POLITIQUE. Malgré toutes les voix qui s’élèvent et qui réclament qu’un nouvel établissement de santé soit construit à Drummondville en raison de la vétusté des lieux actuels, les mots «hôpital Sainte-Croix» n’ont été prononcés qu’à deux reprises à l’Assemblée nationale depuis le 29 novembre 2022. Et c’était par l’opposition.
Bien que l’on ne mesure pas l’importance accordée à un dossier par le nombre d’interventions effectuées dans cette enceinte, le Journal des débats de l’Assemblée nationale recense chacune des prises de parole et leur contenu, une information accessible au grand public.
Entre le 29 novembre 2022 et le 10 janvier 2024, le dossier de l’hôpital Sainte-Croix a été mentionné à deux reprises au salon bleu, et non par les députés Sébastien Schneeberger ou André Lamontagne, chargés de représenter la population et de mousser ce dossier à l’Assemblée nationale.
Le 17 octobre 2023, le chef de l’opposition officielle, Marc Tanguay, en a fait mention à la suite du conseil général du Parti libéral du Québec, un événement qui s’est tenu à Drummondville. Devant les députés rassemblés au salon bleu, il a déclaré :
«À Drummondville, ils parlent de l’hôpital Sainte-Croix. Le CIUSSS de la Mauricie et du Centre-du-Québec dit que cet hôpital est vétuste, non fonctionnel, puis qu’il manque de lits. La demande est faite par le CIUSSS depuis deux ans, soit de bâtir un nouveau bâtiment ou un agrandissement, mais rien n’est inscrit dans le Plan québécois des infrastructures (PQI). La CAQ abandonne, là aussi, les citoyens.»
Le premier ministre du Québec, François Legault, a répliqué. Il a rappelé qu’à son arrivée au pouvoir, son parti a bonifié l’enveloppe du PQI de 50 % et a souligné qu’un nouvel hôpital est en chantier au Québec, celui de Vaudreuil.
Précédemment, le 4 octobre 2023, le député péquiste des Îles-de-la-Madeleine, Joël Arseneau, a tenté, en vain, de proposer la motion suivante : «Que l’Assemblée nationale reconnaisse que l’hôpital Sainte-Croix de Drummondville est vétuste et non fonctionnel pour les besoins d’aujourd’hui. Qu’elle reconnaisse que cela entraîne un manque de lits, d’efficacité, de vétusté technique, de dignité, de coûts supplémentaires et des difficultés pour le personnel. Qu’elle se rappelle qu’en février dernier un article nous apprenait que plus que 10 % du personnel souffre d’épuisement professionnel, d’une maladie ou est absent. Qu’elle prenne acte que plusieurs patients décident d’aller chercher des soins dans des régions environnantes. Finalement, que l’Assemblée nationale demande au gouvernement d’inscrire la construction d’un nouvel hôpital à Drummondville au Plan québécois des infrastructures.»
Personne n’a accepté d’en débattre. Le lendemain, le député Sébastien Schneeberger a tenu à préciser que la motion a été refusée dans sa forme initiale. Jouant sur les mots, il a communiqué que son parti a demandé que le mot « réitérer » soit ajouté à la motion. «L’Assemblée nationale demande au gouvernement de réitérer sa volonté d’inscrire la construction au PQI…». Le Parti québécois a refusé l’amendement, ce qui a clos la discussion.
Jeu politique
Invitée à dépeindre la joute politique, Joanie Bouchard, professeure adjointe à l’École de politique appliquée de l’Université de Sherbrooke, a observé : «Il y a clairement eu là un jeu politique entre les oppositions et le gouvernement. C’en est vraiment un bel exemple. L’opposition fait son rôle de chien de garde alors que le gouvernement se défend. Cela dit, ce n’est pas surprenant que ce soit l’opposition qui en ait parlé. Le gouvernement ne va pas lui-même souligner ses propres lacunes. S’il avait parlé par lui-même de l’hôpital, il aurait mis une solution en place en même temps.»
La professeure titulaire en communication politique à l’Université du Québec à Trois-Rivières, Mireille Lalancette, soulève quant à elle une question.
