MAGAZINE. Fernand Landry est un barbier établi à Notre-Dame-du-Bon-Conseil depuis 1969. Après 63 ans de métier, l’octogénaire rase et coupe encore des cheveux et des barbes, et il n’a pas l’intention de déposer ses ciseaux de sitôt.
L’auteur de ces lignes s’est prêté au jeu en laissant le barbier travailler sur lui tout en lui posant des questions sur son parcours, confortablement assis sur l’une des chaises de son salon de coiffure.
Au départ, M. Landry devait reprendre la ferme familiale, mais il n’avait pas d’intérêt ni d’aptitude pour le travail de fermier. Son père l’a alors emmené voir un de ses amis qui était barbier pour lui faire couper les cheveux. C’est à ce moment qu’il a eu le déclic pour la profession.
En 1959, âgé alors de 15 ans, le Bonconseillois est allé étudier à l’école des métiers commerciaux de Montréal. Pendant la période des Fêtes, l’un de ses professeurs lui a proposé de remplacer un barbier qui partait en vacances.
«Au début, j’ai dit non parce que pour moi, Montréal, c’était tout nouveau et c’était une grosse ville. Puis, j’y suis allé et j’ai continué à travailler au salon les fins de semaine tout en faisant mes études. C’est ça qui m’a encouragé à continuer puisque j’avais un peu d’avance sur les autres», raconte-t-il.
Après avoir terminé ses études en 1961, Fernand Landry est resté deux années supplémentaires à Montréal afin d’obtenir sa carte de barbier. Par la suite, il a déménagé à Drummondville, où il a vécu pendant quatre ans, avant de revenir à Notre-Dame-du-Bon-Conseil en 1969.
M. Landry raconte qu’il a été propriétaire de plusieurs salons de barbier avant de s’établir au 521, rue Notre-Dame, où il s’y trouve encore. «Quand je suis allé voir le propriétaire de la maison, il m’a dit qu’elle n’était pas à vendre, mais après avoir discuté un peu avec lui autour d’un café, il a fini par changer d’avis», explique-t-il.
L’expérience Fernand Landry
L’octogénaire insiste sur le fait qu’il continue jour après jour son métier pour voir ses clients et discuter de tout et de rien avec eux. Il peut passer des heures à discuter avec certains habitués qui viennent le voir depuis presque 50 ans ou d’autres venant de Montréal ou de Québec juste pour se faire couper les cheveux par lui.
Sa fille, Julie Landry, le remplaçait parfois quand il devait s’absenter. Elle confie que certains clients décidaient de revenir une autre journée parce qu’ils voulaient se faire couper les cheveux uniquement par son père.
M. Landry entretient ainsi une relation relevant plus du personnel avec la majorité de ses clients. À la mi-août, il a d’ailleurs reçu un appel d’un client fidèle qu’il coiffait depuis 30 ans, alors que ce dernier se trouvait sur son lit de mort à l’hôpital.
«Il m’a dit « J’ai demandé l’aide médicale à mourir et je veux te voir avant qu’ils me piquent. » Ça m’a beaucoup marqué puisqu’il avait le sourire lorsque je suis venu le voir pour simplement jaser un peu avec lui», témoigne le Bonconseillois avec émotion.
Pour le moment, Fernand Landry compte tailler les cheveux et entretenir les barbes de ses clients a fortiori aussi longtemps que sa santé le lui permettra. Il aimerait néanmoins que quelqu’un reprenne son commerce puisque cela l’aiderait à faire sa transition vers la retraite. «Mon père a mis toute sa vie là-dedans. Il ne veut pas que ses clients ne se ramassent avec personne», conclut sa fille.
Ce que disent ses proches
«Fernand c’est un homme très intègre pour qui sa clientèle est super importante. C’est un homme très calme dont j’ai beaucoup appris. Ce que j’ai beaucoup aimé c’est que, quand il m’a engagé en 1986, il m’a fait confiance en partant. Il est parti en vacances pendant deux semaines et puis il m’a laissée toute seule avec les clients. Je n’ai jamais senti qu’il avait un doute.» – Anne Montreuil, une coiffeuse ayant travaillé avec lui pendant des années.
«Je le trouve très bon. Faire ça pendant 63 ans et travailler encore à 80 ans ce n’est quand même pas rien, mais ça prend beaucoup de patience.» – Julie Landry, sa fille.
«On aurait espéré qu’ils prennent sa retraite depuis quelques années pour pouvoir profiter de la vie, mais il aime encore venir voir ses clients, jaser avec eux. Pour lui, il y a plus que juste la coiffure là-dedans.» – Claudia Leblanc, sa belle-fille.