SANTÉ. Depuis quelques années, le Centre-du-Québec demeure la région sociosanitaire québécoise où on a le plus recours aux électrochocs pour traiter des problèmes psychiatriques.
Des statistiques comptabilisées par la Régie de l’assurance-maladie du Québec démontrent que deux établissements de la région, l’hôpital Sainte-Croix de Drummondville et l’Hôtel-Dieu d’Arthabaska à Victoriaville, ont réalisé 1551 séances d’électrochocs en 2019. Ceci représente 6,5 électrochocs par 1000 habitants, un ratio presque six fois plus élevé que la moyenne québécoise. De façon générale, le recours à cette technique est à la hausse depuis 2011.
Selon le comité Pare-Chocs, qui regroupe depuis quelques années des militants luttant pour l’abolition des électrochocs au Québec, le recours à cette technique s’expliquerait davantage en fonction des croyances de certains médecins que de l’état de santé des patients.
«Depuis plusieurs années, on surnomme le Centre-du-Québec le royaume des électrochocs, rappelle le porte-parole du comité, Ghislain Goulet. En général, ce traitement est administré dans des cas de dépressions majeures, mais je ne pense pas que les gens de Drummondville sont plus dépressifs qu’ailleurs au Québec. Le lien, c’est que les psychiatres de cette région ont une préférence pour cette technique-là. Leur profil de soins est bien différent de ce qu’on retrouve dans toutes les autres régions du Québec.»
Qualifiant l’utilisation des électrochocs de «technique du passé qui remonte aux années 1950», le porte-parole déplore que ce traitement ne fasse actuellement l’objet d’aucune surveillance au Québec. «Ce laisser-aller laisse entrevoir des dérives inquiétantes, d’autant plus que la plupart des électrochocs sont administrés à des populations vulnérables, notamment à des femmes âgées de 80 ans et plus. Il faut protéger ces gens», soulève Ghislain Goulet.
Selon le comité Pare-Chocs, les électrochocs peuvent causer des dommages irréversibles, incluant des problèmes de mémoire et des troubles cognitifs. «Il y a même une compagnie fabriquant des électrochocs aux États-Unis qui avertit que cette technique peut causer des lésions permanentes au cerveau. Ce n’est pas anodin, soutient le porte-parole, en soulignant que peu de chercheurs se sont penchés sur la question. Ces études portent surtout sur les effets à court terme, mais actuellement, il n’y a pas de recherches sur les effets à moyen ou long terme.»
Appuyé par plusieurs organismes du Québec, le comité Pare-Chocs a lancé une campagne de sensibilisation, déposé une pétition à l’Assemblée nationale et organisé des rassemblements d’opposition aux électrochocs au fil des ans.
«En attendant l’abolition des électrochocs, qui ne se fera peut-être pas du jour au lendemain, on souhaite qu’il y ait des normes qui s’appliquent dans l’utilisation de cette technique-là. Ça éviterait des disparités comme celles qu’on observe au Centre-du-Québec. On voudrait aussi que le ministère de la Santé fasse un suivi sur les gens qui reçoivent des électrochocs. Vont-ils mieux ou leur santé mentale se détériore? On n’a pas de données là-dessus», insiste Ghislain Goulet.
Efficaces et sécuritaires
Du côté de l’hôpital Sainte-Croix, la psychiatre Marie-Claude Parent convient que les électrochocs ont longtemps été controversés et contestés, mais assure que ce traitement, qui se nomme aujourd’hui électroconvulsivothérapie (ECT), n’a plus rien à voir avec celui qui était administré dans le passé à certains patients.
La cheffe de département de psychiatrie du Centre intégré universitaire de santé et des services sociaux de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec (CIUSSS MCQ) précise que cette méthode est utilisée pour traiter les cas de dépression majeure qui résistent aux traitements pharmacologiques habituels et pour d’autres conditions médicales et psychiatriques particulières.
«De nos jours, l’administration d’une ECT, aussi appelée sismothérapie, est réalisée sous anesthésie générale, dans des conditions contrôlées et pour des régions spécifiques du cerveau. Il s’agit d’un traitement qui a fait ses preuves, qui est indolore et sécuritaire. Le traitement peut être efficace dans bien des cas», explique Marie-Claude Parent.
La spécialiste soutient que le traitement de la dépression majeure par les électrochocs a d’ailleurs une efficacité supérieure aux antidépresseurs et donne des résultats plus rapidement. Elle ajoute que la décision d’employer ce traitement se prend dans le cadre d’une évaluation rigoureuse, en respect avec le choix du patient ou de son représentant.
«L’information complète donnée au patient lui permet de faire un vrai choix éclairé et de se sentir légitimé de le faire pour se guérir. Le meilleur choix de traitement dépend de différents facteurs et nous sommes vigilants sur l’utilisation de cette technique», note docteure Parent.
Par ailleurs, la majorité des psychiatres du Centre-du-Québec suivent des formations au sein du Centre d’excellence en ECT du Québec. Le rôle de cet organisme est de s’assurer que les traitements sont donnés de la meilleure façon qu’il soit et d’augmenter les connaissances sur les électrochocs.
«Nous pouvons compter en Mauricie et au Centre-du-Québec sur une équipe psychiatrique complète possédant l’expertise nécessaire, ce qui explique en partie la possibilité de traiter un aussi grand nombre d’usagers par cette intervention», conclut Marie-Claude Parent.