG d’Évadi explique que son programmeur a développé des algorithmes de correction qui évaluent la phonétique, l’orthographe d’usage et les accords grammaticaux. Le correcteur a été complètement automatisé pour la rentrée 2023-2024, après 4 ans de travail et de peaufinage avec les écoles utilisatrices. Des dictées d’entrainement, plus courtes, ont été ajoutées en cours d’année.

De plus en plus d’écoles se sont mises à utiliser l’outil numérique d’année en année. En 2023-2024, Mme Potvin relève que ce sont 51 écoles au Québec, deux au Yukon et une en Ontario qui y ont eu recours pour faire le dépistage universel en écriture de près de 22 400 élèves.

Les retours sont tous aussi positifs de la part des professeurs et des orthopédagogues que de la part des étudiants, selon l’orthopédagogue à la retraite. «Les profs nous ont dit que les élèves étaient plus motivés à se corriger quand ils avaient un outil comme celui-ci parce que c’est concret pour eux. Ils savent ce sur quoi ils doivent travailler», affirme-t-elle.

Mme Potvin planifie d’ailleurs une recherche pour 2024-2025 avec une équipe de l’Université du Québec à Rimouski (UQAR). L’étude visera à mesurer la motivation des élèves à s’autocorriger quand ils utilisent ÉvadiGraphe. Cela permettra de savoir si ce que les professeurs lui rapportent, sur les retours des élèves, est véridique.

Démocratisation du dépistage

Pour Michèle Potvin, il est essentiel de faire un dépistage universel en écriture dès le primaire et de le faire d’année en année pour repérer rapidement les élèves qui ont des lacunes, et ce même chez ceux qui se considèrent comme bons en français.

«Chaque année, on dépiste un ou deux élèves qui ne s’attendaient jamais à avoir des difficultés. Avec l’aide d’un dictionnaire ou d’un Bescherelle, l’élève peut réussir, s’il est très intelligent, à camoufler ses difficultés. Dans un dépistage, il n’a le droit à aucun outil parce qu’on veut vérifier sa maîtrise du français. C’est là que c’est intéressant parce que les élèves doivent démontrer ce qu’ils savent», explique-t-elle.

La PDG d’Évadi croit que repérer en avance les lacunes des élèves leur permettraient de mieux se préparer, par exemple, à l’évaluation finale de cinquième secondaire. L’an dernier, c’est à peine un jeune sur deux qui a obtenu la note de passage au critère du respect des normes relatives à l’orthographe d’usage et à l’orthographe grammaticale lors de l’épreuve finale de français.

Michèle Potvin a eu l’idée d’ÉvadiGraphe en 2016, alors qu’elle devait corriger les résultats de dépistage de près de 750 élèves. (Photo : William Hamelin)

Évadi propose un cout très abordable, parce que l’entreprise veut encourager les établissements à en faire l’usage, selon sa PDG.

Le but de Michèle Potvin avec ÉvadiGraphe est de pouvoir aider le plus d’élèves possible que ce soit au Québec ou dans le reste de la francophonie canadienne. Pour l’instant, chaque école doit payer elle-même les frais pour avoir accès à l’outil numérique.

«Je serais prête à faire une entente avec le gouvernement du Québec pour qu’il achète des abonnements pour ses écoles, mais, pour le moment, on m’a dit de faire affaire individuellement avec chacune d’entre elles. C’est dommage parce que plusieurs disent ne pas en avoir les moyens!», soulève Mme Potvin.

Elle confie vouloir également réaliser une étude à l’échelle de la province pour le gouvernement. «Cette étude permettrait d’obtenir un portrait complet des compétences en orthographe des élèves québécois et pourrait aider à améliorer les programmes d’enseignement du français», estime-t-elle.

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