«Est-ce que l’Assemblée nationale est le meilleur endroit pour traiter de cette question-là? Les députés peuvent travailler leurs dossiers dans leur bureau de comté avec des intervenants et ils n’ont pas besoin nécessairement de les amener à l’assemblée. Le Journal des débats porte sur des sujets spécifiques et ils ont un temps limité. Il y a un travail invisible qui doit se faire et qui n’apparaît pas nécessairement.»
En coulisse
La mairesse Stéphanie Lacoste, aussi présidente de la Coalition pour un nouvel hôpital régional à Drummondville, informe que précisément dans le dossier de l’hôpital, beaucoup de rencontres ont été faites en coulisse au cours de l’année 2023.
«Tout ce travail-là n’est pas vu du grand public, mais il est important et c’est ce qui fait que le dossier avance. Les annonces publiques, c’est le bout le fun et facile. Le travail de fond se fait généralement en coulisse, dans l’ombre. On ne peut pas nommer toutes les avancées. Il y a de la stratégie là-dedans», souligne-t-elle.
Elle convient néanmoins qu’elle «aurait aimé que ça aille plus vite», considérant les besoins urgents décriés par le personnel médical.
«2023 a été une grosse année. On a établi des bases solides. Pour passer à travers les prochaines années, il fallait vraiment attacher toutes les ficelles. On voulait que les députés travaillent sur le projet et démontrer que le projet est un besoin. On devait aussi s’assurer que notre projet soit assez solide pour passer à travers les prochains gouvernements», ajoute-t-elle.
Cela dit, Mme Lacoste sait que le dossier de l’hôpital Sainte-Croix est connu à Québec et qu’il chemine.
«J’ai rencontré le ministre Dubé dans un autre contexte récemment. Avant même que je lui en parle, il m’a dit qu’il était bien au fait de notre dossier. Il est donc porté par nos députés. Est-ce qu’on pourrait faire mieux? La réponse est oui. Tout le monde pourrait faire mieux. Le travail de la coalition est de descendre l’information dans le milieu et de la remonter», précise Mme Lacoste, en ajoutant que Christian Dubé pourrait venir visiter l’hôpital Sainte-Croix prochainement.
Voix de la communauté
Joanie Bouchard et Mireille Lalancette, nos expertes universitaires, s’entendent sur un point : l’inscription du nouvel hôpital au Plan québécois des infrastructures en 2014 dépendra davantage de la voix de la communauté.
Encore la semaine dernière, plusieurs médecins et membres du personnel soignant de l’hôpital ont réclamé que le projet de construction d’un nouvel hôpital soit inscrit au PQI en mars prochain, soit au dépôt du budget provincial.
«Plus il y aura de bruit, plus on y portera de l’attention et plus il y a de chances que cet enjeu soit inscrit à l’agenda du gouvernement. La mobilisation peut changer les rapports de force à la fois de l’opposition et du gouvernement, mais aussi à l’intérieur de la CAQ. Quant aux députés, ils ont aussi un rôle fondamental à jouer dans l’attention qui sera apportée au dossier», communique Mme Bouchard.
«Quand des députés sont critiqués, que des lettres ouvertes sont envoyées dans des journaux, c’est une façon de créer un engouement et de montrer que la question est importante. Actuellement, les députés sont stratégiques. Ils ne vont pas dans les médias, parce qu’il n’y a pas d’annonce. Ils sont mieux de se garder du crédit politique pour lorsqu’il y aura un développement dans le dossier de l’hôpital», termine Mireille Lalancette.
Nombre d’interventions des députés du Centre-du-Québec à l’Assemblée nationale (du 29 novembre 2022 au 10 janvier 2024)
Députés Circonscriptions Parti Élu Interventions
- André Bachand Richmond CAQ 2018 22
- André Lamontagne Johnson CAQ 2014 36
- Éric Lefebvre Arthabaska CAQ 2016 26
- Donald Martel Nicolet-Bécancour CAQ 2012 11
- Sébastien Schneeberger Drummond/Bois-Francs CAQ 2007 13
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