MAGAZINE. Caroline Auger s’est approprié la broderie, à sa manière. Elle crée des pièces uniques en brodant sur des vêtements revalorisés. Si la création occupe une place prépondérante dans sa vie, il lui est essentiel de vivre en cohérence avec les valeurs qui guident sa vie.
Native de Saint-Cyrille-de-Wendover, Caroline Auger a toujours aimé les arts visuels. Enfant, elle passait des après-midis à dessiner dans sa chambre. Il était donc naturel pour elle de s’inscrire au programme d’arts visuels de l’école Jeanne-Mance. Elle y apprend l’art numérique, la vidéo, la photo, la sculpture, la peinture, entre autres.
Elle commence ensuite une technique de design de présentation, donnée à Québec. Ce cours s’intéresse à la présentation visuelle de produits ou d’expositions. «J’ai fait 2 ans et puis j’ai arrêté. Ce qui est attendu c’est que ce soit fait le plus rapidement possible, et que ce soit le moins cher possible. Ça ne correspondait pas à mes valeurs. Mes cours préférés là-bas étaient ceux qui demandaient du temps, comme la réalisation de faux-finis».
Prochain arrêt : le programme d’arts visuels du Cégep de Drummondville. «J’y ai trippé ma vie !», s’exclame-t-elle. Claudine Brouillard, enseignante du programme et organisatrice du marché Central Pop, invite alors ses étudiants à y exposer. C’est là que Caroline Auger goûte à l’artisanat et a la piqûre. Le produit qu’elle y propose est l’atébas, une sorte de tresse entourée de fils colorés qu’on peut porter dans les cheveux. C’est ainsi qu’elle démarre sa petite entreprise sous le nom de C.A.tbas.
L’amour du textile et de la mode
La jeune femme de 26 ans est vivement intéressée par le textile. «Quand j’étais petite, je voulais devenir designer de mode. J’avais mon cahier avec des poupées pour lesquelles je dessinais des vêtements. Ma grand-mère et ma tante sont de grandes couturières, elles m’ont appris à coudre», raconte-t-elle. Cependant, travailler avec une machine n’est pas ce qu’elle préfère. «J’aime beaucoup toucher. Il y a le rapport avec la matière, tu as la texture du tissu, c’est toi qui tiens l’aguille… Pour être designer de mode, il faut tout coudre de A à Z, ça ne me convenait pas». Le travail des mains, pour elle, fait partie de l’étincelle. Elle aime faire main.
Désirant amener le textile dans ses créations au cégep, elle découvre la broderie, un art qu’elle juge très actuel. «Si l’on regarde la mode, les jeunes reprennent de vieux styles et se les réapproprient : je pense que c’est la même chose avec l’artisanat». À la fin du programme collégial, elle ajoute un deuxième produit à son offre : les bijoux en broderie. Pourtant, elle se rend compte que ce n’est pas le type de création qu’elle a envie de faire. «À la longue, c’est devenu un peu comme faire du travail à la chaîne, c’était assez répétitif. C’était trop restrictif, je ne pouvais pas assez explorer à mon goût». C’est là qu’elle commence à expérimenter avec la broderie sur textile.
Des valeurs écologiques importantes
Depuis toujours, Caroline Auger fréquente les friperies. Elle aime y dénicher des pièces uniques. Grâce à cela, elle a développé au fil du temps «un sens de la qualité».
Les valeurs écologiques de la jeune femme sont centrales à sa pratique. Durant ses années scolaires en art, elle se sent hérissée par le fait de créer de nouveaux déchets. Comment, alors, être plus alignée avec ses valeurs ?
«J’aime la famille, la nature, lire, marcher, cuisiner. Tout va tellement vite, le monde ne prend plus le temps. Tout ce qui est consommation rapide ne me rejoint pas. J’essaie d’avoir un style de vie plus zen. C’est très anxiogène d’être dans un mode de vie si rapide. Pour contrer ça, pour montrer qu’il y a d’autres façons de faire, d’acheter local, c’est possible, il faut juste prendre le temps», affirme-t-elle.
Créer du beau, mais créer de l’utile
Sa technique s’est développée, sa signature s’est affirmée. Ses pièces sont uniques en son genre. «Je fais des vêtements parce que c’est utile», dit-elle posément. Elle part à la chasse au trésor dans les friperies puis déniche des habits de qualité. Ensuite, elle crée son design. Le résultat ? Un morceau revalorisé, dans tous les sens du terme.
«Je regarde toujours ce que j’ai avant d’aller acheter des choses. Et si j’ai à acheter, je vais aller en friperie d’abord, puis si je ne trouve rien, en magasin».
Elle verrait n’importe qui porter ses créations, qui, pour elle, sont faites pour n’importe quelle circonstance. «Je crois que toutes les occasions sont bonnes pour bien s’habiller !». Elle incite les gens à oser se distinguer avec ses pièces.
Questionnée sur ses projets, elle explique n’être fermée à rien. «Je vais peut-être finir fermière, avec les mains dans la terre ! Je me laisse aller avec l’intuition», partage Mme Auger. «Quand tu as une vision très arrêtée de ce que tu veux pour le futur, tu ne vis pas le moment présent, tu ne profites pas de ce que tu es en train de faire. Ça fait en sorte que tu es plus fermé d’esprit. Il y a des chances que tu sois malheureux aussi, car tu es trop focussé sur une chose».
Et puis, il n’y a pas juste le travail dans la vie. «L’année passée, j’étais tellement concentrée sur ce que je faisais ! Le danger en étant travailleur autonome c’est de travailler 24 h sur 24. Un de mes proches est décédé, je ne l’avais pas vu beaucoup dans les dernières années». Ça a été un rappel que pour elle, prendre le temps de s’occuper des siens est primordial.
Prendre le temps est important également pour nourrir sa création, pour avoir un regard neuf. Et pour ne pas s’égarer.
«C’est bien de prendre son temps, car tu as le temps de t’écouter. C’est bon d’avoir un peu de recul», conclut-elle.
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