L’odeur de cannabis persiste dans le secteur de la Commune

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Par Emmanuelle LeBlond
L’odeur de cannabis persiste dans le secteur de la Commune
Cette plantation de cannabis, située en bordure de l’autoroute 55, émet de fortes odeurs un peu partout dans le quartier de la rue de la Commune, à Drummondville. (Photo : Ghyslain Bergeron)

DRUMMONDVILLE. «Désagréable», «insupportable», «inconfortable» : tels sont les qualitatifs utilisés par ceux qui fréquentent le quartier de la rue de la Commune, alors que l’odeur de cannabis qui incommodait les résidents l’an dernier est de retour.

Karl Patry est arrivé en poste à l’école aux Quatre-Vents en juillet dernier, à titre de directeur. La rentrée scolaire s’est déroulée rondement. Près de 700 élèves ont fait leur arrivée sur les bancs d’école, représentant un nombre record pour l’établissement scolaire.

À la mi-septembre, une odeur de «mouffette», provenant d’un vaste champ de cannabis à proximité, a fait son apparition dans le quartier résidentiel. Certaines journées l’intensité est particulièrement forte, tandis qu’à d’autres moments elle est plus faible. Parfois, la situation revient à la normale.

«Personnellement, ce que je remarque, c’est que l’odeur est vraiment ponctuelle. Ce n’est pas tous les jours. C’est plutôt occasionnel. La semaine passée, il y a eu un redoux avec quelques jours de beau temps. L’odeur était présente. Il y a même une journée où j’ai dû personnellement fermer les deux fenêtres de mon bureau parce que l’odeur était trop forte. J’ai fait aérer avec mon ventilateur», explique le directeur de l’école, lors d’une entrevue avec L’Express le 9 octobre.

Le directeur de l’école primaire aux Quatre-Vents, Karl Patry, a sondé les membres du personnel en lien avec l’odeur de cannabis. (Photo : Ghyslain Bergeron)

Karl Patry a sondé les membres du personnel afin de brosser un portrait global. «J’ai quand même 61 % de mon équipe-école qui a répondu au sondage. Ce qui ressort, c’est que l’odeur qui se dégage de l’entreprise à proximité est vraiment désagréable», fait-il savoir.

Près du trois quarts des répondants, c’est-à-dire 73 % des membres, ont nommé que l’odeur de cannabis «dérange beaucoup» sur les terrains de l’école, tandis que plus de la moitié (56 %) a indiqué que la situation est tout aussi irritante à l’intérieur de l’établissement scolaire.

Concrètement, quel est l’impact auprès de l’équipe-école? «J’ai demandé aux membres du personnel si certains avaient des symptômes en lien avec les odeurs. Quarante-sept pour cent des répondants ont dit qu’ils avaient des symptômes de façon ponctuelle. On parle ici de maux de tête et parfois des étourdissements. J’ai quand même 40 % des membres qui disent n’avoir aucun symptôme.»

Alors que le ministère de l’Éducation oblige les directions à ouvrir portes et fenêtres pour ventiler les établissements scolaires, l’école aux Quatre-Vents doit parfois limiter la durée d’une telle opération. «Ces temps-ci, si on ouvre quand il y a une odeur, les gens se plaignent. On referme les fenêtres», informe le directeur.

Rappelons que l’an dernier, la directrice de l’école Nathalie Melançon se disait préoccupée par l’odeur de cannabis qui flottait dans le quartier.

C’est que la plantation de cannabis, appartenant à Canna-Culture, est située sur le 5e rang, à l’ouest de l’autoroute 55. L’entreprise exploite entre autres une plantation extérieure de cannabis sur une trentaine d’acres de terres agricoles. Le quartier résidentiel est quant à lui localisé de l’autre côté de l’autoroute.

Selon l’équipe-école, le statu quo est maintenu. «Par rapport à l’année dernière, j’ai demandé aux gens qui étaient ici comment ils qualifient l’odeur du cannabis tant à l’intérieur et à l’extérieur, à savoir s’il y a une grande amélioration, une amélioration, pas d’amélioration ou une détérioration. Soixante-dix-huit pour cent des répondants ont noté qu’il n’y avait pas d’amélioration au niveau de l’odeur», mentionne Karl Patry.

Dans tous les cas, la priorité de l’établissement scolaire reste la réussite éducative des élèves. «Ce n’est pas un problème sur lequel on a un pouvoir. On a quelques parents qui ont appelé la secrétaire ou ils se sont présentés à l’école pour se plaindre de l’odeur. On les réfère à la Ville.»

