Stéphanie Lacoste à coeur ouvert : «C’est le métier où je vis le plus de solitude en étant la plus entourée»

Photo de Lise Tremblay
Par Lise Tremblay
Stéphanie Lacoste à coeur ouvert : «C’est le métier où je vis le plus de solitude en étant la plus entourée»
Stéphanie Lacoste est la mairesse de Drummondville depuis le 7 novembre 2021. (Photo : Ghyslain Bergeron)

DRUMMONDVILLE. Quand elle est allée déposer son bulletin de mise en candidature au bureau du président des élections, Stéphanie Lacoste n’avait pas imaginé que devenir mairesse allait chambouler autant sa vie. Le 7 novembre 2021, elle est passée de l’ombre à la lumière, avec les avantages et les inconvénients. Elle fait partie des femmes qui ont été élues à la tête des grandes villes du Québec : Montréal, Longueuil, Gatineau, Sherbrooke et Saguenay. Assise depuis près de trois ans dans le grand siège de la Ville de Drummondville, elle s’ouvre pour une rare fois sur les obstacles qu’elle a affrontés, mais aussi sur ses défis et ses doutes.

En déposant son cappuccino sur l’une des tables de Rose Drummond lundi matin, Stéphanie Lacoste était d’une humeur particulièrement joviale.

«Ça fait longtemps que ça ne m’était pas arrivé, un week-end comme ça. J’ai cuisiné pour mes fils et je suis même allée cueillir des framboises. Ça m’a groundée», a-t-elle exprimé en prenant place sur une petite chaise blanche.

Il faut dire que depuis qu’elle est en poste, Stéphanie Lacoste vit à plein régime. Au-delà des réunions et des rencontres inscrites à son agenda, chaque journée apporte son lot de défis. Lorsqu’elle sort de chez elle, on l’interpelle sur différents sujets, souvent sur l’état des routes. Quand elle va à l’épicerie, on remarque le contenu de son panier… une réalité que vivent tous ceux et celles qui choisissent de mener une carrière publique.

«On parle souvent de la pression des élus, mais dans la vraie vie, les gens sont généralement respectueux. Quand ils s’expriment, ils le font de belle façon. C’est différent sur les réseaux sociaux. La pression est plate de ce côté», dit-elle.

À 45 ans, la mairesse de Drummondville n’écarte pas la possibilité de se présenter pour un deuxième mandat en 2025. (Photo Ghyslain Bergeron)

Sur son téléphone, un groupe Messenger réunissant quelques autres mairesses du Québec s’avère d’une aide précieuse. Au bout de ses doigts, des femmes comprennent sa réalité.

«Le rôle de mairesse ne s’apprend pas à l’école. Il n’y a pas beaucoup de gens qui peuvent comprendre notre réalité, souligne Mme Lacoste. On a beaucoup d’informations qu’on ne peut pas nommer. C’est le métier où je vis le plus de solitude en étant la plus entourée. À cause de mes prises de décisions et des informations que j’aie, je vis beaucoup de solitude. Dans ce contexte, c’est important d’avoir un réseau. Ça me permet de discuter de frustrations. Parfois, on discute aussi de nos vies personnelles, parce que ce n’est pas toujours facile.»

Elle fait observer que les maires et mairesses ressentent vivement la pression des citoyens. «Quand les gens veulent quelque chose, ils nous appellent, même si on n’a pas les deux mains sur le volant. Dans le dossier de l’hôpital, je suis une courroie de transmission. J’alimente nos députés, mais ce n’est pas moi qui décide où sera investi l’argent du gouvernement», explique-t-elle.

Questionnée sur les sujets qui sont les plus abordés par les mairesses québécoises sur le groupe Messenger, Mme Lacoste énonce que la confiance en soi demeure un défi entier.

«Le syndrome de l’imposteur revient souvent sur le tapis de même que la perception de devoir toujours performer. Je vis ça aussi. Je veux tellement bien faire. Il y a des événements où c’est plus difficile. Je suis la porte-parole de la Ville. Nos équipes travaillent très fort et je veux être à la hauteur de leurs efforts. Je me mets énormément de pression», confie-t-elle à cœur ouvert.

Elle soutient également porter une grande attention au ton qu’elle utilise lors de ses prises de parole. Une pression toute féminine, selon elle.

