Vivre avec un trouble du spectre de l’autisme… et s’épanouir

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Par Claude-Hélène Desrosiers
Vivre avec un trouble du spectre de l’autisme… et s’épanouir
Rose et ses parents, Nathalie et Martin. (Photo : Ghyslain Bergeron)

(NDLR) Avril est le mois de l’autisme au Québec. Vivre avec un trouble du spectre de l’autisme (TSA) n’est pas chose facile dans notre société qui n’est pas toujours adaptée pour tous. Pourtant, les personnes autistes peuvent tout autant contribuer à une communauté meilleure. Pour cela, il faut pouvoir faire de la différence une richesse.

 

AUTISME. Louis a 16 ans, Rose a 4 ans. L’un navigue dans l’adolescence, l’autre débutera l’école l’an prochain. Tous deux vivent avec un TSA et leurs familles doivent leur frayer un chemin pour qu’ils puissent s’épanouir.

Roxanne a 6 enfants. Son fils Louis (nom fictif) a 16 ans. Dès sa naissance, sa mère savait que quelque chose clochait. C’était un bébé qui ne pleurait pas, ne réagissait pas, ne buvait pas. «Petit bébé, quand il y avait un bruit comme la sonnerie du téléphone, il sursautait comme s’il y avait un tremblement de terre! Mais à l’inverse, il restait des heures sans pleurer, il ne demandait jamais à boire. Je rentrais dans sa chambre le matin et il regardait le plafond», dit-elle.

La petite Rose, qui aura bientôt 5 ans, était exactement à l’opposé. «Quand Rose est née, je n’ai jamais été capable de la mettre dans le petit lit pour bébé à l’hôpital. Elle pleurait tout le temps, sauf quand je l’allaitais», explique sa mère Nathalie. Celle-ci se disait que ça passerait… mais ça ne passait pas. Elle pleurait, peu importe les tentatives de ses parents : portage, tours de voiture, promenade en poussette… C’était pourtant un bébé en bonne santé. «Tout était compliqué. Elle se réveillait dans la nuit des heures. On ne pouvait plus rien faire, on ne sortait plus. On allait prendre une petite marche et l’on revenait en courant à la maison parce qu’elle hurlait». C’est comme si, pour Rose, tout était agressant.

Profitant d’une halte-garderie d’un centre communautaire, Nathalie s’inscrit à un cours de tricot. Elle y rencontre une femme qui lui parle de sa fille de 25 ans qui vient de recevoir un diagnostic d’autisme. «Je ne me sentais pas du tout concernée», dit-elle en riant. En lui parlant de Rose, elle se fait pourtant conseiller de consulter. C’est ce qu’ils ont fait, pour se faire confirmer qu’effectivement, Rose a un TSA. Tout comme son papa, Martin, Asperger. Et tout comme le fils adulte de Martin. «Honnêtement, si je n’avais pas été mise sur la piste au cours de tricot, je crois que je penserais que Rose a un trouble de l’opposition, de l’hyperactivité…», partage Nathalie, tout en spécifiant que l’autisme n’est pas tellement connu. Il faut dire que les formes d’autisme varient énormément d’une personne à l’autre.

 

Le parcours

La mère de Louis a dû être proactive tout au long du parcours de son fils qui s’est révélé particulièrement houleux. «J’ai essayé de l’inscrire dans une prématernelle. Après deux heures, l’enseignante m’a téléphoné pour me dire qu’elle n’avait pas les compétences nécessaires pour s’occuper de lui. Ça faisait 3 ans que je me faisais dire par les spécialistes que c’était dans ma tête, alors quand elle m’a dit ça, c’est venu confirmer mon intuition. Elle m’a recommandé des professionnels au privé qui m’ont aidée», affirme Roxanne. Elle raconte à quel point chaque étape était difficile. «C’est comme ça avec Louis, on dirait qu’il faut aller au bout, qu’il faut toujours se battre pour avoir des services ».