Des citoyens incommodés

Les citoyens habitant dans le quartier sont aussi incommodés par l’odeur. C’est le cas du couple de retraités, Pierre Vigeant et Francine Vincent, qui réside sur la rue Vivaldi depuis 13 ans.

Pierre Vigeant, citoyen du quartier, craint que le problème soit récurrent. (Photo: Ghyslain Bergeron)

«Je trouve ça vraiment désagréable. Il y a trois ans, on n’avait pas une odeur comme ça. On pouvait s’en passer. Si ça sentait la rose ou le bon pain chaud, je ne me plaindrais pas, mais ce n’est pas le cas», exprime celui qui craint que le problème soit récurrent.

Ce dernier rappelle que l’an dernier, une pétition citoyenne a récolté plus de 1000 signatures l’an dernier afin que l’entreprise soit relocalisée.

Selon Pierre Vigeant, l’odeur est moins soutenue qu’auparavant, mais l’inconfort demeure. «Quand on veut manger à l’extérieur, on ne le peut pas. À l’intérieur, il faut fermer les fenêtres et les portes. Sans ça, ça sent trop fort.»

Le Drummondvillois a fait des démarches auprès de l’école, de la Ville de Drummondville ainsi que du député de la circonscription de Johnson André Lamontagne, sans résultats concluants. Toutefois, le service de l’urbanisme de la Ville a affirmé avoir reçu sa plainte.

Des analyses en cours

Dernièrement, quelques résidents du quartier ont remarqué la présence d’un véhicule du laboratoire mobile TAGA du Centre d’expertise en analyse environnementale du Québec.

Ces derniers ont vu juste, confirme le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs. Depuis le 23 septembre, le laboratoire mobile effectue une deuxième campagne d’échantillonnage de l’air ambiant dans le quartier résidentiel et les alentours des installations de Canna-Culture.

Le véhicule du laboratoire mobile du ministère de l’Environnement à son passage dans le quartier de la rue de la Commune. (Photo: Archives – gracieuseté)

«L’objectif de cette campagne est de documenter les émissions des odeurs provenant des installations de l’entreprise Canna-Culture et leur impact sur la qualité de l’air ambiant. La cueillette de données prendra fin au cours des prochaines semaines et fera l’objet d’une analyse par la suite», informe le Ministère, par voie de courriel.

Entre le 3 octobre et le 13 novembre 2023, le Ministère a reçu 13 signalements des odeurs provenant des installations de l’entreprise Canna-Culture. Du 14 novembre 2023 à aujourd’hui, trois autres signalements d’odeurs se sont ajoutés, plus précisément en septembre dernier.

Notons que l’inspection réalisée en 2023 dans les installations de Canna-Culture a permis de constater que l’entreprise cultivait du cannabis dans un bâtiment sans autorisation ministérielle. Or, aucune odeur de cannabis n’a été décelée dans le quartier résidentiel à proximité, incluant la cour de l’école aux Quatre-Vents.

À la même date, une première campagne d’échantillonnage de l’air ambiant a été effectuée. «Les résultats de cette campagne n’ont détecté aucune problématique en lien avec la qualité de l’air ambiant.»

Un avis de non-conformité a été transmis à Canna-Culture en novembre 2023 pour notamment des manquements à l’article 22 de la Loi sur la qualité de l’environnement pour la culture de cannabis dans un bâtiment sans détenir l’autorisation nécessaire.

En décembre, une sanction administrative pécuniaire de 5000 $ a été imposée à l’entreprise pour le même manquement. Ainsi, un plan des mesures correctives a également été demandé.

Contactée par L’Express, Canna-Culture a refusé de commenter la situation.

Stéphanie Lacoste. (Photo: Ghyslain Bergeron)

L’an dernier, la cofondatrice Julie Faucher avait indiqué que «les odeurs sont présentes durant une période de 30 à 45 jours comme toute odeur en milieu agricole, lorsqu’il y a un épandage de fumier».

La Ville à l’affût

De son côté, la Ville de Drummondville suit le dossier de près. «On connaît cet enjeu. On travaille avec l’entreprise pour améliorer les choses, comme on fait chaque fois», affirme la mairesse Stéphanie Lacoste.

«Il y a des amendes qu’on peut émettre, mais on s’en sert lorsque les entreprises ne sont pas coopératives et elles ne cherchent pas à trouver des solutions. En ce moment, ce qu’on en entend, c’est qu’ils veulent travailler certaines solutions. On fait un suivi serré», complète-t-elle, en affirmant que les plaintes recueillies sont transférées au Ministère.

Le quartier de la rue de la Commune est situé essentiellement entre le boulevard Jean-De Brébeuf et la rue Saint-Damase, à Drummondville.

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