MAGAZINE. Le visage des villes et villages évolue au gré du temps par une succession de projets domiciliaires, commerciaux, industriels et d’infrastructures récréatives et institutionnelles. Derrière ces réalisations se cachent des architectes et leur équipe dont le travail colossal se fait dans l’ombre.
Robert Pelletier exerce ce métier fort stimulant depuis 28 ans. Il a fondé en 2000, avec son partenaire d’affaires Jean Demers, la firme drummondvilloise Demers Pelletier architectes, aujourd’hui Un à Un architectes. Du Centre famille-enfant (CFE), à UV Assurance et du CFER des Chênes en passant par des postes de police et casernes de pompier puis par de multiples résidences, Robert Pelletier cumule les projets variés et c’est ce qui le motive chaque jour.
«C’est un métier où on ne cesse jamais d’apprendre, comme probablement pour la majorité des métiers, mais à titre d’exemple, j’ai dû apprendre comment fonctionne un poste de police. Si je n’avais pas pris connaissance de toute la logistique à l’intérieur, je n’aurais pas pu faire des espaces adéquats, fonctionnels et qui répondent à l’ensemble des critères de sécurité», souligne-t-il.
Précisément, un architecte planifie, conçoit, élabore et réalise des plans et devis pour la construction, la rénovation ou le réaménagement de bâtiments résidentiels, commerciaux, institutionnels ou industriels. Selon M. Pelletier, afin de bien mener son travail, l’écoute des besoins et idées du client est primordial.
«Ça, je l’ai compris à mes débuts, lorsque j’ai fait mon premier stage. J’ai travaillé un an et demi à Ulverton, pour Michel Leblanc, un architecte qui a fait un paquet de stations de métro, le pavillon du Québec à l’Expo 67, des hôpitaux dans le Moyen-Orient et l’aérogare de Mirabel, entre autres. Au-delà des connaissances techniques que j’ai apprises, il m’a transmis des façons de travailler avec les clients, dont l’écoute. On a beau faire l’œuvre de l’architecte, mais si le client n’a pas ce qu’il voulait et imaginait, ton travail n’est pas réussi», explique-t-il.
À partir des besoins, M. Pelletier propose des idées et des solutions en s’engageant à respecter les différentes normes imposées notamment par le Code de construction, la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) ainsi que par la municipalité où est situé le projet.
«Si on est dans l’agroalimentaire, par exemple, il y a des règles spécifiques à respecter qui ne sont pas du tout pareils pour un bâtiment d’entreposage. Pour un restaurant, il faut concevoir une cuisine facile d’entretien, mais pas avec n’importe quelle céramique, car certaines sont trop absorbantes, trop glissantes», précise-t-il.
«Pour les maisons, les gens ont tendance à nous dire ce qu’ils souhaitent, mais nous ce qu’on veut savoir, ce sont leurs habitudes de vie. Ça ne donnera pas la même maison pour une famille qui aime recevoir régulièrement des dizaines de personnes comparativement à un couple bien tranquille. Il faut tenir compte de ça aussi», ajoute le Drummondvillois.
Sécuritaire, durable et esthétique constituent les trois principaux critères à respecter pour tout type de projet.
«La sécurité des occupants dans un bâtiment, c’est dans notre quotidien. Avec les années, on développe une technique d’analyse afin de déterminer tous les éléments qui seront nécessaires afin d’assurer cet aspect. D’abord, quand on reçoit un projet, on vérifie quel est l’usage (exemple : hôpital). Cela déterminera le niveau de risque. Les édifices moins risqués, ce sont les bureaux parce que normalement on n’y dort pas, il n’y a pas de produits chimiques, les gens peuvent facilement évacuer d’eux-mêmes, puis, des classeurs pleins de papiers, ça ne brûle pas! Par contre, si je suis sur le projet d’un hôpital, la réglementation prévoit qu’on doit avoir une période suffisante pour réussir à évacuer les patients et déplacer les gens qui seraient sur la table d’opération. D’ailleurs, dans les hôpitaux, il y a des espaces qui sont séparés et isolés du reste de l’hôpital, tant en ventilation que physiquement par le feu. C’est le cas pour les blocs opératoires. Lorsque j’ai travaillé sur le CFE, tout a été pensé en fonction que s’il se déclare un feu pendant qu’une maman accouche, on soit capable de continuer le travail d’une quelconque façon que ce soit», détaille l’architecte.
