TÉMOIGNAGE. Un jour à la fois. C’est ce que se répète Ann-Sophie Roux depuis son entrée à l’hôpital Royal Victoria du Centre universitaire de santé McGill (CUSM) à Montréal. Du haut de ses 17 ans, elle s’accroche à la vie, alors qu’elle est en attente d’une greffe cardiaque.
Depuis trois mois, Ann-Sophie a un nouveau chez-soi. Tous les matins, elle se réveille dans une chambre située aux soins intensifs. L’endroit s’est métamorphosé depuis son arrivée. Des cartes de toutes les formes et de toutes les couleurs ont été accrochées sur le mur principal. Ses camarades de classe, ses amis et les membres de sa famille lui ont écrit des mots d’encouragements.
Plusieurs photos ont été insérées à travers la mosaïque. Sa mère, son père et ses deux frères. Ce sont les piliers d’Ann-Sophie. À chaque coup d’œil, son regard s’illumine. «Ça me fait du bien de voir ça. Je me sens moins seule», souffle-t-elle, avec un sourire en coin.
Le quotidien de la Germainoise a changé depuis un certain temps. Ann-Sophie était une adolescente pétillante, passionnée par les arts visuels. Elle avait un emploi à temps partiel à l’épicerie de la municipalité. Elle filait le parfait bonheur. Cet automne, celle qui étudiait à l’école secondaire Jeanne-Mance a eu un malaise pendant son cours d’éducation physique, alors qu’elle faisait de la course à pied. «J’étais essoufflée. J’ai tombé», se remémore-t-elle.
Sa mère Annie Vigneault est venue la chercher. «Elle vomissait sans arrêt. Ce n’était pas normal. Elle disait que son cœur battait vite. J’ai réussi à avoir un rendez-vous chez son médecin de famille à Saint-Léonard-d’Aston. Elle pensait qu’elle était déshydratée. Elle l’a envoyée se faire hydrater à l’hôpital. Le lendemain, ses battements étaient encore très hauts. On est allé à l’hôpital Sainte-Croix de Drummondville.»
Après une série de tests, Ann-Sophie a appris qu’il y avait bel et bien quelque chose qui clochait avec son cœur. Elle a fait son entrée à l’Hôpital de Montréal pour enfants (HME) au mois de novembre. Quelques jours plus tard, l’adolescente a été transférée vers l’hôpital pour adultes Royal Victoria, devant la hausse du nombre d’enfants gravement malades en raison de la circulation de virus respiratoires. Depuis, elle est entourée d’une équipe de professionnels qualifiés, provenant des deux établissements.
Diagnostic
Durant la période des Fêtes, Ann-Sophie a connu son diagnostic par des tests génétiques. Elle souffre d’une cardiomyopathie dilatée, une maladie qui affecte la capacité du muscle cardiaque à pomper suffisamment de sang pour irriguer correctement l’organisme.
La nouvelle crée une onde de choc auprès de la famille. «Enfin, on pouvait mettre des mots sur ce qu’elle avait. En même temps, j’ai eu une pensée pour mes fils. On ne sait pas encore si c’est un cas isolé ou si c’est un gène que le père et la mère ont. On est en attente de savoir si on est porteur. Si c’est le cas, nos fils ont une possibilité de l’avoir et de le transmettre à leurs enfants», explique Annie Vigneault.
Puisque le cœur d’Ann-Sophie fonctionne à 50 % de sa capacité, la jeune adulte a subi une intervention chirurgicale visant à introduire un dispositif d’assistance ventriculaire, c’est-à-dire une pompe cardiaque artificielle. En outre, l’adolescente a été victime d’un premier accident vasculaire cérébral (AVC). Quelque temps après, elle a été touchée par un deuxième. Ces événements ont laissé des séquelles, dont la paralysie de la moitié du corps, des troubles de vision et de langage.
Courage et détermination
Pour le personnel hospitalier, il n’y a aucun doute, Ann-Sophie a l’esprit d’une battante. La patiente a une détermination à toute épreuve, en affrontant les obstacles qui se posent sur sa route. Christine Kim, infirmière aux soins intensifs à l’hôpital Royal Victoria, en a été témoin : «Quand elle a eu son AVC, il y a un moment où on s’inquiétait vraiment pour elle. On se demandait si elle allait survivre. Elle était inconsciente. Tout à coup, on a eu l’impression qu’elle s’accrochait à la vie. Son corps s’est battu pour elle. On l’a vu se réveiller. Elle bougeait. Chaque jour, on voyait qu’elle progressait. Elle a eu beaucoup de courage.»
Depuis le début du mois de janvier, Ann-Sophie est sur la liste d’attente pour une greffe cardiaque. «Elle est prioritaire à travers le Canada. On ne sait pas combien de temps ça peut prendre. Le groupe sanguin doit être respecté. Ann-Sophie est de petite stature. Ça lui prend un petit cœur. Aussi, il y a l’âge à prendre en considération», indique Annie Vigneault.
L’adolescente désirait partager son histoire afin de sensibiliser la population au don d’organes et de tissus. «Une signature peut changer la vie de quelqu’un», soutient sa mère.
Garder le moral
Malgré l’attente interminable, Ann-Sophie garde le moral. Elle se concentre sur les éléments positifs de sa journée, comme les moments qu’elle partage avec son enseignante qui l’aide à compléter son cinquième secondaire ou les progrès qu’elle réalise lors de ses séances de physiothérapie. La méditation est aussi une nouvelle habitude qu’elle a insérée à sa routine.
Dans tous les cas, Ann-Sophie sait qu’elle peut compter sur l’appui de ses parents, qui l’accompagnent à travers cette épreuve. Lorsque l’un d’entre eux est de passage à l’hôpital, ils peuvent dormir dans une chambre attenante, spécialement aménagée pour eux.
L’adolescente pense déjà à l’avenir avec son nouveau cœur. Elle a des projets à la tonne. Grâce à la fondation Rêve d’enfants, la jeune adulte pourra passer un week-end au Château Frontenac à Québec.
Ann-Sophie sait déjà le métier qu’elle veut exercer. Plus tard, ce sera à son tour de redonner au suivant, en enseignant aux enfants dans les hôpitaux.
Statistiques en rafale
D’après Transplant Québec, la moyenne d’âge des donneurs d’organes au Québec en 2022 est de 50 ans.
Dans la région de la Mauricie-Centre-du-Québec, il y a eu 50 organes transplantés provenant de 13 donneurs en 2022. De plus, 43 personnes étaient en attente d’un don d’organes, soit trois pour le cœur, six pour le foie, 31 pour le rein et trois pour d’autres organes.