Des montagnes russes d’émotions pour une famille

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Par Emmanuelle LeBlond
Des montagnes russes d’émotions pour une famille
La suspension des chantiers de construction résidentiels entraîne son lot de désagréments. (Photo : Ghyslain Bergeron)

Une famille de Drummondville baigne dans l’inquiétude depuis l’arrêt du chantier de construction de leur résidence. Face au manque de solutions, ces résidents craignent le pire : se retrouver sans domicile fixe.

«On a vendu notre maison au mois de février. On reste encore dans notre maison actuelle qu’on loue aux acheteurs. Ce sont des gens de Laval qui sont âgés de 70 ans et plus. Ils sont en appartement et doivent quitter avant le 1er juillet», explique une résidente de Drummondville, qui préfère garder l’anonymat.

«Ils prennent possession de la maison le 25 juin. Nous, on était censé se faire construire une maison pour quitter le même jour. C’était vraiment le monde idéal. Et là, ce n’est vraiment plus comme ça que ça se passe», ajoute-t-elle, la gorge serrée.

À la suite de la suspension des chantiers de construction au Québec, la famille a appris que son projet serait retardé de six semaines. «Présentement, il n’y a rien de construit. Ils ont juste coupé les arbres. Il [l’entrepreneur] a pris la décision d’arrêter les chantiers au moment où il allait creuser», raconte-t-elle.

Démunie, la femme de 39 ans ne sait pas comment résoudre un tel problème : «On avait déjà prolongé au maximum avec les acheteurs. Dans le passé, ils nous avaient proposé une date antérieure, mais on avait négocié le plus tard possible pour le 25 juin.»

L’anxiété augmente de jour en jour. «Pour l’instant, je ne suis pas capable de le gérer. J’ai mis mon conjoint là-dessus. J’ai beaucoup de stress par rapport à ça. J’ai décidé de me couper pour ma santé mentale. Je sais que ça va me rattraper et qu’il faudra trouver une solution…», avoue celle qui souffre d’insomnie.

En ces temps hors de l’ordinaire, l’enseignante de profession jongle avec plusieurs préoccupations. Elle doit régulièrement faire des suivis avec les parents de ses élèves via les réseaux sociaux. «Aussi, j’ai ma fille à la maison, à qui je dois faire l’école à la maison. Et j’ai mes parents qui sont âgés – qui habitent juste à côté de chez moi – et je dois faire leur épicerie. C’est vraiment beaucoup», confie-t-elle, avec émotion.

En mode solution

Les solutions se font rares pour cette famille de Drummondville. Elle a l’option de louer un appartement, mais cette voie semble difficile. «On a tout vendu nos électroménagers. Prendre un appartement pour trois à six semaines… ce n’est pas facile. On n’aura même pas d’électroménagers parce que ceux qu’on vient d’acheter sont chez Setlakwe», souligne celle qui a aussi appelé dans les hôtels de la région pour s’informer sur les prix à long terme.

Normalement, la résidente aurait eu le réflexe de se tourner vers ses parents. «Mes parents sont âgés de 70 ans et plus. Je ne suis pas sûre que ça va leur tenter de nous héberger étant donné la condition actuelle du coronavirus. Ils nous ont dit qu’on pouvait mettre une tente sur leur terrain. Mais là, comment on va se laver et manger? On ne le sait pas.»

Dans tous les cas, la femme de 39 ans redoute les déplacements multiples qu’engendre ce contretemps. «Ma fille est asthmatique et c’est inquiétant pour la COVID-19 et les contacts avec les déménagements potentiels. Aussi, ça implique un stress financier s’il y a plusieurs déménagements obligatoires.»

La résidente demande au gouvernement provincial de trancher sur la question des chantiers de construction résidentiels. «Un moment donné, le gouvernement va devoir prendre position. On ne peut pas attendre à la dernière minute. Des camions de déménagement, ce n’est pas à la dernière minute que tu réserves ça. Il faut que quelque chose soit fait. Si le gouvernement pouvait dire qu’il n’y a plus aucun déménagement. Il n’y a plus rien qui se passe. Ça pourrait être une solution», propose-t-elle.

Malgré ces montagnes russes d’émotions, la Drummondvilloise sait qu’elle peut compter sur le propriétaire des Habitations Jutras. L’entrepreneur fera tout en son pouvoir pour livrer la maison dans un délai de cinq semaines, plutôt que six, soutient-elle.

«Nous sommes bien contents de voir leur support. Ils peuvent entreposer nos meubles gratuitement et ils vont essayer de nous trouver quelque chose. Nous cherchons aussi de notre côté! Nous sommes surpris de voir comment le propriétaire Carl Jutras gère bien la situation», conclut-elle.

Note de la rédaction. À l’heure de tombée de L’Express, lundi, le gouvernement du Québec a annoncé que le secteur de la construction résidentielle allait être ajouté dans la liste des secteurs essentiels et pourra reprendre ses activités le 20 avril et ce, uniquement pour les projets devant être livrés avant le 31 juillet 2020. «On ne veut pas avoir à gérer une crise du logement en plus de la pandémie», a indiqué le premier ministre François Legault.

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