MAGAZINE. Tout a commencé par un rêve. Celui de trois mordus de tennis débarquant dans le bureau d’Eugène Lapierre dans l’espoir de le convaincre d’octroyer un tournoi professionnel à Drummondville. Dix ans plus tard, le Challenger Banque Nationale est devenu un incontournable sur le circuit de l’ATP.
Au départ, Alain Caillé, Stéphan Hamel et Pierre Desrosiers –ce dernier ayant cédé sa place à Dominic Joly il y a quelques années–, souhaitaient organiser un tournoi ouvert réunissant les meilleurs joueurs au Québec. Un heureux hasard les a finalement incités à voir encore plus grand pour Drummondville.
«Les garçons de Stéphan et Pierre jouaient dans un tournoi Futures à Sherbrooke, raconte Alain Caillé dans un généreux entretien avec L’Express Magazine. Ils ont rencontré les gens de Tennis Canada. C’est venu sur le sujet qu’ils cherchaient un endroit pour organiser un Challenger. C’est vraiment là que l’idée a commencé à faire son chemin.»
Après une visite de Tennis Canada à Drummondville pour s’assurer que les installations du centre René-Verrier respectent les standards de l’ATP, le trio commence à élaborer un cahier de candidatures. En compagnie de Steve Bazinet, de la Ville de Drummondville, les trois hommes d’affaires débarquent ensuite dans le bureau d’Eugène Lapierre, grand décideur de Tennis Canada au Québec.
«On était particulièrement prêts, lance Alain Caillé. On avait préparé un plan d’affaires. On avait déjà trouvé un médecin, des bénévoles et des commanditaires. On avait un plan AutoCAD des terrains, avec les estrades et les loges. On a présenté ça pendant une heure ou deux dans son bureau. En sortant, on avait un bon feeling, mais on a eu la réponse seulement un mois plus tard. Après coup, Eugène Lapierre nous a dit qu’en nous voyant arriver, trois minutes après, c’était déjà réglé! Il avait vu quel genre de passionnés on était.»
Rapidement, un comité organisateur de 25 personnes prend forme. Dominic Joly en fait d’ailleurs partie depuis le premier jour. «On voulait trouver plein de gens d’affaires. On voulait les meilleurs dans tous les domaines», détaille Alain Caillé.
Pour illustrer la passion qui les anime encore aujourd’hui, les fondateurs du tournoi racontent avoir fabriqué eux-mêmes les loges qu’on retrouve aux abords du terrain. «Rien de tout ça n’existait! Pendant deux jours, on était sept ou huit à travailler avec les outils dans l’usine de Stéphan. C’était un beau moment. On avait eu bien du fun à faire ça», relatent les trois amis.
Alors que les exigences de Tennis Canada concernent surtout les aspects sportifs du tournoi, les organisateurs locaux portent aussi attention aux moindres détails entourant l’événement. L’objectif : créer un véritable petit Omnium Banque Nationale à Drummondville.
«On ne voulait pas faire juste un tournoi de tennis, mais plutôt un événement pour les gens d’ici, explique Dominic Joly. On voulait qu’ils se l’approprient. De là, l’espace cinq à sept, qui permet de créer une ambiance avant la séance du soir. Ce n’est pas juste du tennis : ça devient un happening. Ce sont ces petits détails qui font que tu apprécies ta soirée, tu as envie de revenir et tu en parles aux autres.»
Des moments mémorables
Fervents amateurs de tennis, un sport qui allie des aspects tant physiques qu’intellectuels et stratégiques, les trois coprésidents ont pratiqué cette discipline pendant plusieurs années. Pendant le Challenger, ils vibrent devant les exploits des joueurs canadiens tels que Frank Dancevic ou Vasek Pospisil. Parmi leurs coups de cœur, la demi-finale opposant les jeunes Denis Shapovalov à Félix Auger-Aliassime en 2017 figure toutefois en tête de liste.
«J’en parle et j’ai la chair de poule, lance Alain Caillé. Il y avait du monde plus qu’on pouvait en accueillir. Tout le monde nous disait qu’il était dans la famille de Félix pour avoir des billets, mais on n’en avait plus.»
Lors de tournois aussi prestigieux que le US Open de New York, on remarque d’ailleurs que plusieurs participants ont déjà joué à Drummondville. «On a vu beaucoup de jeunes joueurs qui sont aujourd’hui très forts sur le circuit Masters. C’est une fierté de voir qu’ils sont passés ici», ajoute Dominic Joly.
Se réjouissant du retour du Québécois Alexis Galarneau cette année, les organisateurs font remarquer que les 75 points accordés au vainqueur du tournoi sont précieux au classement de l’ATP. Il y a deux ans, le triomphe de Vasek Pospisil lui avait d’ailleurs permis de participer à la première ronde de l’Open d’Australie.
Une ville de tennis
Se préparant à célébrer son dixième anniversaire en 2025, le Challenger drummondvillois veut continuer de s’imposer parmi la crème des tournois professionnels au pays.
«Cette année, c’est une année de stabilisation. On met beaucoup notre énergie sur regarder les possibilités pour le dixième anniversaire. On va pointer des éléments, puis on va se réunir pour voir comment réaliser», précisent les responsables, qui peuvent compter sur Patricia Simard au poste de directrice générale depuis l’an dernier.
«On veut que les joueurs soient bien servis, parce que sur la planète, ils vont s’en parler. Il y a les joueurs que tu veux satisfaire, mais il y a aussi les spectateurs. On doit travailler dans les deux sens pour que leur expérience soit tout le temps sur la coche.»
À travers cette histoire à succès, l’implication de 250 bénévoles est bien sûr essentielle. «D’une année à l’autre, c’est toujours la même gang. Sans eux, ce serait impossible», soutient Stéphan Hamel.
Parmi les aspects dont ils sont le plus fiers, les organisateurs citent la présence d’élèves du primaire dans les gradins lors des séances de jour pendant la semaine. À nouveau cette année, 1300 élèves seront accueillis gratuitement.
«On est le seul Challenger à travers le monde qui remplit ses estrades chaque jour. Ça crée une belle ambiance pour les joueurs. Un stade plein, c’est un stade plein! Ce qui me fait triper là-dedans, c’est que les enfants apprennent leur géo, mais aussi l’éthique, le respect et les règles de tennis. C’est bon pour le sport», résume Alain Caillé.
«L’année passée, un parent nous a dit que son jeune est revenu en disant qu’il voulait jouer au tennis, poursuit Dominic Joly. Ils ont acheté des raquettes, il a suivi des cours et il pratique aujourd’hui le sport. Quand tu vois ça, tu peux dire wow! Mission accomplie!»
Chaque année, le public drummondvillois répond aussi présent en remplissant les gradins du Challenger, dont ses 47 loges corporatives.
«Quand tu regardes les autres Challengers dans le monde, et même dans les plus gros tournois à la télévision, c’est loin d’être comme ça. On est une belle ville de tennis. Ça paraît», conclut Alain Caillé, en faisant remarquer le tournoi drummondvillois est aussi l’un des seuls sur la planète offrant la description et l’analyse des matchs en direct pour les spectateurs.
Le neuvième Challenger se déroulera du 10 au 17 novembre, au centre René-Verrier.
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