FIN DE VIE. Âgé de 28 ans, Dr Philippe-Joël Nault a toujours su qu’il allait consentir à poser l’acte de l’aide médicale à mourir. Pour lui, ce n’est pas une question de choisir entre la vie et la mort, mais bien de respecter les volontés d’une personne en fin de vie.
Souhaitant faire connaître davantage les soins palliatifs à domicile, puis lever le voile sur l’aide médicale à mourir, Dr Philippe-Joël Nault, qui a abrégé les souffrances d’Hélène St-Pierre, a pris le temps de discuter avec L’Express deux fois plutôt qu’une.
Dimanche après-midi, plusieurs ont été surpris de le voir arriver accompagné de deux infirmières, Vicky Blanchard et Élizabeth Valois, un trio âgé dans la vingtaine, pour pratiquer un acte de fin de vie.
«Les médecins de jeune et de moyenne générations sont plus enclins à Drummondville à en faire», a informé Mme Blanchard.
Qu’importe l’âge, le ton était à la fois doux et professionnel.
Dr Philippe-Joël Nault s’est même adressé à la famille, à l’extérieur, quelques minutes pour s’assurer que tous comprennent bien le déroulement de l’acte.
«D’expliquer les choses et de mettre des mots, je trouve ça très important (…) La grosse erreur qui est faite, c’est de se dire qu’on doit choisir entre la vie et la mort. Ce n’est pas ça. Quand quelqu’un choisit l’aide médicale à mourir, il choisit de devancer l’irrémédiable, comme l’a fait Hélène», a-t-il fait observer.
S’il semble confortable dans sa pratique, Dr Nault n’a pas perdu pour autant le décompte des patients qui ont reçu son aide pour terminer leurs jours. Hélène St-Pierre était sa dixième patiente.
Chaque fois, les choses se passent différemment. «Aujourd’hui, par exemple, je n’ai jamais vu une famille aussi intense. Écoutez, ils chantent en écoutant du Britney Spears, pour supporter Hélène. Elle est bien entourée», a-t-il indiqué au journal, alors qu’il était quelque peu en retrait, dimanche.
Dr Nault pratique la médecine depuis deux ans. Il s’est toujours dit en faveur de l’aide médicale à mourir. La première fois, il s’est plongé dans ce défi tête première, sans même avoir eu le temps d’assister un collègue, question d’apprivoiser la pratique.
«La première fois, tout était clair. J’étais devant une souffrance que je ne pouvais plus soulager, le patient était en fin de vie. Tout était aligné; toutes les raisons étaient là. Mais en dedans, c’était difficile. J’avais l’impression que j’agissais un peu contre nature. J’étais très nerveux. Quand je suis arrivé là, j’étais vraiment stressé, car qu’on le prenne de toutes les façons, dans la vie, il y a deux grandes étapes : la naissance et la mort.»
Il poursuit : «Vu que je travaille aussi en gériatrie, notamment auprès de patients qui ont des troubles cognitifs sévères au CHLSD Frederick-George-Heriot, mon objectif en tant que médecin est un peu différent. La majorité de mes collègues veulent sauver leurs patients pour qu’ils continuent de vivre alors que moi, mes plus belles réussites, elles meurent toutes. Mon objectif est donc de m’assurer que mes patients meurent bien. Quand j’ai réussi à faire du sens là-dedans, j’ai été capable d’aller de l’avant».
Dr Philippe-Joël Nault fait donc partie des médecins à Drummondville qui reçoit quelques dossiers d’aide médicale à mourir par année. Malgré les réticences de certains, il précise que les nouveaux médecins, qui ont fait leur entrée dans les différents groupes de médecine familiale au cours des derniers mois, démontrent une belle ouverture à cet égard. «J’essaie moi-même d’intégrer des collègues dans mes démarches. Je pense que c’est comme ça qu’on fera tourner la roue et qu’on sera un moteur de changement», a-t-il exprimé.
Il espère également que cette pratique soit davantage connue et comprise du grand public, puisqu’elle fait maintenant partie de l’éventail des services de fin de vie offerts au Québec.
L’acte
Une chose est certaine, l’aide médicale à mourir n’ajoute pas de souffrance à la personne. L’acte en tant que tel est composé de trois étapes. «Après avoir utilisé de l’eau pour rincer l’intraveineuse, on injecte un médicament pour faire relaxer et dormir la personne. Ensuite, on induit un coma. Puis, on paralyse les muscles de la respiration», a expliqué le médecin. En environ deux minutes, le patient décède.
«C’est une belle mort. Et dans l’histoire, ce qui est encore plus beau, c’est qu’on a su respecter ses choix jusqu’au bout», a indiqué Dr Nault.
Qui est Dr Philippe-Joël Nault?
Dr Philippe-Joël Nault a grandi à Notre-Dame-du-Bon-Conseil. Il a étudié au Cégep de Drummondville, puis il a entrepris ses études en médecine à Trois-Rivières (Université de Montréal) avant de réaliser sa résidence à Drummondville.
«Quand j’ai commencé ma résidence, je voulais faire de la médecine d’urgence et donner des soins aigus, mais finalement, j’ai trouvé ma voie dans les soins palliatifs. La gériatrie et les personnes âgées, j’ai trouvé là-dedans quelque chose qui me rejoignait. C’est vraiment la relation d’accompagnement qui me drive dans ma pratique», a-t-il affirmé.
En plus d’être un des deux médecins responsables du CHSLD, il est l’unique médecin de l’équipe des soins palliatifs à domicile pour la grande région de Drummondville.
Aide médicale à mourir – les critères
- Être majeur et apte à consentir aux soins;
- Être atteint d’une maladie grave et incurable;
- Se trouver dans une situation médicale caractérisée par un déclin avancé et irréversible de ses capacités;
- Éprouver des souffrances physiques ou psychiques constantes, insupportables et qui ne peuvent être apaisées dans les conditions que la personne juge tolérables.
Quelques données
L’Assemblée nationale a adopté la Loi concernant les soins de vie le 5 juin 2014, mais la majorité des dispositions sont entrées en vigueur le 10 décembre 2015. Depuis, le nombre de demandes d’aide médicale à mourir ne cesse d’augmenter.
Dans la région sociosanitaire de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec, 85 personnes l’ont reçue entre le 1er avril 2019 et le 31 mars 2020. À l’échelle de la province, ce sont 1776 personnes – 53 % de sexe masculin et 47 % de sexe féminin – qui ont reçu ces soins durant la même période. Seulement 20 % des patients sont décédés à domicile.
La très grande majorité (90 %) de ces gens étaient âgés de 60 ans et plus et une forte proportion (76 %) était atteinte de cancer.
(Données tirées du rapport annuel d’activités de la Commission sur les soins de fin de vie – septembre 2020)
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