COMMUNAUTÉ. Favoriser la cohabitation entre les usagers, renforcer les liens de confiance avec la communauté, améliorer le sentiment de sécurité des employés : l’embauche d’une intervenante de milieu à la bibliothèque publique de Drummondville s’est révélée plus que gagnante, encourageant le conseil municipal à pérenniser le projet pour les trois prochaines années.
Si certains citoyens fréquentent la bibliothèque pour l’emprunt de livres ou de documents, d’autres personnes l’utilisent comme un troisième lieu, c’est-à-dire un endroit de rencontres ou de vie.
C’est le cas de Mario Roy qui s’y rend pratiquement tous les jours. «Je suis dans la rue la moitié du temps. Ma blonde a une chambre près de l’autodrome», dit le quadragénaire. Il se déplace à vélo au centre-ville afin de bénéficier des services tels que la Fondation de la Tablée populaire.
La bibliothèque figure parmi ses arrêts. C’est sa conjointe Mélanie qui l’a encouragé à fréquenter l’endroit. «Je ne venais pas vraiment au début. J’étais plus au parc Woodyatt. Les intervenants de La Piaule ont dit qu’on pouvait venir ici. Avant, je ne me sentais pas accueilli. Les gens étaient souvent fermés. Après quelques mois, c’est passé», exprime celui qui a observé un changement de mentalité.
L’édifice Francine-Ruest-Jutras est devenu un lieu de socialisation pour lui. Il a appris à s’ouvrir aux autres. «Quand je vois des nouveaux qui viennent s’asseoir, je suis plus courtois qu’il y a deux ans. J’étais plus méfiant. Maintenant, je parle avec plus de monde. Je suis content.»
Mario Roy aime passer du temps au parc culturel, une nouvelle installation construite sur le site de la bibliothèque. Plusieurs personnes s’y réunissent, de tous les âges et de tous les horizons.
L’intervenante de milieu, Alexandra Gingras-Gaudreault, se déplace entre ces groupes avec aisance. Parfois, elle prête une oreille attentive; d’autres fois, elle propose de l’aide.
«Mon travail est de me déplacer dans les milieux où il y a des gens au lieu d’attendre qu’ils viennent me voir dans mon bureau. Je vais à leur rencontre pour les accompagner dans ce qu’ils vivent. L’essence de mon travail est de créer des liens de confiance avec les gens, entre autres ceux qui sont en rupture sociale», indique-t-elle.
Pour un meilleur vivre ensemble
Depuis 2021, la bibliothèque publique mène un projet pilote qui se distingue à l’échelle de la province. Une intervenante de milieu de l’organisme La Piaule Centre-du-Québec a été embauchée pour contribuer à un meilleur «vivre-ensemble» pour les différents usagers de la bibliothèque.
Alexandra Gingras-Gaudreault consacre de 15 à 25 heures par semaine à l’édifice de la rue des Forges. «Je ne travaille pas seulement avec les gens en situation d’itinérance. Le but est que tout le monde apprenne à cohabiter. Je fais aussi un travail de sensibilisation avec monsieur et madame Tout-le-monde», fait-elle savoir.
L’intervenante interagit avec une clientèle variée. «J’ai rencontré beaucoup de nouveaux arrivants qui ne savent pas comment utiliser un ordinateur, imprimer un curriculum vitae ou remplir un formulaire. Je crée aussi des liens avec des adolescents.»
Chaque journée est différente. Alexandra Gingras-Gaudreault se promène autant à l’intérieur qu’à l’extérieur du bâtiment. Elle croise de nouveaux visages toutes les semaines. «Je n’ai pas nécessairement besoin de faire une intervention pour baisser les tensions à la bibliothèque. Parfois, je croise une personne et je la salue. J’échange avec elle quelques phrases. Ça lui permet de s’exprimer et de livrer ce qui l’habite à ce moment-là. Ça évite une situation de crise», affirme-t-elle.
De son côté, Jean-François Fortin, chef de division à la bibliothèque, constate que la présence d’Alexandra améliore le sentiment de sécurité des employés. L’intervenante les accompagne dans l’encadrement de la clientèle.
«On vient d’ajouter un talent et une expertise dans notre équipe qu’on n’avait pas avant et qui déteint positivement sur le reste», soutient-il.
Là pour rester
Lors de la dernière séance du conseil municipal, les élus ont autorisé la signature d’une entente de partenariat avec La Piaule relativement à l’embauche d’une intervenante de milieu à la bibliothèque jusqu’en 2028. «Force est de constater que ça a vraiment un impact positif pour tous. Le conseil a embarqué dans le projet pilote pour régler une situation X. On a eu envie de le pérenniser lorsqu’on a vu que ça avait un impact réel sur le vivre ensemble», souligne la mairesse de Drummondville, Stéphanie Lacoste.
Jean-François Fortin se réjouit de cette nouvelle. «C’est extrêmement positif. C’est un projet où c’est important d’avoir de la stabilité. On développe une relation avec les usagers. Ça peut prendre plusieurs mois à se construire. En arrêtant le projet, ça vient compromettre tout le travail qui a été effectué depuis 2021.»
Ce dernier ajoute que le modèle unique de la bibliothèque a inspiré plusieurs villes à travers la province, dont Trois-Rivières et Québec.
Le projet a d’ailleurs remporté le prix Coup de cœur du jury à l’occasion de la 18e édition du mérite Ovation municipale de l’Union des municipalités du Québec, une reconnaissance nationale prestigieuse.