MAGAZINE. Les connaissances de futurs ingénieurs permettront à la ferme communautaire Berthe-Rousseau, à Durham-Sud, d’avoir accès à l’année à des fruits et légumes frais. Des étudiants en génie du bâtiment de l’Université de Sherbrooke (UdeS) ont conçu et construit une serre autonome, passive et quatre saisons.
Difficile avec les variations du climat québécois de s’approvisionner en fruits et légumes frais douze mois par année. «Il y a eu beaucoup d’engouement dernièrement pour les potages urbains, mais l’hiver, les gens perdent leurs légumes. Est-ce qu’il y a un moyen de continuer ça?», questionne Mathieu Gariépy, vice-président de Bâtiments Intelligents de l’Université de Sherbrooke (BIUS).
C’est le défi que ce regroupement a choisi relever. L’idée a germé il y a environ trois ans. Depuis, des étudiants de la Faculté de génie de l’UdeS, motivés par l’optimisation et l’autonomie des bâtiments, planchent sur la création d’une serre autosuffisante en énergie. «C’est motivant de savoir que, par toi-même, tu peux produire des fruits et légumes à l’année pour nourrir ta famille et être autosuffisant, sans nécessairement changer ton mode de vie au complet. En tant que génération future, je pense que c’est vers là qu’on s’en va», soutient l’étudiant en génie du bâtiment à l’UdeS.
Intitulé VG360, leur réalisation permettra d’offrir une plus grande autonomie alimentaire à ceux qui en bénéficieront. Le prototype est construit sur le terrain de 20 hectares de la ferme communautaire Berthe-Rousseau. «On s’est associé à eux parce qu’ils redonnent à la communauté. Notre objectif est de redonner à la société à travers nos projets», indique le vice-président de BIUS.
Situé sur la route Mooney, l’organisme existe depuis 1988. Chaque année, des personnes vivant des difficultés, que ce soit en raison d’un deuil, d’un épuisement professionnel ou d’une réorientation de carrière, viennent s’y ressourcer.
«Notre mission est d’accueillir des personnes qui ont besoin de prendre soin de soi, de se retrouver, d’être en contact avec la nature. Ici, on jardine, cuisine, on prend soin de la maison et de la ferme. Ce sont des repères au quotidien qui donnent un sens autant aux personnes éloignées du marché du travail que celles qui ont besoin de s’arrêter parce que ça va trop vite», indique Marie-Ève Barbeau, l’une des coordonnatrices de l’organisme.
Déjà, la ferme communautaire produit légumes, lait, œufs et viande. «On est presque autosuffisant. Il manque seulement les céréales. Ça nous procure beaucoup de fierté. Actuellement, il nous reste plusieurs légumes d’hiver, comme des carottes, des betteraves, des oignons, des pommes de terre, des patates douces, des courges et de l’ail», énumère-t-elle.
Lorsqu’elle sera fonctionnelle d’ici les prochains mois, la serre VG360 permettra de rallonger cette liste. «On souhaite essayer des variétés qui ont besoin de plus de chaleur. On va s’en doute mobiliser les citoyens du village pour faire des tests», avance Mme Barbeau. Ça va aussi permettre de rallonger la saison. On pourra y faire des pousses et des verdures l’hiver et y commencer nos semis.»
L’organisme peut accueillir jusqu’à quatre résidents sous son toit pour un séjour variant de quelques semaines à plusieurs mois, en plus des visiteurs et des groupes.
Innovant
La construction de la serre VG360 a débuté l’été dernier. Une vingtaine d’étudiants s’y rendent notamment les fins de semaine pour avancer le projet, bénévolement. «Une fois l’excavation faite, on a mis des panneaux d’isolant pour faire comme un thermos. Ensuite, on a mis de la pierre granulée et du sable dans lequel on a fait serpenter des tuyaux. On a rajouté la terre par-dessus», explique Mathieu Gariépy, de BIUS.
«Grâce au système qu’on a mis en place, on peut contrôler la température dans le sol pour que les racines des cultures ne gèlent pas. Sur les côtés, on est venu appuyer la structure en bois sur les fondations en béton. Il nous reste à mettre en place le système d’irrigation et à installer les rideaux thermiques», poursuit-il.
Pour rendre la structure plus étanche, les murs en double ossature ont été remplis avec l’isolation de chanvre. Ils ont été scellés avec un pare-vapeur. Du revêtement en cèdre provenant du Petit moulin du 4 miles a été posé. «Les fenêtres sont orientées plein sud. La serre utilise le solaire passif pour se réchauffer et produire sa propre énergie. Elle n’a pas besoin d’être branchée à Hydro-Québec», résume-t-il, ajoutant qu’un système de panneaux solaires et de batteries a aussi été mis en place.
Des capteurs ont été installés dans les rangs à proximité afin de recueillir différentes données qui sont ensuite acheminées à l’aide d’un réseau mobile. Le système domotique réfléchi par les futurs ingénieurs permet de contrôler à distance l’humidité, la luminosité et la température.
D’une dimension de 3 mètres par 6 mètres, la serre permettra de nourrir une famille de trois personnes à l’année. Les plans du projet, qui suscite déjà un engouement à travers la province, seront disponibles gratuitement sur Internet.
«On veut que la mécanique, qui reste à finaliser, soit autant réussi que la structure avant de dévoiler les plans, indique Mathieu Gariépy. Des écoles nous ont aussi approchés. On pense que ce serait une bonne opportunité de faire découvrir la culture en serre, mais aussi ce qui touche le génie du bâtiment pour susciter un intérêt dès un jeune âge. Ce serait faire d’une pierre deux coups.»