Rose et ses parents, Nathalie et Martin. (Photo : Ghyslain Bergeron)

La mère de Rose, Nathalie, explique qu’il n’est pas facile de savoir où trouver de l’aide. Cela demande d’être débrouillard et d’avoir certaines ressources. Affronter le jugement des autres n’est pas toujours évident. «En public, on va dans des endroits où il n’y a pas trop de bruit. On ne va pas dans tous les restaurants. S’il y a trop de bruit, elle peut se retrouver sous la table, les mains sur les oreilles à crier.» Son père, Martin, explique que tout est toujours à l’extrême avec Rose. Ses joies, ses peines, ses câlins : elle vit intensément.

À la maternelle pour élèves handicapés et des élèves en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage (EHDAA), on juge Louis «trop bon» et il est envoyé au régulier. Roxanne se demandait comment il ferait, mais elle se fait dire « qu’elle ne lui donne pas la chance de réussir ». C’est ainsi que Louis a passé 2 ans au régulier… caché en arrière de la toilette ou en arrière d’un paravent. «Tous les mois, j’étais à l’école pour un nouveau plan d’intervention. Il a été sorti 3 fois par les pompiers parce qu’il se cachait un peu partout…». La neuropsychologue qui suivait Louis a fait des pressions pour qu’il quitte le régulier parce qu’il ne faisait aucun apprentissage, mais régressait.

Les diagnostics se sont succédé pour lui : à ce jour, il a 12 diagnostics, dont l’autisme et le syndrome Gilles de la Tourette.

«À l’école primaire, à un certain point, il a eu le même professeur pendant 2 ans et cette stabilité-là a été bénéfique. La 1re année a servi juste à le garder en classe. Ensuite il a pu apprendre à lire». En 6e année, c’est difficile à nouveau : selon Roxanne, son enseignante avait peur de lui. «Il passait son temps à être exclu. L’enseignante ne voulait pas qu’il soit sur la photo parce qu’elle craignait qu’il fasse une crise. Mais là, ça fait quand même 6 ans qu’il est à cette école-là», exprime-t-elle.

Martin et Nathalie sont angoissés par le début de la scolarité de Rose. En ce moment, elle suit des cours de natation. «Ce n’est pas qu’elle ne réussit pas, mais durant le cours, elle peut se ramasser dans le milieu de la piscine. Elle fait les choses à sa façon» précise Nathalie. Les contacts sociaux ne se font pas facilement non plus. «C’est sa manière de rentrer en contact, elle rentre dans la bulle des autres, mais il ne faut pas que les autres entrent dans sa bulle!», rétorque Martin.

 

Enfin, des succès

L’arrivée de Louis à Marie-Rivier amène enfin des succès. Depuis 3 ans, il est dans une classe avec des jeunes qui, comme lui, connaissent des défis importants. La stabilité de l’équipe a vraiment eu un gros impact. «La relation d’attachement, le lien qu’il développe, c’est déterminant. La constance de l’équipe le rend disponible pour travailler», fait valoir Roxanne. Cette dernière décrit son fils comme un adolescent drôle, persévérant, et avec une imagination débordante. Il aime construire et a des projets de type manuels.

Rose aussi a ses forces. «C’est une enfant qui a un excellent sens de l’observation, qui est énergique. Elle est très curieuse. Quand elle aime quelque chose, elle s’intéresse à fond et veut tout savoir. Elle est gentille et aime prendre soin des autres. Elle sait ce qu’elle veut et ne veut pas! Elle est capable d’introspection, une fois la tempête passée…» la décrit sa maman.

En fin de compte, celle-ci remercie la vie de leur avoir donné une enfant comme ça, parce que Rose la fait grandir. «J’espère qu’elle fréquentera un milieu où elle sera comprise, où elle aura des services. Je lui souhaite aussi d’apprendre à se connaître et à s’accepter», conclut-elle.

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