Immigration : communication et intégration

Immigration : communication et intégration
(Photo : L'Express de Drummondville)

TRIBUNE LIBRE. Au chapitre de l’intégration, la communication joue un rôle indéniable. Or, des aspects, telle la façon d’établir les contacts (aspect non verbal) ou la langue d’usage (aspect verbal), avec toutes ses nuances, portent la marque de l’histoire et de la culture d’un peuple. En voici des exemples.

À leurs débuts, de nombreux immigrants s’étonnent du fait qu’en arrivant au travail les collègues répondent peu à leurs salutations systématiques, ou n’en voient pas l’intérêt. Pourtant, cette forme de cordialité, loin d’être une formalité futile, traduit bel et bien que l’on reconnaît l’existence de son vis-à-vis, et qu’il compte à nos yeux. Un simple bonjour, une poignée de main, parfois une bise, constituent une façon de restaurer la relation sur une base quotidienne et de bien amorcer la journée. Advenant sa généralisation, gageons que plusieurs natifs deviendraient sensibles à ce type d’attention. Pourquoi ne pas saluer et adopter cette habitude répandue chez nos nouveaux arrivants?

Dans le même registre, d’autres comportements de nature culturelle transmettent des messages ambigus. C’est ainsi que bien des natifs, soucieux de ne pas s’immiscer dans la vie des gens, ou d’être envahis dans leur intimité, exhibent une distance avec leurs voisins sur leurs lieux d’habitation. Pour le nouvel arrivant, cette attitude prête facilement à interprétation. Indifférence? Froideur due à la culture? Discrimination? Bref, rien pour se sentir accueilli. Pour leur part, certains immigrants ne parviennent pas à dépasser leur réserve traditionnelle face à une main tendue par une personne de l’autre sexe. Un tel refus peut froisser l’interlocuteur ou sembler déplacé du point de vue de l’égalité dans les relations hommes-femmes. Pourquoi hésiter à établir un contact franc et accueillant?

Quant au souci de préserver le français comme langue de communication, des forces antagonistes concourent à sa précarisation. Au premier chef, le penchant chez plusieurs immigrants pour une intégration à la majorité anglophone du Canada ou du continent nord-américain. Une tendance compréhensible, mais difficile à infléchir chez nous compte tenu des offres d’emploi exagérément assorties de l’exigence de l’anglais, du For English Press Nine dans tous les services (même gouvernementaux,) et enfin la possibilité de bifurquer dans des études supérieures au sein d’établissements anglophones. Ajoutons la complaisance des francophones enclins à passer rapidement à la langue de Shakespeare à la moindre hésitation d’un interlocuteur. En somme, des invitations à s’abstenir du français.

En la matière, il incombe aux francophones de respecter et de valoriser leur langue avec ses couleurs et ses particularités, d’en être conscients et d’en faire connaître les contours aux allophones et autres francophones. Aussi, avoir la patience de laisser aux néophytes la chance de pratiquer les rudiments du français et les encourager en ce sens. Quant aux immigrants qui la maîtrisent déjà convenablement, pourquoi ne pas les accueillir comme des alliés dans l’amélioration de notre langue?

Si, conjugués à la fermeture de classes de francisation, les francophones n’affichent pas une fierté à bien discourir dans leur langue, s’ils divulguent des messages prétextant, par exemple, que le français est difficile à apprendre, tout cela ne contribue en rien à stimuler son apprentissage. Tout comme affirmer que la langue importe peu tant et aussi longtemps qu’on arrive minimalement à se comprendre. Rabaisser une langue à son niveau basique fonctionnel n’équivaut-il pas à renoncer à un outil unique pour se faire comprendre et sonder la profondeur de sa pensée? Parce qu’elle est à la fois la somme de notre histoire, qu’elle nous ouvre sur le monde, qu’elle renferme un vocabulaire inépuisable et une sonorité unique, ne mérite-t-elle pas qu’on en fasse la promotion? Nous ignorons probablement à quel point, vue de l’extérieur, elle nous distingue et nous rend attrayants.

Pierre Langis, Drummondville

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