Jumeaux identiques jusqu’au bout des dents

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Par Louis-Philippe Samson
Jumeaux identiques jusqu’au bout des dents
Les jumeaux identiques Julien et Vincent Gagnon enseignent la biologie dans deux cégeps différents. (Photo : Ghyslain Bergeron)

MAGAZINE. Imaginez grandir avec une personne qui vous ressemble en tous points et qui partage son code génétique avec vous. C’est pourtant la réalité des jumeaux identiques dont l’existence est encore aujourd’hui source de questionnements.

Les jumeaux Julien et Vincent Gagnon se sont posé plusieurs questions et ils ont rapidement développé un intérêt pour la biologie au point où ils sont tous deux devenus professeurs de cégep.

Enfants, leur curiosité les a amenés à d’abord identifier des plantes, des arbres et des animaux en forêt. Mais c’est en 1996, à l’âge de 16 ans, que leur passion s’est réellement développée. Ils ont participé au concours Expo-sciences avec l’idée de présenter un projet sur les différences et les ressemblances entre les jumeaux identiques. Ils ont d’abord subi un test par prise de sang qui a confirmé leur statut, mais ils n’avaient pas l’intention de s’arrêter là.

«Les tests de génétiques n’étaient pas encore courants en 1996. C’étaient les débuts de la génétique», se souvient Julien Gagnon.

Les empreintes dentaires de Julien et Vincent ont révélé que leur dentition est identique. (Photo : Ghyslain Bergeron)

Ensuite, ils ont fait appel à leur dentiste et aux policiers de la Sûreté du Québec (SQ) pour compléter leur collecte de données. Il va sans dire qu’entrer dans un poste de police pour demander leurs empreintes digitales avait de quoi impressionner ces deux adolescents.

«On a découvert que nos empreintes sont similaires, mais assez différentes pour nous distinguer. Sur dix doigts, nous en avons huit qui ont le même dessin, mais le nombre de lignes et leurs espacements sont différents. Ensuite, notre dentiste a fait notre empreinte dentaire. Les dentistes apprennent à l’école que toutes les dents sont différentes en principe. Mais le nôtre nous a confirmé qu’il n’y avait aucune différence entre nos dentitions», racontent les jumeaux.

À cette époque, leurs dents étaient identiques, incluant les dents de lait qui tardaient à tomber, puisque leur positionnement est génétiquement contrôlé. Grâce à une reproduction de leur mâchoire, ils ont pu échanger les pièces et constater qu’elles s’imbriquent parfaitement. Anecdote : leur dentition est différente aujourd’hui. Julien a des caries contrairement à Vincent…

Enseigner avec leurs dents

Fort de leurs apprentissages, les Gagnon abordent maintenant le sujet avec leurs étudiants. Au Cégep de Drummondville, Julien a eu l’idée de prendre son exemple, à l’aide de copies des dents, pour expliquer les ramifications de la génétique. De son côté, Vincent fait de même avec un ensemble de dentiers en plâtre, au Collège Champlain de Saint-Lambert où il enseigne.

«Dans nos cours, on explique comment les gènes fonctionnent et ce que dit l’information génétique. Lorsqu’on en parle, on se prend comme exemple pour expliquer ce qui est sous l’influence de la génétique et ce qui ne l’est pas, mais on n’avait qu’un seul kit de dentiers», souligne Vincent.

Les trois copies de la dentition des jumeaux, soit l’originale en plâtre, celle imprimée en 3D par Julien et celle réalisée par le département de génie mécanique du Cégep de Drummondville. (Photo : Ghyslain Bergeron)

Julien a tenté en vain d’en faire des copies à l’aide d’une imprimante 3D. C’est alors qu’il a eu l’idée de faire appel à son collègue Éric Bédard du département de génie mécanique. Ensemble, ils ont recréé un modèle parfait des moulages originaux.

«Éric a proposé le projet à son étudiante Geneviève Lemire qui a passé plus de temps dans nos bouches que quiconque. Elle a scanné nos dentiers et a nettoyé la modélisation 3D avant d’en faire des copies en résine. C’est plutôt rare qu’on ait la chance de réaliser des projets interdépartementaux et même intercollégiaux au Cégep», fait observer Julien.

Chaque jumeau dispose maintenant de ses reproductions dentaires qu’il peut utiliser pour enseigner dans leur établissement respectif. Ce projet a même donné des idées aux frères Gagnon qui souhaitent à nouveau collaborer sur différents projets de recherches. Certains porteront assurément sur la génétique de jumeaux identiques.

Faits cocasses :

  • Bien qu’il n’ait pas d’enfants, Vincent est génétiquement parlant le père de ceux de son frère Julien puisque ces deux hommes partagent le même code génétique.
  • Dès leur naissance, les deux frères ont été intervertis par les médecins. Cela fait en sorte qu’ils ne savent pas qui est le premier né.
  • Julien et Vincent n’arrivent pas à se différencier sur de vieilles photos et ils affirment aussi partager des souvenirs communs au point où ils de la difficulté à déterminer qui a vécu l’histoire qu’ils racontent.
  • Les jumeaux identiques peuvent aussi être des donneurs d’organes idéaux entre eux.
  • La science n’arrive pas encore à expliquer précisément comment se produisent les jumeaux identiques, contrairement aux jumeaux non identiques qui sont le résultat de la fécondation de deux ovules. Les jumeaux identiques proviennent de la séparation complète du zygote dans les 10 premiers jours de la grossesse. Plus des jumeaux se séparent tard, plus ils sont identiques. Ils peuvent cependant devenir des jumeaux conjoints si la séparation ne s’effectue pas complètement.
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