Marcher le territoire, donner une voix à l’itinérance

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Par Emmanuelle LeBlond
Marcher le territoire, donner une voix à l’itinérance
Le projet Marcher le territoire a été porté par l'artiste Gabrielle Bélanger, en compagnie de l'intervenante de La Piaule Alexandra Gingras-Gaudreault. (Photo : Ghyslain Bergeron)

CULTURE. «Qu’est-ce qui te pousse à avancer? Sur quoi voudrais-tu marcher? Qu’aimerais-tu changer sur ton territoire?» : telles sont les questions que l’artiste Gabrielle Bélanger a posées aux personnes en situation d’itinérance. Ces hommes et ces femmes se sont exprimés à travers les dessins et les mots, contribuant au projet Marcher le territoire.

L’artiste de proximité Gabrielle Bélanger est propulsée par une mission précise, celle de «donner une voix aux personnes qu’on entend peu». Elle n’a pas hésité une seule seconde lorsque la Ville de Drummondville lui a proposé de piloter le projet Marcher le territoire.

Gabrielle Bélanger a rapidement été mise en contact avec Alexandra Gingras-Gaudreault, une travailleuse de rue de l’organisme La Piaule. «L’idée était de travailler avec des personnes itinérantes autour de la bibliothèque», fait savoir l’artiste.

L’artiste Gabrielle Bélanger est allée à la rencontre des personnes en situation d’itinérance. (Photo : Ghyslain Bergeron)

Alexandra Gingras-Gaudreault est bien connue des usagers de la bibliothèque publique de Drummondville. En tant qu’intervenante de milieu, elle fait en sorte qu’il y ait une bonne cohabitation entre les communautés. Cette dernière travaille quotidiennement avec la clientèle itinérante.

Le duo est allé à la rencontre de ces personnes, afin d’en apprendre davantage sur leur rapport avec la marche et le territoire. «Alexandra connaissait très bien les gens. C’était facile pour moi d’aller chercher la matière première que j’avais besoin, soit des dessins et des écrits. Des fois, les gens nous donnaient juste une idée. D’autres fois, ils écrivaient quelque chose. Parfois, il y avait déjà des dessins avec eux et ils nous les partageaient. Il y avait diverses formes», explique l’artiste.

L’implication des participants a été au-delà des attentes de Gabrielle Bélanger. Un total de 80 personnes se sont livrées en images et en mots.

L’expérience a été enrichissante pour l’intervenante qui a réussi à créer et renforcer des liens de confiance. «Ça a permis d’ouvrir des petites portes avec des gens que je ne connaissais pas et que j’avais envie de connaître», dit Alexandra Gingras-Gaudreault.

L’impression

Une fois la récolte complétée, Gabrielle Bélanger est retournée à Québec dans son atelier pour confectionner les soies de sérigraphie. Une cinquantaine de motifs ont été retenus. Un bateau, un feu de camp, le pont au parc Woodyatt, une fleur, un cheval : il y a une réflexion derrière chaque image.

De retour à Drummondville, l’artiste a apporté la Carriole avec elle. Il s’agit d’un atelier de sérigraphie mobile. Une petite boîte en bois a été construite sur une remorque à vélo. Elle se déploie pour se transformer en table d’impression. Gabrielle Bélanger y range ses soies et ses encres.

La Carriole est un atelier mobile de sérigraphie. (Photo: gracieuseté)

Cette dernière a sillonné les rues de Drummondville à bord de la Carriole. Plusieurs arrêts ont figuré à son itinéraire, tels que la bibliothèque, La Piaule, le parc Saint-Frédéric et une maison des jeunes.

Les participants de tous les âges et de tous les horizons ont imprimé différents motifs sur des chaussettes. «Il y avait aussi un objectif de mixité sociale à travers ce projet, fait savoir l’artiste. La Carriole permet vraiment ça. Les gens sont curieux. Ils s’avancent. Ça crée des situations où une personne itinérante va imprimer avec une personne âgée. Les gens s’auto-organisent et ça devient l’atelier de tout le monde.»

L’exposition

La résidence d’artiste de Gabrielle Bélanger se conclut avec une exposition à la bibliothèque publique jusqu’au 15 août. L’installation met en lumière les estampes sur chaussettes. Les œuvres ont été déposées à même le sol. Les chaussettes ont été enfilées dans des supports, fixées à une planche de bois qui rappelle le mouvement.

Les participants de tous les âges et de tous les horizons ont imprimé différents motifs sur des chaussettes. (Photo : Ghyslain Bergeron)

«Je demandais aux personnes sur quoi elles aimeraient marcher. Il y en a deux qui ont nommé le sable chaud. Je trouvais ça intéressant d’amener les bas dans le sable. C’est comme s’il y avait une impossibilité. Souvent les personnes en situation d’itinérance n’ont pas accès à certains lieux qui leur font du bien et qui les ressourcent. C’est quelque chose que j’avais envie de mettre en lumière», souligne l’artiste.

Au final, Gabrielle Bélanger a été marquée par la richesse des discussions ainsi que l’implication et la sensibilité des personnes rencontrées.

Que retient-elle du projet? «Le territoire appartient à tout le monde», affirme-t-elle.

Soulignons qu’il s’agit du premier projet culturel entre la Ville de Drummondville et l’organisme La Piaule. Le tout a été financé par l’entente de développement culturel entre la Ville et le ministère de la Culture et des Communications du Québec.

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