MAGAZINE. Estelle St-Pierre s’est initiée à la poterie à l’adolescence. Cinquante ans plus tard, elle est toujours aussi passionnée. Chaque jour, elle se rend à son atelier pour créer, produire ou enseigner.
Pendant sa jeunesse, Estelle St-Pierre a vécu sur la ferme familiale à Wickham. «La terre a toujours été vitale pour moi. Ça représentait la nourriture et les récoltes», souligne-t-elle, d’entrée de jeu.
À l’âge de 17 ans, un nouveau monde s’est ouvert à elle. L’adolescente a découvert la poterie. «Le contact avec l’argile a été une révélation. Après avoir commencé, je ne pouvais plus m’en passer», soutient celle qui a repris le flambeau de la ferme et qui s’en est chargée pendant 23 ans.
Les années ont passé et le choix professionnel d’Estelle St-Pierre s’est précisé. Même si elle s’est dirigée vers l’enseignement du dessin industriel, la poterie a toujours fait partie de sa vie. La céramiste a continué à suivre des formations pour améliorer sa pratique, tout en réalisant des pièces dans son atelier personnel.
Après une trentaine d’années dans le domaine, cette dernière a pris sa retraite. Un nouveau projet l’attendait, celui d’ouvrir un atelier de céramique au centre-ville de Drummondville.
L’artiste a profité de l’occasion pour apprendre des techniques différentes, en se familiarisant avec plusieurs types d’argile. Elle était fascinée par les céramiques japonaises. «Les Japonais ont des millénaires de pratique. Ils ont développé des techniques précises, comme un tournage à chaud qui produit des textures. J’aime aussi le mélange des couleurs, comme le bleu cobalt et les couleurs de la terre.»
La Drummondvilloise favorise la production artisanale. «C’est ma façon de perpétuer la tradition. Je pourrais faire mes pièces avec des moules, mais je préfère travailler à la main», mentionne celle qui partage aujourd’hui ses connaissances via des formations.
Un produit unique
Récemment, Estelle St-Pierre a déménagé son atelier à l’incubateur industriel de Drummondville. Grâce à cette opportunité, elle a pu se dédier à un projet unique en son genre.
En deux ans, l’entrepreneure a produit plus de 500 jarres d’irrigation. «Ailleurs, elles étaient très populaires, mais il n’y en avait pas au Québec. Ma clientèle en réclamait. J’ai sauté sur l’occasion.»
D’après Estelle St-Pierre, les jarres d’irrigation existent depuis 4000 ans. Aujourd’hui, plusieurs pays européens utilisent ces récipients de terre cuite pour la culture maraîchère et pour les potagers.
Le fonctionnement est simple. La jarre doit être insérée dans la terre et l’usager y verse la quantité d’eau désirée. Les racines de la plante vont s’enrouler autour du contenant pour se nourrir. «Ce système écologique permet de sauver 70 % d’eau. Avec les jarres, il n’y a plus d’arrosage de surface, ce qui évite d’employer le boyau d’arrosage. Aussi, les maladies fongiques sont éliminées parce que le feuillage n’est pas arrosé», explique-t-elle.
Estelle St-Pierre a mené plusieurs bancs d’essai pour mettre au point les Stellas. Le tout s’est avéré concluant. «Les deux premiers bancs d’essai ont eu leur raison d’être parce qu’on a eu à Drummondville des interdictions d’arrosage à cause des canicules. Les Stellas représentent une belle alternative.»
Des jarres versatiles
Les jarres d’irrigation peuvent être utilisées pour des jardins ou des potagers extérieurs. «Il y a aussi les potagers de balcon. Ça permet de rendre accessible le jardinage, car ça ne nécessite aucune connaissance horticole à propos de l’arrosage. Par exemple, j’ai mis du basilic, du persil et des tomates cerises», énumère-t-elle.
Estelle St-Pierre souhaite que son produit voyage à travers toutes les régions du Québec. «Cette année, six Stellas ont été envoyés au Nunavik pour un quatrième banc d’essai, indique-t-elle. C’est pour un jardin de plantes intérieures à la lumière artificielle.»
À travers tout ça, la céramiste se garde aussi du temps pour confectionner des pièces originales. L’artiste sort des collections ponctuelles, comme c’est le cas au printemps. Puis, l’automne prochain, elle prévoit ouvrir les portes de son atelier pour exposer son travail.
«Je n’aurais jamais imaginé avoir un projet de retraite aussi stimulant. J’ai la chance de défendre des causes qui me tiennent à cœur, comme l’économie d’eau avec les Stellas. Avec mes collections, j’exploite plutôt ma fibre artistique. C’est le meilleur des deux mondes», termine-t-elle, le sourire aux lèvres.