FRAUDE. L’entreprise de transport de marchandises drummondvilloise Groupe TYT poursuit la Caisse Desjardins de Drummondville et la Fédération des Caisses Desjardins en lien avec une fraude dont elle a été victime en 2020.
Le Groupe TYT a été ciblé par «la fraude du président» comme l’a d’abord rapporté Radio-Canada jeudi. Ce stratagème est utilisé par des groupes criminels organisés qui, au moyen de techniques sophistiquées, réussissent à se faire passer pour le président d’une entreprise pour en extorquer d’importantes sommes d’argent.
«C’est un groupe criminel mondial qui a réussi à refaire notre structure organisationnelle. Ils sont entrés en contact avec une employée qui a l’autorité de faire des transactions dans nos comptes bancaires. Ils se sont fait passer pour le président, moi en l’occurrence, avec une adresse courriel pratiquement identique. Dans ce courriel, ils disaient que le président travaille sur un important dossier très confidentiel et qu’aucune information ne doit être divulguée au risque de faire avorter le contrat. Ces gens sont venus isoler l’employée pour être certains qu’elle n’en parle à personne», a raconté Patrick Turcotte, président du Groupe TYT, joint au téléphone.
Les criminels avaient réussi à obtenir certains renseignements qui augmentaient leur crédibilité auprès de leur victime. Ils ont, entre autres, mentionné, dans les messages envoyés, le nom du bureau d’avocat avec lequel fait affaire le Groupe TYT. Un faux appel avec ce cabinet, lors duquel la procédure à suivre pour les virements a été expliquée, a même eu lieu.
Ce sont finalement cinq transactions d’environ 500 000 $ chacune qui ont été effectuées vers la Chine pour un total de près de 2,5 millions de dollars canadiens. L’entreprise drummondvilloise s’est retrouvée à court de liquidité au terme de cet événement.
Manque de validations
Le Groupe TYT reproche à Desjardins de ne pas avoir fait de validations supplémentaires auprès des dirigeants de l’entreprise lorsque ces transactions inhabituelles ont été réalisées. Ainsi, un montant de 1,5 million de dollars est réclamé dans la poursuite.
«Nous confiions à Desjardins toutes nos sommes, tous nos retraits, tous nos dépôts et l’entièreté de nos comptes bancaires. Ils avaient notre confiance naturellement. Ils n’ont donc pas fait de validations suffisamment justes et ne les ont pas approfondies. C’est ce qui fait en sorte que ces cinq transferts ont été autorisés. Ça s’est passé en juin 2020, en pleine pandémie et en télétravail. Pourtant, les banques savaient que les entreprises étaient particulièrement vulnérables aux fraudes à ce moment», a déploré le président de l’entreprise qui a changé d’institution financière depuis.
L’entreprise a appris qu’elle avait été victime d’une fraude lorsque l’institution financière a contacté les dirigeants, cinq jours plus tard, pour comprendre pourquoi il n’y avait plus d’argent dans leur compte.
À ce moment, des démarches ont été entreprises afin de récupérer la totalité, ou encore une partie des sommes volées. S’attendant à recevoir une aide de la part de Desjardins, Patrick Turcotte affirme que son entreprise a dû faire l’ensemble des démarches seule.
«Nous avons contacté le président et chef de la direction de la Banque Nationale, Louis Vachon, grâce à un contact commun. Il nous a orientés vers le cabinet d’avocats Dentons», a indiqué M. Turcotte.
Le directeur général du Groupe TYT a travaillé durant une semaine entière le soir et la nuit pour récupérer le plus d’argent possible.
«Grâce à tous les efforts, nous avons réussi à retracer deux des cinq transactions, soit un peu moins d’un million de dollars. Nous avons récupéré cette somme le vendredi. Pendant ce temps, ça a mis l’entreprise dans une position extrêmement précaire et fragile», a raconté M. Turcotte.
Ce dernier affirme que le rapatriement de ce montant a assuré la pérennité de l’entreprise. «Si nous n’avions pas réussi, je ne sais pas ce qui serait arrivé de nous. Je n’ose même pas y penser», a-t-il soufflé.
Deux ans après cette crise, le Groupe TYT a, heureusement, pu retrouver sa santé financière. Cependant, il a fallu retarder d’environ un an les projets qui étaient sur la table au moment de la fraude.
«Si cette situation devait arriver à une entreprise qui est déjà en difficulté, je ne crois pas qu’elle survivrait», s’est désolé Patrick Turcotte.
Au moment de publier, le Groupe TYT était en attente de la date de comparution devant un juge de la Cour supérieure du Québec.