(Note de la rédaction) L’hôpital Sainte-Croix de Drummondville étouffe. De l’intérieur comme de l’extérieur. Dans une démarche inédite, L’Express a visité le 31 mai dernier plusieurs unités de service et rencontré les gens qui travaillent dans cette cour à miracles. Personne n’avait reçu la consigne de faire le ménage avant la visite du journal. Votre hôpital, construit en 1948, est présenté tel que vu. Pour les besoins de la cause, un secteur bien précis sera présenté chaque semaine, jusqu’au 1er juillet.
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10 juin : visite du 7e étage
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17 juin : visite de l’urgence
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24 juin : visite du bloc opératoire et de la radiologie
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1er juillet : visite de la pharmacie, du magasin et de la buanderie
SANTÉ. L’image est forte, mais l’hôpital Sainte-Croix craque de partout. Quand on y entre, le désir d’en sortir rapidement est instinctif. Le manque d’espace cause des réactions en chaîne : manque de lits, dignité entachée, perte d’efficacité, vétusté technique, augmentation des coûts et casse-têtes quotidiens. Pour le personnel en place, une seule option est possible : la construction d’un hôpital flambant neuf. Coût de cet idéal : 1 milliard de dollars.
Rénover ou construire? La question ne se pose plus : Drummondville a besoin d’un nouvel hôpital digne du 21e siècle.
Mais dans le contexte où plusieurs hôpitaux sont vieillissants en province, pourquoi le gouvernement du Québec prioriserait-il l’hôpital Sainte-Croix au détriment des autres établissements? Pourquoi y investirait-on de précieux fonds publics?
Ces interrogations, elles tournent en boucle dans la tête de Nathalie Boisvert, présidente-directrice générale adjointe du CIUSSS de la Mauricie et du Centre-du-Québec. Dans un horizon pas très lointain, elle devra convaincre le conseil des ministres d’inscrire le projet dans le Plan québécois des infrastructures du Québec, l’étape un pour la construction d’une infrastructure de cette ampleur, pour se permettre d’en rêver.
«Je me dois de préciser que la sécurité des soins n’est pas menacée malgré la situation. Cependant, ça devient difficile de prendre de l’expansion et de penser à intégrer de nouvelles technologies, parce qu’elles demandent toujours des mètres carrés supplémentaires, ce que nous n’avons pas. Si on agrandit le bâtiment actuel, il faudra aller en chercher à l’extérieur, mais on manque déjà de cases de stationnement», met en contexte Mme Boisvert.
Uniquement d’un point de vue technique, sans même régler les problèmes d’espace, un investissement de 8 M$ est requis. Et rapidement.
Le projet pilote de santé numérique, qui sera déployé en 2025 à Drummondville, nécessitera l’utilisation de plusieurs nouveaux postes informatiques. Or, le personnel est déjà à l’étroit et la capacité électrique du bâtiment a atteint sa limite.
«On a appris cette semaine que pour accueillir le dossier santé numérique, il faudra 15 % de plus de prises électriques, informe Mme Boisvert. Peut-être faudra-t-il favoriser les iPad ou des applications? Chaque changement technologie amène son lot de défis, dans le contexte qu’on vit.»
«Juste changer l’entrée électrique coûterait 10 M$», laisse tomber André Beaulieu, directeur des services techniques.
Un exemple parmi des dizaines : un seul ascenseur dessert la valse incessante des civières du bloc opératoire, de l’urgence et des soins intensifs et… il a plus de 70 ans. Les bris sont fréquents; l’usure ne peut plus être cachée.
Des millions sont déjà requis et la visite des étages n’a pas encore débuté.
Le cœur de l’hôpital étouffe
L’hôpital Sainte-Croix, composé de sept blocs distincts, occupe une superficie de 49 000 mètres carrés. Pour le nouvel établissement, on pense à long terme : il devra être érigé sur un terrain de 12 hectares, soit 120 000 mètres carrés. La Ville de Drummondville a d’ailleurs reçu récemment le mandat d’identifier un endroit stratégique.
