Prendre du recul… pour mieux rebondir

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Par Emmanuelle LeBlond
Prendre du recul… pour mieux rebondir
Amélie Robert participe au programme Tandem du Carrefour jeunesse emploi Drummond. (Photo : Ghyslain Bergeron)

TÉMOIGNAGE. À seulement 29 ans, Amélie Robert a tout un bagage de vie. Celle qui est devenue mère à 17 ans a essayé à plusieurs reprises de se tailler une place sur le marché du travail, sans succès. Le programme Tandem du Carrefour jeunesse emploi Drummond lui permet de prendre du recul pour mieux rebondir.

Les dernières années n’ont pas été de tout repos pour Amélie Robert. La mère de trois enfants s’offre un moment d’arrêt pour la première fois depuis longtemps. «Cet été, j’ai été en Gaspésie avec mon conjoint. On est parti pendant une semaine en camping sauvage avec les enfants. En dix ans, on n’avait jamais pris de vacances», dit-elle, d’entrée de jeu.

Le temps s’est mis à passer à une vitesse folle lorsqu’elle est tombée enceinte à l’âge de 17 ans. «Ce n’était pas prévu. Le géniteur n’était pas une bonne fréquentation. Je l’ai vite réalisé. Je voulais quand même qu’il reste dans la vie de ma fille. Je trouvais ça important qu’elle ait ses deux parents. Ça n’a jamais pu arriver. Il a fait de la prison. Ce n’était pas un milieu que je voulais monter à mon enfant. J’ai coupé les ponts avec lui», raconte celle qui s’est retrouvée monoparentale.

Celle qui suivait un diplôme d’études professionnelles en pose de systèmes intérieurs a interrompu ses études. Après la naissance de sa fille, Amélie Robert a travaillé dans une quincaillerie. Plus précisément, elle était attitrée à la cour à bois.

À travers tout ça, elle a rencontré son conjoint actuel. Éventuellement, elle a accueilli dans sa vie un deuxième enfant.

La réalité des chantiers

Déterminée à trouver sa voie, Amélie Robert a complété son diplôme d’études professionnelles pour se lancer officiellement dans le domaine de la construction. «Un entrepreneur voulait m’engager comme charpentière. Je suis entrée par le bassin de la Commission de la construction du Québec», fait-elle savoir.

L’apprentie était passionnée par son travail, mais elle a rapidement été confrontée aux réalités du chantier. Amélie Robert a été victime d’intimidation et de sexisme. «Les gars sont curieux et ils veulent savoir le caractère que tu as. Ils lâchent des pines une fois de temps en temps. Ils regardent comment tu réagis. J’étais naïve. Je prenais tout à la rigolade, jusqu’à tant que je réalise que c’était plus intense. Quand ça ne faisait pas leur affaire, ils ne se gênaient pas pour garrocher leur venin. C’est là que j’ai commencé à le prendre personnel.»

Du haut de ses 19 ans, Amélie Robert a fait pour la première fois des crises de panique. «Je m’enfermais pendant une demi-heure aux toilettes. Je n’étais plus capable de sortir. Je ne comprenais pas ce qui se passait. Je n’avais jamais vécu ça. J’avais des picotements dans mon ventre. Mon cœur serrait. Je cherchais mon air. C’était paniquant», exprime-t-elle.

Après quelques mois, Amélie Robert n’en pouvait plus. Son médecin lui a prescrit un arrêt de travail. C’est durant cette période qu’elle a appris qu’elle était atteinte d’un trouble d’anxiété généralisée. Elle a décidé de prendre de la médication pour l’aider au quotidien.

Quelque temps après, elle a accouché de son troisième enfant. En ayant son bébé dans ses bras, Amélie Robert s’est promis de ne plus revivre le même calvaire sur les chantiers. Elle avait besoin de changement.

Dans le but d’approfondir ses connaissances en charpenterie, elle est retournée sur les bancs d’école. La pandémie de COVID-19 a bouleversé ses plans, alors que les cours ont été interrompus.

Une opportunité de travail s’est présentée à elle. Amélie Robert était en confiance. Elle a foncé. «Je suis retournée sur les chantiers en charpenterie. Tout allait bien. Pendant six mois, c’était le rêve.»

Et puis, le même scénario s’est répété. Intimidation. Sexisme. Le cauchemar se poursuivait. Les crises d’anxiété sont revenues. Rien n’allait plus. L’apprentie charpentière a remis sa démission, après avoir tenté de porter plainte.

Comme ultime tentative, Amélie Robert a changé de trajectoire en optant pour un programme d’étude au collégial. À cause d’une erreur administrative de la part de la direction, elle est retournée à la case départ.

En quête de repères

Lorsqu’Amélie Robert a cogné à la porte du Carrefour jeunesse emploi Drummond, elle était sans repères. «Dans la vie, ça me prend un plan A, un plan B et un plan C. Si le plan A ne marche pas, j’ai le plan B pour continuer à avancer. Je n’avais plus de plan.»

L’intervenant François Boucher accompagne Amélie dans le cadre du programme. (Photo : Ghyslain Bergeron)

L’organisme a accueilli Amélie Robert à bras ouverts. Elle a rapidement fait la rencontre de François Boucher, intervenant et responsable du programme de réinsertion sociale Tandem. Au fil des rencontres, un lien de confiance s’est bâti entre eux.

Le programme Tandem permet aux personnes de 16 à 35 ans de développer leur autonomie professionnelle et sociale. L’objectif est de permettre aux participants de déployer leur projet de vie. Des rencontres personnalisées sont offertes, afin de répondre aux besoins de chacun.

Amélie Robert participe au programme depuis plus d’un an et demi. Son objectif est d’apprendre à se connaître en tant que femme. Elle est en train de solidifier ses bases, tout en priorisant son bien-être. «Je vois ma vie prendre du sens», affirme-t-elle, avec un sourire aux lèvres.

Par sa prise de parole, Amélie Robert souhaite encourager ceux qui en ressentent le besoin d’aller chercher de l’aide et surtout de ne pas rester seul.

Un programme en demande

Le programme Tandem existe depuis sept ans au Carrefour jeunesse emploi Drummond et les demandes d’aide ne dérougissent pas.

«La pandémie a mis la vie sur pause de bien des gens qui ont laissé aller des problèmes qui étaient déjà présents. Chaque programme a grossi dans chaque sphère de leur vie. Quand la montagne est de plus en plus haute, ça ne nous tente pas de commencer à la monter. On prend de mauvaises décisions. On s’engouffre. Il arrive des gens ici dans des situations que je n’avais jamais vues avant. On n’a pas inventé des problèmes. Ils se sont multipliés», explique François Boucher.

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