ESCRIME. Entre 2016 et 2024, l’équipe canadienne de fleuret masculin est passée d’une 24e position au classement mondial à une septième place historique aux Jeux olympiques de Paris. Derrière cette renaissance se cache le Drummondvillois d’adoption Julien Camus.
Originaire de la France, ce maître d’armes émérite a été recruté par la Fédération canadienne d’escrime il y a huit ans afin de prendre en charge le programme national de fleuret masculin. Sous son leadership, l’équipe canadienne a réussi une première en 33 ans en se qualifiant pour les Jeux de Tokyo en 2021. Cette année, les protégés de Julien Camus ont répété l’exploit en obtenant l’un des huit laissez-passer pour les Jeux de Paris.
En sol français, les Canadiens ont décroché la septième position en équipe, ce qui représente le meilleur résultat de l’histoire du pays dans cette discipline.
«Du côté individuel, on n’a pas fait d’exploits, mais les garçons ont répondu présents, a raconté Julien Camus, qui vient tout juste de rentrer à Drummondville. Par équipe, on a perdu contre les Japonais, qui sont champions du monde et désormais champions olympiques, après un match accroché. Dans les matchs de classement, on a perdu contre la Chine, qui est numéro trois mondial, mais on a battu l’Égypte, qui est numéro six mondial. C’est donc un grand pas pour le Canada. Si on regarde tout le chemin parcouru depuis huit ans, c’est un beau parcours.»
Pour Julien Camus, il s’agit d’une conclusion idéale. L’homme de 43 ans a déjà fait savoir que ces Jeux dans son pays natal seraient ses derniers en tant qu’entraîneur de l’équipe nationale.
«Après deux cycles olympiques, je suis fatigué psychologiquement, a expliqué le père de famille. C’est beaucoup de voyages. On est toujours partis à l’étranger. En escrime, c’est assez compliqué, parce qu’il y a très peu de financement pour les athlètes. Ils sont obligés de travailler à côté. Pour ma part, j’ai besoin de repos. Comme on arrive à la fin d’un cycle et que certains athlètes arrêtent, c’est le bon moment. Je laisse le fleuret masculin en meilleur état que j’ai pu le trouver il y a huit ans. Il y a de jeunes coachs qui sont là. La relève va être assurée.»
Se décrivant comme un entraîneur à la fois exigeant et juste, Julien Camus sait aussi être à l’écoute de ses athlètes.
«Je suis très proche d’eux. Je leur en demande beaucoup, mais je suis très exigeant envers moi-même. Avec moi, on fait beaucoup d’efforts et on ne peut pas tricher. Je suis un coach qui ne triche pas, mais je suis aussi compréhensif.»
Conscients qu’il s’agissait du dernier tour de piste de leur entraîneur, les fleurettistes canadiens lui ont d’ailleurs offert une victoire sur l’Égypte dans le match pour la septième position.
«Ils ont vraiment tout donné. Les garçons ne voulaient pas repartir sans une victoire. Ils voulaient qu’on finisse l’histoire sur une bonne note. Ça représente le lien que j’ai avec mes athlètes. Ils savent que moi aussi, j’ai fait des sacrifices par rapport à ma famille ces dernières années. C’était hyper important pour eux qu’on termine ce travail sur une victoire pour montrer à l’ensemble du monde que le Canada fait désormais partie du top mondial.»
Le plaisir du jeu
Selon Julien Camus, la discipline du fleuret se veut un mélange entre le sabre et l’épée. Si l’explosivité caractérise ce sport de combat au moment de l’attaque, l’endurance cardiovasculaire est également primordiale à travers trois assauts de trois minutes. Les athlètes doivent également savoir faire preuve de créativité.
«C’est un sport de combat : ce n’est pas de la natation ou de l’athlétisme. Ce n’est pas une ligne droite où on met la technique en place et on court. On va avoir quelqu’un en face de soi qui va essayer de contrer et qui va mettre des choses en place. Il faut être capable d’analyser et d’avoir une certaine faculté à se concentrer sur les bonnes choses, par exemple quand un arbitre ne prend pas forcément les décisions que l’on souhaite. Il faut aussi avoir une bonne capacité d’adaptation pour être capable d’ajuster notre plan de match.»
Mais les notions les plus importantes aux yeux de Julien Camus, que ce soit pour de jeunes athlètes ou des olympiens, ce sont celles du plaisir et du jeu. À Paris, l’entraîneur originaire d’Orléans a d’ailleurs mis l’accent sur ce concept dans ses discours auprès de Maximilien Van Haaster, Blake Broszus, Daniel Gu et Bogdan Hamilton.
«Il ne faut pas oublier que ces athlètes-là ont commencé l’escrime ou un autre sport à six ou sept ans parce que ça les amusait, parce qu’ils aimaient ça. Si on perd ça, on ne peut pas faire de sport de haut niveau ni se rendre aux Jeux. Le plaisir et la joie de faire du sport, c’est très important. Savoir garder son âme d’enfant et avoir du plaisir dans le jeu, c’est la plus grande qualité pour n’importe quel athlète.»
Malgré son départ du programme national, Julien Camus continuera de s’impliquer dans le développement du sport, notamment au sein de la Fédération d’escrime du Québec et du club Drummond Escrime. Fondé avec sa conjointe Lucie Jacolot en 2017, le club drummondvillois compte aujourd’hui sur une vingtaine de membres. Lors des derniers Jeux du Québec, à Sherbrooke, la région était d’ailleurs représentée dans cette discipline pour la première fois en 17 ans. La délégation centricoise y a décroché la bannière de l’esprit sportif.
«C’est un club qui est en train de grandir petit à petit. Tranquillement, il y a des résultats qui commencent à arriver sur des épreuves provinciales. À Sherbrooke, nos athlètes étaient très jeunes pour leur catégorie d’âge. Ç’a été un peu compliqué, mais ç’a été un très bon apprentissage pour eux. Ils vont être à nouveau sélectionnables pour les Jeux de 2026, à Blainville.»
«Le plus important, c’est que les enfants s’amusent et s’épanouissent à travers le sport. Qui sait? Peut-être que dans quelques années, des jeunes du coin seront aux Jeux olympiques», a conclu Julien Camus.