«Ça va avoir l’air banal ce que je vais dire, mais je ne peux pas frapper sur la table avec mon poing quand je vis une frustration, mais un homme peut le faire. Je dois toujours prendre un pas de recul, me concentrer sur le message et sur la façon dont je le livre. Les femmes, on doit faire attention à la perception. Je pense aussi qu’on doit parallèlement garder notre belle sensibilité. J’assume que je fais de la politique de femme», soutient l’élue de 45 ans.

Séparation

Au chapitre de la vie personnelle, Stéphanie Lacoste a vécu une séparation en 2022, un événement qu’elle a comparé à un tsunami.

«Aujourd’hui, ça va bien. Les enfants demeurent notre priorité et on est en train de retrouver notre amitié. Il a néanmoins fallu que je déménage. J’ai acheté la maison de ma grand-mère. Elle est située dans un vieux quartier très tranquille. Je suis proche de tout, ce qui fait que je peux bien voir la ville à pied», exprime la mairesse.

Mère de trois fils âgés de 15, 18 et 20 ans, elle vit désormais avec sa mère.

«C’est sa décision. Durant la pandémie, elle disait qu’elle était tannée du silence. Elle a une très belle relation avec mes fils. Il y a toujours quelqu’un chez moi qui aime mes enfants autant que moi», s’enthousiasme-t-elle.

Malgré son horaire chargé, elle continue de jouer au deck-hockey puis elle s’entraîne depuis peu dans un gymnase, ce qui lui permet de bouger dès qu’elle a une case libre à son agenda.

«J’ai arrêté d’essayer de vouloir absolument un équilibre au sens biblique du terme, ajoute-t-elle. Je trouve aujourd’hui des façons de me déposer dans certains moments. J’ai un entourage formidable qui me permet de rester moi-même.»

(Photo : Ghyslain Bergeron)

Soulignant que sa principale force est celle d’être capable de bien s’entourer, elle apprécie la compétence d’autrui, qui lui donne du gaz pour présenter, argumenter, contester et mousser les dossiers de Drummondville.

«Je n’ai pas besoin de tout savoir ni de tout connaître. J’ai besoin d’aller chercher des gens en qui je peux avoir confiance et qui ont une expertise», affirme-t-elle, en citant en exemple l’embauche de Gerry Gagnon à la tête de Drummond économique.

Les prochaines élections étant prévues à l’automne 2025, Stéphanie Lacoste est restée évasive quant à sa décision d’arrêter ou de poursuivre. Elle murmure cependant qu’elle «n’a pas l’impression d’avoir accompli tout ce qu’elle voulait».

«Il y en a qui sont maires des dizaines d’années. Je ne juge personne, mais personnellement, je ne vois pas ça comme une nécessité. Si un politicien reste trop longtemps, il devient comme un fonctionnaire. Je crois que le changement est nécessaire, d’autant plus que la politique, ça use», termine celle qui n’a pas manqué de mettre en relief l’œuvre de ses prédécesseurs.

Ce qu’elle a dit à propos des dossiers chauds

Hôpital régional : «Ce sera un travail de longue haleine. Il faudra maintenir la pression. Plus on attend, plus on est à risque de vivre un bris de service. Je suis contente de la structure qu’on a mise en place au sein de la Coalition pour un nouvel hôpital régional. Ç’a été long, mais ça nous permettra d’être solides. On pourra pousser longtemps, tous ensemble, dans la même direction.»

Centre Marcel-Dionne : «Si ce n’était que de moi, ça fait longtemps que ce dossier serait réglé. Mais si je prends le coût du projet et que je le répartis sur le compte de taxes des citoyens, personne ne sera content. On a besoin d’une subvention du gouvernement pour aller de l’avant. Cela dit, je suis déçue que nous ne l’ayons pas obtenue. Je vais essayer de comprendre ce qui s’est passé au gouvernement.»

Transport collectif : «Le gouvernement n’est vraiment pas dans le développement et dans la pérennité du transport collectif dans les régions. On a fait un sommet à Drummondville justement parce que c’est un dossier important. Et malgré cela, durant cet événement, on a entendu parler que de Montréal, Québec, Sherbrooke et Trois-Rivières. Le gouvernement doit comprendre que le transport collectif est important ici aussi. Il n’y a pas d’ouverture alors qu’on a besoin de bonifier le réseau pour avoir une réelle alternative à Drummondville. Je voudrais faire en sorte qu’un jeune puisse retarder l’achat de sa première voiture et qu’il mette ses sous dans ses études. Nos jeunes seraient peut-être plus nombreux à aller à l’école, car une voiture, c’est coûteux.»

Partager cet article