«L’architecture est la plus technique des arts et l’art le plus technique. Il faut savoir allier les deux parce que si on fait de l’architecture juste du point de vue technique, tout va être laid et pareil et si on fait juste quelque chose de beau, mais que le toit coule, on va avoir manqué notre coup! Il faut saut savoir comment intégrer la technique à la création», soutient-il.
L’expérience
Nombreuses sont les étapes entre l’idée initiale, les premiers coups de crayon (ou de souris!) et le projet final. Outre la consultation et l’ensemble des étapes entourant les plans et devis, l’architecte procède également à l’évaluation des coûts des matériaux et des horaires de construction jusqu’à participer au processus d’appel d’offres, lorsque requis.
«Les gens sont toujours surpris de l’ensemble des choix qui sont faits par l’architecte. Une poignée de porte, ce n’est jamais un hasard, c’est un choix que l’on fait, et ce, jusqu’à la charnière. Dans les grands bâtiments, une équipe d’ingénierie se joint à l’architecte pour la structure, la mécanique, l’électricité, la ventilation. On coordonne avec elle, par exemple, le modèle de grille de ventilation, l’apparence extérieure ou intérieure du bâtiment, etc. On peut aller très, très loin dans les détails. On peut aider aussi un dirigeant d’entreprise dans sa recherche de terrain pour l’aiguiller sur la superficie idéale par rapport à ses besoins», indique l’entrepreneur.
En plus d’une bonne capacité d’écoute, l’architecte se doit d’être polyvalent, créatif et rigoureux. Il doit également avoir une certaine rapidité d’exécution pour respecter les délais de même qu’avoir une vivacité d’esprit pour être prêt aux imprévus tout en sachant bien gérer le stress.
«Il y a une chose qui ne manque pas chez les architectes, c’est la créativité. On a toujours une meilleure idée que celle qu’on vient de finir de faire. À une question qu’un client nous pose, il y a probablement 500 solutions. Les limites : le temps et le budget. Des fois, il faut se ralentir un peu!» lance-t-il.
«Pour le stress, moi je dis tout le temps qu’il ne faut pas faire de promesse que tu ne peux pas respecter. Comme ça, généralement, ça se passe bien. Et c’est certain qu’au fil du temps, avec l’expérience acquise, tu développes des méthodes de travail et tes connaissances s’élargissent. Tu ne peux pas sortir de l’université et tout connaître, surtout que les lois et tendances changent souvent. On doit constamment se mettre à jour», poursuit celui qui s’intéresse au patrimoine. Il a d’ailleurs longtemps siégé au conseil d’administration de l’église anglicane St. George. Actuellement, il agit bénévolement à titre d’expert-conseil.
«C’est une passion, c’est pour ça que je m’implique autant et aussi, je ne voudrais pas que ce bâtiment change de vocation, je veux le transmettre aux générations futures», insiste M. Pelletier.
Parlant de projet, celui dont il est particulièrement fier est sans conteste le CFER des Chênes.
«Ça m’a permis d’aller présenter ce projet à Barcelone au concours international World architecture festival, en 2011. On était finaliste à travers la planète. Il y avait six projets du Canada sur les 600-700 projets soumis. C’était mémorable. On a fait une belle école à l’image des jeunes qui la fréquentent. Ç’a été un beau défi», témoigne-t-il.
Bref, Robert Pelletier a toujours soif de nouveaux défis pour continuer à changer le visage urbain des villes, un projet à la fois.