«Actuellement, les blocs 1 et 2 constituent le cœur de nos opérations cliniques. C’est là où presque tous nos patients sont hospitalisés [approximativement 6660 personnes par année, pour une moyenne de séjour de six jours]. C’est la plus vieille partie et vu qu’elle est enclavée, rénover devient très difficile. En 2019, nous avions estimé la facture à 400 M$», précise Mme Boisvert, en ajoutant parallèlement qu’une étude a permis d’établir que si l’option rénovation était retenue, les travaux de rénovation dureraient 20 ans, étant donné la complexité de ceux-ci et, bien sûr, la vocation essentielle du bâtiment.
«Quand on a reçu l’étude de CIM Conseil, j’ai été saisie de l’ampleur des mètres carrés requis en surplus. Évidemment, nos équipes médicales réclament un nouvel établissement, mais on n’obtient pas ça comme ça. Il y a plusieurs étapes», insiste la gestionnaire.
Dans le jargon administratif, le futur hôpital est à l’étape de l’avant-projet depuis 2018. Si le projet suit son cours sans anicroche, il devrait accueillir ses premiers patients en 2036.
Depuis quelques mois déjà, des voix s’élèvent pour que le dossier passe en deuxième vitesse. Malgré cela, on est loin de la coupe aux lèvres.
«L’impatience, on l’a tous, mais construire un hôpital, c’est comme construire une ville. C’est du sur-mesure et c’est très complexe. Ce n’est pas la même chose qu’un stade de baseball avec des bancs, compare Mme Boisvert. Quand le dossier sera inscrit au Plan québécois des infrastructures, on aura droit à des enveloppes. Ça aidera. Les projets majeurs ont beaucoup d’étapes à franchir. Actuellement, on essaie de se préparer du mieux qu’on peut. Une chargée de projet, l’architecte Hélène Sauvageau, entrera bientôt en poste. Juste pour vous donner une idée, il y a 5 ou 6 ans de travail à faire pour la partie des plans et devis. C’est extrêmement long.»
En attendant, pour maintenir l’hôpital Sainte-Croix sous respirateur durant les 15 prochaines années, au moins 100 M$ devront être investis. En guise d’exemples, le 7e étage et la pharmacie seront réaménagés d’ici les cinq prochaines années.
Rien ne va plus
Durant près de trois heures, L’Express a visité les blocs de l’hôpital en constatant la multitude de problèmes. Ils compliquent la vie des travailleurs et assombrissent l’humeur des patients. Du sous-sol au dernier étage, rien ne va plus.
Selon Mme Boisvert, les chambres multiples figurent parmi les problèmes majeurs de Sainte-Croix. À ce jour, il y a 17 chambres doubles, 5 chambres triples et 12 chambres quadruples.
«C’est beaucoup. Quand on fait le total, c’est près de 50 % de nos patients qui sont en chambres multiples. Les toilettes sont partagées, ce qui pose problème lorsqu’il y a des éclosions comme le C. difficile», dit-elle.
À l’urgence, le manque d’espace est criant. Le personnel dispose de peu d’espace de travail alors que les patients sont entassés dans les corridors, rideaux beiges pour assurer leur intimité.
Un peu plus loin, la pharmacie choque en raison de son plafond trop bas. Encore là, le manque d’espace nuit. Entre autres, les professionnels ne peuvent pas acquérir une ensacheuse qui diminuerait le temps homme.
Au sous-sol, les employés de la buanderie sont en quête de mètres carrés pour optimiser leurs différentes tâches. Idem pour ceux qui œuvrent au quai de chargement (trop étroit) et qui doivent trop souvent éponger de l’eau provenant de la cuisine… située à l’étage au-dessus.
«À la base, un hôpital, ça vient avec des défis au quotidien. Disons que lorsqu’on manque d’espace comme ici, la vie de nos 1000 travailleurs devient plus difficile. Il y a des enjeux chaque jour», termine la PDGA, qui a accompagné le journal durant sa visite.
Actuellement au Québec, soulignons que deux grands projets de construction d’hôpitaux sont en cours : le centre hospitalier de Vaudreuil-Soulanges et l’hôpital Maisonneuve-Rosemont.
- L’hôpital et ses blocs
- Blocs 1 et 2 : le cœur des opérations. Compte 191 lits, dont 25 en psychiatrie
- Bloc 3 : urgence et soins spécialisés
- Bloc 4 : école des infirmières
- Bloc 5 : chaufferie
- Blocs 6 et 7 : Centre famille-enfants*
- *(Construit en 2018, il répond actuellement aux besoins. Les bâtiments pourraient recevoir deux étages supplémentaires)
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